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05/01/2013 Richard Wagner : Tannhäuser
Albert Dohmen (Landgraf Hermann von Thüringen), Robert Dean Smith (Tannhäuser), Christian Gerhaher (Wolfram von Eschenbach), Peter Sonn (Walther von der Vogelweide), Wilhelm Schwinghammer (Biterolf), Michael McCown (Heinrich der Schreiber), Martin Snell (Reinmar von Zweter), Nina Stemme (Elisabeth), Marina Prudenskaya (Venus), Bianca Reim (Ein junger Hirt), Sabine Puhlmann (1. Edelknabe), Isabelle Vosskühler (2. Edelknabe), Roksolana Chraniuk (3. Edelknabe), Bettina Pieck (4. Edelknabe), Rundfunkchor Berlin, Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, Marek Janowski (direction)
Enregistré en concert à la Philharmonie, Berlin (5 mai 2012) – 170’47
Coffret de trois SACD hybrides PentaTone PTC 5186405 (distribué par Naxos) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
Richard Wagner : Tristan und Isolde
Stephen Gould (Tristan), Nina Stemme (Isolde), Kwangchul Youn (König Marke), Johan Reuter (Kurwenal), Michelle Breedt (Brangäne), Simon Pauly (Melot), Clemens Bieber (Ein Hirte), Arttu Kataja (Ein Steuermann), Timothy Fallon (Ein junger Seemann), Rundfunkchor Berlin, Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, Marek Janowski (direction)
Enregistré en concert à la Philharmonie, Berlin (27 mars 2012) – 224’59
Coffret de trois SACD hybrides PentaTone PTC 5186404 (distribué par Naxos) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
Suite de l’intégrale des dix opéras de maturité de Richard Wagner – entreprise, dans le cadre de la célébration du deux centième anniversaire du compositeur né à Leipzig en 1813 et mort à Venise en 1883, par Marek Janowski et la Radio berlinoise – avec la publication des volumes 5 (Tristan) et 6 (Tannhäuser), captés en 2012 lors de concerts à la Philharmonie de Berlin.
Le Tannhäuser est un bon cru, d’abord et avant tout grâce à la direction d’orchestre du chef allemand, qui fourmille de détails et brille de musicalité, s’imposant en souplesse davantage qu’en puissance. On respire – sans la lourdeur de nombre d’enregistrements de cet opéra – le bonheur léger du deuxième acte, le frémissement des cordes à la fin du premier, la ferveur du soutien aux chœurs dans le dernier. Et, partout, une jeunesse romantique qui inonde la partition – comme placée en héritage direct du Freischütz de Weber.
La distribution tient la route, dominée par Christian Gerhaher – Wolfram au grand style («Als du in kuhnem Sange uns bestrittest»), superbe phraseur («Blick ich umher in diesem edlen Kreise»), vibrant face à l’étoile («O du mein holder Abendstern»). Droite et imposante Elisabeth, Nina Stemme émeut moins qu’elle ne force le respect par sa technique d’airain. Les rôles de Tannhäuser et de Vénus affichent également une belle solidité. Mais Robert Dean Smith n’a qu’un timbre ordinaire à offrir et une voix légèrement forcée aux deux premiers actes (plus convaincant dans la désespérance tristanesque du dernier). De façon assez comparable, Marina Prudenskaya présente en Vénus un grain de voix anonyme mais une assurance de bon aloi.
Le Tristan et Isolde de Janowski divise davantage (lire ici). La distribution voit les femmes dominer trop nettement les personnages masculins. C’est peu dire que Nina Stemme maîtrise son sujet. Isolde d’une vaillance inouïe dans le premier acte – qu’on a rarement entendu aussi habité –, réussissant là où tant d’autres s’époumonent, balançant ses aigus avec l’insolence d’une Birgit Nilsson. Inébranlable dans la nuit longue du milieu. Trouvant sans hésiter le höchste Lust à la fin. A l’hauteur de l’enjeu, la Brangäne de Michelle Breedt se révèle plus conventionnelle face à cette Isolde sculpturale, mais donne toute sa mesure au deuxième acte.
Le cas de Stephen Gould est plus ambivalent. Tristan mâle au chant juste et pénétrant, le ténor ne démérite nullement au premier acte – parvenant à maintenir sa ligne de chant avec une certaine séduction (... mais la performance de Nina Stemme fait qu’on n’a d’oreilles que pour elle). Le duo d’amour l’oblige souvent à détimbrer – provoquant quelques chutes de tension préjudiciables au continuum musical construit par le chef. Mais ce qui gêne le plus dans cette incarnation est la couleur opaque de la voix, qui diffuse une sorte de neutralité distanciée et presque indifférente à l’embrasement de l’acte II comme à la désintégration terminale. D’autant que Johan Reuter est un Kurwenal presque insignifiant (même si le rôle est assumé dans le bon format vocal). Lyrique mais fatigué, Kwangchul Youn fait du Roi Marke une pleureuse, alors que le Melot de Simon Pauly n’est pas vraiment au niveau.
Reste Marek Janowski – wagnérien devant l’Eternel – qui frappe, dès le Prélude de l’acte I, des gifles monumentales dans un orchestre déchaîné, qu’il place comme l’acteur premier du drame autant que comme le porte-parole des didascalies, mettant toujours le texte en valeur – sans ménager ni étouffer ses solistes. Quelques temps morts n’empêchent pas de se passionner pour cette direction subtile et précise, qui permet à l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin d’atteindre une plénitude sonore à l’égal de Leipzig ou de Dresde.
Au total, si ces deux nouveautés apparaissent bien différentes – affichant une remarquable homogénéité d’ensemble dans Tannhäuser, combinant l’exceptionnel au médiocre dans Tristan –, elles n’en constituent pas moins – globalement – d’incontestables réussites, dont le premier sujet d’intérêt demeure Marek Janowski. En sera-t-il de même pour le Ring?
Gilles d’Heyres
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