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10/01/1998 La musique sous la république de Weimar
Pascal Huynh Fayard, octobre 1998, 501 pages, 160F A partir d'un travail de recherche et d'analyse d'une grande ampleur, Pascal Huynh brosse un tableau magistral de la vie musicale en Allemagne entre la fin de la Première guerre mondiale et l'accession au pouvoir du régime nazi, et plus spécialement de Berlin qui cristallisait alors tous les conflits esthétiques et politiques de cette époque mouvementée. Le parcours des compositeurs, les grandes figures (Busoni, Schreker, Hindemith, Schoenberg, Weill) comme celles moins imposantes mais tout aussi attachantes (Schulhoff, Krenek, Eisler, Wolpe), est retracé dans le contexte de la vie des concerts, dans le cadre institutionnel, et dans les conditions économiques et politiques de la période. Les multiples effets d'éclairage qui en résultent font toute la richesse de l'ouvrage et rendent sa lecture captivante. Une bibliographie très complète, une discographie et un index achèvent d'en faire l'ouvrage de référence incontesté sur le sujet. On y découvre ou trouve la confirmation que ces années furent un formidable creuset de l'innovation musicale : les expérimentations de Stefan Wolpe, dans la lignée du mouvement dadaïste, évoquent ce que fera plus tard John Cage, le Trautonium du Centre d'essais radiophoniques de la Hochschule de Berlin annonce la musique électronique, l'incorporation de musiques non européennes (le jazz dans Jonny spielt auf de Krenek par exemple) et la technique du collage essaimeront plus tard, etc. Au delà des apports bien connus de Schoenberg et de Berg, c'est donc tout un pan de la modernité de notre siècle que fait revivre Pascal Huynh avec un très grand talent. Après les efforts déterminants réalisés par plusieurs éditeurs de disques (citons notamment la série Entartete Musik de Decca, mais aussi les publications de Ars Musici, Capriccio ou Wergo), ce livre couronne la redécouverte d'une part essentiel de notre patrimoine musical et invite à aller plus loin et à approfondir ce moment essentiel de la culture européenne.
Philippe Herlin
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