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04/05/2013 Edvard Grieg : Pièces lyriques, recueils 1 à 4, opus 12, 38, 43 et 47
Ziad Kreidy (piano)
Enregistré en public restreint au domicile de Ziad Kreidy, Paris (21 décembre 2011) – 58’34
LdN LdN002 (distribué par Codaex) – Notice (en français, anglais, norvégien et espagnol) de Ziad Kreidy
Ziad Kreidy a choisi d’interpréter les quatre premiers recueils des Pièces lyriques d’Edvard Grieg (1843-1907) sur un piano droit Erard 1867, date de l’édition du premier recueil. L’intérêt de ce choix est double. Plus qu’au récital, les Pièces se destinaient aux interprétations de salon ou au sein de cercles d’amis ou en famille selon le niveau de difficulté comme c’était l’usage au XIXe siècle et au-delà. On retrouve ici avec émotion la confidentialité de ces interprétations intimes. Plus important peut-être, le son particulier et les possibilités techniques de ce piano droit, différents de ceux des pianos à queue de la même époque mais familiers aux oreilles du compositeur, permettent de mieux pénétrer certaines intentions de Grieg et peuvent par ce biais influer sur l’esprit d’une interprétation sur piano moderne, y compris sur le Steinway si souvent prisé de nos jours.
Au premier abord, la surprise est grande. Le son de cet Erard au diapason plus bas semble mat et un peu court. Il n’a pas du tout l’ampleur, la transparence et la résonance auxquelles l’auditeur est aujourd’hui habitué. Petit à petit, sa délicatesse et sa résonance plus fine s’imposent et, si les aigus peuvent parfois se voiler, les graves s’écrêter, les riches couleurs du medium plus stable convainquent. In fine, on n’entend plus que Grieg et la richesse harmonique de ses partitions en apparence si simples. Les vingt-neuf pièces de ces quatre premiers recueils écrits en 1866-1867, 1883, 1886 et 1888 – les six autres entre 1889 et 1901 – ont en commun un charme certain, une nostalgie discrète, une douce mélancolie et la lumière diffuse de la Norvège qui les inspire. Les modes se teintent du sentiment national, la nature est proche, vibrante et printanière («Au printemps» et «Voyageur solitaire», opus 43 n° 2 et n° 6, «Danse du printemps», opus 47 n° 6), les âmes dansent («Halling» et «Valse», opus 38 n° 4 et n° 7, ) et chantent («Norsk», opus 12 n°6, «Mélodie», opus 47 n° 3), lyriques et sans violence, l’âme des elfes et du peuple ailé voltige, portée par le vent («Papillon» et «Oisillon», opus 43 n° 1 et n° 4). Les écouter, c’est un enchantement que l’interprétation de Zad Kreidy, fidèle, agile et en tout point habile et sensible, communique pleinement. Sa grande connaissance et sa maîtrise techniques du piano Erard 1867 lui permettent de le faire sonner avec un degré élevé de musicalité et des effets bienvenus tout en recréant l’intimité feutrée, si précieuse, si émouvante, des salons et foyers d’antan.
Le pianiste franco-libanais est aussi musicologue et chercheur et le choix de ce piano Erard met aussitôt à l’esprit son récent ouvrage Les Avatars du piano, dont la finalité n’est pas de recommander une interprétation systématiquement sur un instrument «d’époque» mais de sensibiliser l’auditeur et l’interprète aux esthétiques anciennes et aux raisons d’être du détail spécifique d’un texte musical qui relève du type de piano alors existant. Sviatoslav Richter, András Schiff et Leif Ove Andsnes le rejoignent dans ses recherches esthétiques mais sur des pianos plus puissants: les premiers ont élu un Bösendorfer, le dernier, le Steinway 1892 du compositeur, ce sans tourner définitivement le dos au Steinway moderne. Quel que soit le piano, ce type d’interrogation ne peut que venir affiner le jeu. Ziad Kreidy ne cherche nullement à imposer une esthétique unique ou un instrument unique, il cherche à élargir les horizons – et, dans ce sens aussi, il convainc.
La notice, succincte, ne porte que sur l’instrument et, brièvement, sur son adéquation à ce programme précis. On regrette que le pianiste n’ait pas porté d’appréciation sur les partitions elles-mêmes.
Le site de Ziad Kreidy
Christine Labroche
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