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Marketing et Opéra
08/26/2008


Ben Rosen fait partie des venture capitalists les plus connus des Etats-Unis. On lui doit en particulier d’avoir financé dés leurs débuts des entreprises comme Compaq ou Lotus. Comme de nombreux industriels américains, il est n’est pas uniquement actif dans les conseils d’administration d’entreprises mais consacre son temps à des activités caritatives ou artistiques. Il siège en particulier au board du Metropolitan Opera de New York et a eu la responsabilité en 2006 de diriger le groupe qui a choisi Peter Gelb comme nouveau directeur général pour remplacer Joseph Volpe lorsque celui-ci est parti en retraite. Il a récemment commenté dans son blog les problèmes, les stratégies et les résultats déployés par Gelb. Il est rare d’avoir accès à ce type d’informations et cela mérite que l’on prenne un peu de temps pour l’analyser.


Pour ceux qui ne liraient pas l’anglais, les éléments principaux de son article sont les suivants :


1) Le Met était en crise quand Gelb est arrivé. Le nombre d’abonnés ainsi que le taux de remplissage était en baisse régulière depuis 2000.


2) Gelb n’a pas modifié sa politique artistique. Il a renouvelé le Met en faisant venir des nouveaux metteurs en scène et en faisant la promotion de chanteurs-acteurs modernes.


3) Gelb a pris très au sérieux le fait que le Met doit développer son marketing. Il a lancé toute une série d’activités faisant la promotion du Met. Il a également utilisé des techniques classiques de ciblage pour assurer le succès d’œuvres modernes.


4) Il a enfin développé de nouvelles sources de revenus avec la diffusion en direct dans des salles de cinéma de représentations du Met.


Chiffres à l’appui, Rosen peut donc conclure avec justesse que la stratégie déployée par Gelb est en train de produire ses fruits, des indicateurs tels que les abonnements et le taux de remplissage étant tous deux repartis à la hausse.


Il est possible de discuter certains aspects du discours de Rosen. Tout d’abord, ConcertoNet a souvent regretté que les productions du Met soient d’un autre temps. Gelb a commandé de nouvelles mises en scène mais son choix reste peu aventureux en comparaison de ce que nous connaissons en Europe et de ce que New York connaîtra sous peu avec l’arrivée à côté du Met de Gérard Mortier au New York City Opera. La simple promotion des Netrebko et Fleming risque de ne plus être assez pour affirmer une réelle identité artistique au Met. Très bientôt, le Met va devoir se demander s’il ne doit pas commencer à prendre beaucoup plus de risques artistiques.


Enfin, Rosen ne dévoile pas quels sont les coûts associés aux initiatives de Gelb et si elles sont rentables. L’hebdomadaire anglais The Economist suggère que l’orchestre du Met a négocié des augmentations de salaires pour les représentations qui sont diffusées dans les cinémas, risquant de rendre délicate la rentabilité de cette opération.


Mais il faut au-delà de ces interrogations reconnaître les mérites de ces initiatives ainsi que les leçons à en tirer. Tout d’abord, elles démontrent que l’opéra et la musique classique peuvent bénéficier de techniques de marketing modernes. La musique possède un contenu artistique que les lecteurs de ConcertoNet savent apprécier mais comme tout produit, il faut le faire connaître. Des produits dits culturels de bien moindre qualité assurent leurs diffusion en consacrant des efforts en marketing. Il ne faut pas être choqué que l’on puisse faire de même pour Mozart, Wagner, Verdi, Phil Glass ou Pierre Boulez.


Deuxième point : il faut développer (à nouveau terme de marketing) la demande primaire pour la musique vivante : opéra ou musique classique. Ma génération se souvient que lorsque nous étions (plus) jeunes, les chaînes publiques de télévision transmettaient des concerts et des opéras en direct aux heures de grande audience. Ce n’est plus le cas en Europe que sur Arte et ce n’est plus du tout le cas aux Etats-Unis. Les premières analyses des représentations en direct montrent qu’une très grande partie du public a été en contact avec un opéra pour la première fois. C’est plus facile de faire venir du monde pour La Bohème que pour de la musique contemporaine mais au final, c’est un effort clair pour faire connaître un art, des nouvelles œuvres. La saison prochaine, le Met prévoit de faire rien moins que dix transmissions live.


Dernier point : C’est à New York que va se définir le futur de l’opéra. Avec l’arrivée de Gérard Mortier au Lincoln Center, la « Grande Pomme » va compter à la tête de ces deux opéras deux directeurs visionnaires, motivés et expérimentés dont les options sont très différentes mais somme toute assez complémentaires. Cela va être passionnant de regarder comment tous deux vont développer leurs maisons, réaligner œuvres, compositeur et public et repositionner l’opéra à nouveau comme un élément essentiel de la vie artistique et culturelle de ce siècle.


Antoine Leboyer

 

 

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