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05/22/2015
Joseph Colomb : Janácek en France - de l’indifférence à la reconnaissance. La réception française de la musique de Janácek
Les Editions de l’Ile bleue – 564 pages, 35 € – Préface d’Eric Baude et Alain Chotil-Fani





De minutieuses recherches ont permis à Joseph Colomb de tracer le lent éveil à la valeur de la musique de Leos Janácek (1854-1928) en France, des premières manifestations discrètes en 1908 jusqu’en 1987, date qui est presque une ligne de partage des eaux étant donné la suite, qui n’a été qu’une reconnaissance sans cesse grandissante. Avec patience et passion, il relève sur une période allant de 1908 à nos jours l’absence ou la présence et, dans ce cas, la fréquence du nom du compositeur dans les programmations de concert, dans les critiques dans les journaux et dans les revues spécialisées ou informatisées, et dans les programmes et retransmissions de concert à la radio et à la télévision, l’heure venue. Il observe l’attention portée à son nom dans les conservatoires, l’existence ou l’inexistence selon les années d’ouvrages traitant directement ou indirectement de Janácek et les moyens (concerts, lectures, enregistrements) qui se présentent de manière exponentielle au grand public mélomane à Paris et en province et qui l’ont sensibilisé à la musique du compositeur morave. Plus brièvement, il examine la tardive (1916) prise de conscience tchèque de la valeur et de l’envergure d’un compatriote et il compare le lent cheminement d’une reconnaissance en France à ce qui s’est produit ailleurs, principalement en Allemagne et au Royaume-Uni qui ont bénéficié de l’influence de Max Brod, de Rosa Newmarch, de John Tyrrell et du grand Charles Mackerras, entre autres.


Son objectif, c’est de comprendre le pourquoi de la relative indifférence qui a tant perduré. Parmi les explications viennent une méconnaissance de fait, quasi inévitable à une certaine époque, des espoirs et des projets brisés par chacune des deux guerres mondiales, des frontières politiques difficiles à franchir et la barrière de la langue, qui pouvait paraître un obstacle majeur, surtout dans la première moitié du siècle dernier. Toutefois, en plus du fait que Janácek ne fit aucune démarche pour se faire connaître en France malgré les prestations encourageantes des deux chorales d’instituteurs tchèques, c’est peut-être la réputation indue d’être un folkloriste, un musicien de terroir, qui a le plus contribué à freiner les élans.


Après un prélude, l’ouvrage s’organise chronologiquement en six chapitres de 1908 à 2012, avec un septième chapitre voué à la consécration du maître morave et un huitième à la réception à l’étranger, suivis d’un postlude et de quelques témoignages de musiciens. Au fil des pages, prenant appui au départ sur la vie musicale à Paris et à Lyon, Joseph Colomb démontre dans le détail, grâce à de très nombreux exemples, la lente évolution de chaque aspect de la réception française et la modification des attitudes jusqu’à aujourd’hui au travers des efforts de musiciens, écrivains, critiques et musicologues qui ont montré une juste appréciation du compositeur et de son œuvre, nombreux de nos jours mais rares pendant une longue période et d’autant plus méritants malgré les espoirs non concrétisés.


Grâce aux prestations tchèques, Romain Rolland s’élève en pionnier, saluant les premiers contacts entre 1908 et 1918 et déclarant dès 1924: «Janácek est un grand musicien dramatique. [...] Je ne vois personne à lui comparer en ce domaine en Europe actuelle.» Des musiciens ont ouvert les esprits en mettant des œuvres à leur programme tels Pierre Monteux dès 1929, Charles Bruck, Ernest Bour et, dans les années 1980, Boulez et l’Ensemble intercontemporain, Alfred Cortot dès 1931, Germaine Leroux en 1937 et plus tard Alain Planès, Après les études de la vie musicale en Tchécoslovaquie et l’ouvrage de Daniel Muller en 1930, Guy Erismann prit la relève. Les critiques tels Antoine Goléa, Martine Cadieu, Harry Halbreich, Marc Vignal ou Pierre-Emile Barbier ont favorisé la cause – les exemples abondent. Que l’on l’apprécie ou non l’œuvre de Janácek, il est maintenant indéniable qu’il n’est plus possible de l’ignorer. Pour tous, l’obscur petit compositeur morave a pris sa juste place parmi les grands créateurs du XXe siècle.


Les documents réunis et les citations d’auteurs et de critiques viennent témoigner en grand nombre de la rigueur et de la persévérance sur dix ans de Joseph Colomb, qui, mélomane (parfois sentencieux) et non musicologue, a accompli un travail de recherche, de compilation et d’analyse pertinent et tout à fait impressionnant. Le fruit de ses travaux est présenté de manière organisée dans un style aéré et clair, et s’accompagne, en plus du cahier photographique, de la bibliographie et du lexique d’usage, de nombreux tableaux et cartes frappants et explicatifs, du catalogue du compositeur avec, pour chaque œuvre, l’historique des premières françaises et des premiers enregistrements français (qui prennent la relève de Supraphon seulement en 1983). Au-delà d’une première lecture, l’ensemble reste une riche mine d’information non seulement sur Leos Janácek mais sur tout un volet de la vie musicale en France.


Le site de Joseph Colomb, Alain Chotil-Fani et Eric Baude


Christine Labroche

 

 

 

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