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09/15/2012
Darius Milhaud et sa musique. De la Provence au monde

Cécile Clairval-Milhaud (réalisation)
2010 – 60’54 + 128’17 (bonus)
Album de deux DVD Steinval (distribué par Arcadès Direct) – Format 16:9 compatible 4:3 – Multizones – Sous-titres en allemand, anglais et portugais





Ce sera en 2013 le cinquantième anniversaire de la mort de Poulenc, mais c’est à Milhaud, un autre membre du groupe des Six, qu’est dédié ce double DVD, dont «Darius Milhaud et sa musique. De la Provence au monde», réalisé par Cécile Clairval-Milhaud, constitue l’élément principal. Illustré par les témoignages de Milhaud lui-même – mais aussi de son épouse (et cousine) Madeleine (1902-2008) et de son fils Daniel (né en 1930), peintre et sculpteur – et, bien entendu aussi, par sa musique, ce documentaire d’une heure trace sobrement les grandes lignes de la chronologie et de l’œuvre du compositeur, mettant en valeur ses rencontres les plus marquantes (Claudel, Cocteau) et les lieux qui ont compté dans sa vie (Aix-en-Provence, Rio de Janeiro, la Californie, Jérusalem). Il inclut des extraits des nombreux bonus, de durée plus brève mais signés de la même réalisatrice (certains d’entre eux avec Alain Milhaud), qui complètent le premier DVD et en remplissent un second.


Le premier de ces films, «Le Logis du Bras d’or», relate l’histoire de ce relais de diligences (XVIIe) situé au débouché du cours Sextius, qui devint au début du XIXe siècle le siège du négoce en amandes de la famille Milhaud. Acquis par la municipalité, il était promis à une regrettable démolition mais, rénové en 2008 grâce à l’initiative de Serge Dassault (son père Marcel était un cousin de Darius), il héberge désormais un organisme culturel. Précédé d’un touchant générique avec Manuel Rosenthal, «Madeleine Milhaud raconte...» extrait 30 minutes de quatre heures d’entretiens qu’elle avait accordés en 2004, à son bureau ou devant son Gaveau. De dix ans la cadette de Milhaud, elle fut pianiste, comédienne et librettiste de trois des opéras de son mari; elle évoque ici plus d’un demi-siècle de souvenirs avec lui, mais aussi, l’esprit vif et même la dent dure malgré ses 102 ans, sa propre enfance, les Six, Cocteau, Dullin, Hindemith, Marguerite Long, Satie, ...


Le troisième film consiste en 20 minutes d’entretien – de nouveau, le montage a éliminé les questions – avec l’un des nombreux élèves de Milhaud durant les séjours qu’il fit entre 1940 et 1971 à Mills College (Oakland), William Bolcom (né en 1938). Dans un français très fluide – il a également étudié avec lui à Paris, mais aussi dans la classe de Messiaen au conservatoire – le compositeur, après une brève autoprésentation distanciée, se souvient d’un enseignement qui tenait davantage de la classe de maître, avec une douzaine d’étudiants. Il indique devoir à son maître, dont il salue le sens de l’humour, le début d’une fructueuse collaboration avec l’écrivain Arnold Weinstein (1927-2005), qui devait devenir son librettiste, Milhaud ayant décliné le projet que celui-ci lui avait proposé. Après avoir lâché au passage un surprenant «Je crois que Boulez aimait beaucoup la musique de Milhaud» et avant d’interpréter au piano «Corcovado», tiré des Saudades do Brasil, Bolcom souligne la curiosité toujours en éveil de Milhaud et son ouverture d’esprit dépourvue de parti pris stylistique: il estime, dès lors, que la principale influence de ces années d’apprentissage réside sans doute dans cet exemple d’indépendance. L’impressionnante diversité de ses autres élèves, américains ou non – Burt Bacharach, Dave Brubeck, Philip Glass, Betsy Jolas, György Kurtág, Steve Reich, Iannis Xenakis – en apporte la confirmation.


D’une durée de 20 minutes, «Darius Milhaud et le Brésil» permet de revenir sur ce moment décisif dans la formation du musicien, qui y découvrit une latinité autre que celle de sa Provence natale: le musicologue Manuel Corrêa do Lago explique comment Milhaud, durant ces près de deux années (1917-1919), s’est non seulement frotté à la culture locale – en témoigne un vivifiant morceau interprété par un ensemble de musique populaire – mais rappelle qu’il s’est aussi fait connaître à Rio comme interprète, chef d’orchestre et «attaché culturel de facto».


Enfin, deux concerts enregistrés en public – la qualité instrumentale s’en ressent parfois – permettent d’entendre trois œuvres in extenso. D’une part, le Quintette à vent philharmonique de Berlin interprète les sept délicieuses pièces de La Cheminée du Roi René (1939), adaptées d’une musique pour un film sur un scénario d’Anouilh et Aurenche auquel Honegger et Désormière avaient par ailleurs collaboré. C’est aussi, d’autre part, l’alpha et l’oméga d’un étonnant corpus dont Milhaud avait lui-même fixé d’emblée le terme, ses dix-huit Quatuors: le Premier (1912), hommage encore debussyste et ravélien à Paul Cézanne, et l’ultime Dix-huitième (1951), tendre et mélancolique, créé à Mills College, d’où sont originaires les quatre musiciennes du Quatuor Eclipse qui s’attaquent avec enthousiasme à ces deux partitions.


Le site de Steinval


Simon Corley

 

 

 

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