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05/05/2013
«Amore contraffatto»
Gianvincenzo Cresta : Devequt II, parole dalle laude di Iacopone da Todi (*)
Don Carlo Gesualdo : Sei Tenebrae responsoria del sabbato sancto (§)

Christophe Desjardins (alto), Ensemble Solistes XXI: Raphaële Kennedy (soprano solo), Aurore Bucher (soprano), Maryseult Wieczorek (*) (mezzo-soprano), Lucile Richardot (alto), Laurent David, Randol Rodriguez-Rubio (§) (ténor), Jean-Christophe Jacques, Jean-Sébastien Nicolas (*) (baryton-basse), Rachid Safir (direction)
Enregistré à l’IRCAM, Paris (8 et 9 septembre 2012) – 50’33
Digressione Music DCTT23 (distribué par Distrart Musique) – Notice en italien, français et anglais de Renzo Cresti





La beauté musicale des œuvres et le grand raffinement de la prestation de Christophe Desjardins et de l’ensemble Solistes XXI font de ce programme rare un événement heureux. Comme Stravinsky l’a tôt fait comprendre, l’originalité chromatique et les frottements harmoniques de l’art polyphonique de Carlo Gesualdo (1566-1613) s’associent toujours sans heurt à une œuvre contemporaine et, quand celle-ci est composée dans la perspective de cette association, la transition s’opère d’autant plus facilement. Ecrit sur des paroles extraites de différents laudes en italien du frère franciscain Iacopone da Todi (c.1230-1306), Devequt II (2009-2010) pour ensemble vocal et alto récitant de Gianvincenzo Cresta (né en 1968), s’élève dans un désir d’apaisement aux tourments des six premiers répons des «Nocturnes» du troisième jour des Responsoria et alla ad Officium Hebdomadae Sanctae spectantia à six voix (1609) du Prince de Venosa, disparu il y a tout juste cinq cents ans.


Christophe Desjardins ouvre seul Devequt II, le chant de son alto, pour ce «No lo dir mai», proche des couleurs subtiles des madrigaux de Gesualdo tout en affirmant une appartenance à notre époque. La force de Cresta paraît être en effet toucher à l’intemporel malgré des traits non envisageables autrefois tels le chanter si proche du cri entendu soudain au cours du deuxième volet, «Nel suo demorare», et le caractère de l’indépendance des pupitres – huit avec l’alto – qui peut faire penser à la polyphonie de Gesualdo, certes, mais aussi à Berio ou aux moirures harmoniques d’un Ligeti, tout en restant inventif et personnel. «Devequt» est le terme hassidique qui signifie une communion mystique de tout instant avec Yahvé, non dans la pénitence mais dans la joie. L’«Amore contreffatto» rencontré au cours de ce volet définit l’amour humain, si léger et si creux, qui s’abandonne en faveur de l’amour divin. C’est ce rapprochement plus spirituel que recherche l’alto seul, toujours aussi virtuose, lors du troisième volet «D’aver lo tuo amore», plus agité, peut-être, plus acrobatique, mais de belle sonorité. Les lignes audacieuses du dernier volet, «Possedi posseduta», les pupitres plus indépendants encore, les fines moirures plus brisées, semble chercher à exprimer la joie profonde du «devequt» atteint, mais au-delà des paroles exprimées ou sous-entendues, c’est le non-dit ineffable que transmet la vibrante présence musicale, la tessiture sombre et chaleureuse de l’alto trouvant si bien sa place au centre d’un ambitus vocal entre lumière et ombre.


Publié en 1611 par les propres soins du compositeur, les Répons des ténèbres témoignent d’une liberté d’écriture que seule peut permettre une situation financière assez favorable pour se dispenser des exigences d’un mécène commanditaire et du poids du Vatican. En dépit de la tendance monodique alors naissante, le style de Gesualdo, indépendant, visionnaire et aux abondantes ruptures rythmiques et harmoniques, enrichit par une approche personnelle le maniérisme polyphonique. Le Prince s’identifie au sens profond des textes sacrés ou profanes de son choix et s’attache à la mise en valeur des paroles et à l’expression des émotions, fussent celles de la Passion du Christ. La gageure n’en est que plus grande pour les Solistes XXI – nom actuel de l’ensemble des Jeunes Solistes, fondé par Rachid Safir en 1988. De cette œuvre qui suit le texte liturgique de l’Office des Ténèbres, Safir retient seulement les six premier répons du Samedi Saint, n’accordant qu’une seule voix à chacun des six pupitres. Sous sa direction exigeante et précise, les six solistes sonnent comme un chœur plus important sans doute grâce à la diversification complexe des strates inscrite dans la partition mais aussi aux conditions de sa bonne mise en œuvre assurée ici par la qualité de l’écoute entre les interprètes et par la pureté et la justesse des voix.


L’interprétation bénéficie d’une prise de son d’une belle présence. Une mise en espace large et aérée crée l’ambiance d’une église à l’ampleur acoustique point trop réverbérée qui sied au chœur ipso facto mais aussi au bel alto engagé de Christophe Desjardins.


Le site des Solistes XXI
Le site de Christophe Desjardins


Christine Labroche

 

 

 

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