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11/01/1998 Conversations avec Marcel Landowski
Par Antoine Livio Denoël, novembre 1998, 280 p., 140 F La sincérité et la sensibilité sont deux qualités premières chez Marcel Landowski. La sincérité dans ses grands engagements en faveur de la musique, comme compositeur, bien sûr, mais également comme homme de pouvoir ainsi que le démontre son action à la Direction de la musique pour développer l'enseignement et la diffusion de la musique, à Paris comme en province, où il du lutter contre l'inertie de ses contemporains. Une sincérité qui ne s'est pas émoussée avec l'âge, qu'on en juge : "Il y a le comptable en chef qu'est le ministre des Finances, qu'il soit de droite ou de gauche, qui décide en murmurant, ou en criant et en tapant du poing sur la table :"La Culture coûte trop cher !" La réponse est là, évidente, aveuglante, aujourd'hui tragique et sinistre : l'inculture coûte beaucoup plus cher. Beaucoup plus, monsieur le ministre des Finances. Les pierres sur les autobus, les voitures brûlées, les suicides d'adolescents, etc, non, ne laissons pas nos enfants perdus, sans espérance, dans la rue, sans raison de vivre" (page 182). Une sensibilité, également, qui passe toujours au premier plan dans son rapport aux autres et, surtout, dans son travail de musicien qui le fait refuser tout cadre formel étroit, "Car ceux qui ne se préoccupent que de la forme sont des fabricants de musique, et pas des artistes créateurs" (page 198) ou toute "aide à la création" comme l'ordinateur ("Le plus formidable ordinateur, c'est bien notre cerveau", page 271). Ces qualités ont aussi leur revers qui l'empêchent notamment de mesurer l'intérêt des ruptures et des innovations survenant au cours de l'histoire ; on le suivra moins lorsqu'il affirme que "Mozart et Beethoven parlaient le langage de leur temps" (page 198) vu l'incompréhension qu'ont rencontré maintes de leurs oeuvres dans la société et parmi les musiciens. Cependant, son respect des formes léguées par l'histoire ("Je me sens traditionnel dans la mesure où les grandes formes sont vieilles… sinon comme le monde, du moins comme notre civilisation", page 236) ne le paralyse pas si l'on en juge par l'importance de son catalogue (repris en fin d'ouvrage) et l'existence de réussites incontestables (citons ses opéras Le Fou et Les Adieux repris à Paris ces dernières années). Une sincérité et une sensibilité que l'on retrouve également dans le ton et le propos de Marcel Landowski et qui traversent cet ouvrage d'entretiens conduits par Antoine Livio et font de sa lecture un moment aussi agréable qu'enrichissant.
Philippe Herlin
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