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Ronron symphonique
07/05/2004


Maintenant que l’on dispose d’une vue d’ensemble de la prochaine saison symphonique à Paris, on ira jusqu’à suggérer, avec un solide sens de l’euphémisme, qu’elle suscite une relative déception.


Considérons par exemple l’Orchestre de Paris, qui se concentrera en 2004-2005 sur les symphonies et concertos de Beethoven, Mendelssohn et Brahms. Mais il ne suffira pas de constater qu’il n’y a rien de bien révolutionnaire dans tout cela. Car nul ne contestera qu’il s’agit ici de compositeurs dont on ne se lassera jamais d’entendre et de réentendre les œuvres, jalons essentiels de l’histoire de la symphonie, données dans des interprétations qui en permettent l’approfondissement et qui les éclairent souvent d’un jour nouveau. D’autant que l’on peut se réjouir que les musiciens de l’Orchestre de Paris offrent à cette occasion une intégrale de la musique de chambre de Mendelssohn.


Là où le bât blesse, en revanche, c’est lorsque l’on s’avise que l’Orchestre de Paris assemble ainsi en une saison les trois cycles proposés par Masur et l’Orchestre national de France depuis deux ans: Beethoven et Mendelssohn en 2002-2003, puis Brahms en 2003-2004. Mais ici aussi, il faut aller au-delà des apparences. Car le but n’est évidemment pas de dénoncer l’Orchestre de Paris en prétendant qu’il aurait copié le National. Et il serait tout aussi infantile d’avancer que Chung et le Philharmonique de Radio France, en optant pour une intégrale des symphonies de Mahler, suivent le chemin tracé au cours de la saison qui s’achève par… Eschenbach et l’Orchestre de Paris et, en 1999-2000, par l’Orchestre national.


Le véritable enjeu consiste plutôt à s’interroger sur cette sorte de carrousel qui fait revenir les mêmes noms avec une inusable périodicité, surtout lorsque s’y ajoute une absence d’harmonisation des programmes. Sur le dernier point, on ne niera pas les difficultés d’un tel exercice, mais fallait-il vraiment que comme l’Orchestre de Paris, Nelson et l’Ensemble orchestral de Paris (EOP) choisissent une intégrale des symphonies de Beethoven, tandis que Masur, Kissin et l’Orchestre national se consacreront à ses concertos pour piano?


En outre, l’Orchestre de Paris et l’EOP ont déjà donné en 2003-2004 les Quatrième (2 et 3 juin) et Cinquième concertos pour piano (21 et 22 avril) ainsi que les Cinquième (30 septembre) et Septième symphonies de Beethoven (5 et 6 novembre), la Quatrième symphonie de Mendelssohn (13 novembre et 13 avril), le Premier concerto pour piano (15 et 16 octobre) et la Quatrième symphonie de Brahms (3 et 4 mars). Et tout cela, sans parler des autres orchestres parisiens, notamment les associations symphoniques. De ce fait, sans prétendre à l’exhaustivité, on aura ainsi pu entendre, au cours de la saison qui s’achève, les Troisième (deux fois), Quatrième, Cinquième (deux fois) et Sixième symphonies ainsi que les Quatrième (deux fois) et Cinquième concertos pour piano de Beethoven, la Quatrième symphonie de Mendelssohn (deux fois) et la Deuxième symphonie (trois fois) ainsi que, en dehors de l’intégrale Brahms du National, son Premier concerto pour piano.


Sur moyenne période, même si l’on considère les orchestres séparément, on rencontre toujours les mêmes têtes d’affiche. On a ainsi encore à l’esprit deux autres cycles Beethoven, dus précisément à ces mêmes orchestres: Nelson, déjà, à l’Ensemble orchestral de Paris, dans les concertos pour piano avec François-René Duchâble (2001-2002), et Sawallisch à l’Orchestre de Paris à la fin des années 1990.


Et la situation ne promet pas de s’améliorer en 2004-2005, comme le montre le tableau ci-après:


Beethoven
Première symphonie: O. Paris/Axelrod (27 et 28 avril), EOP/Holliger (10 avril), EOP/Nelson (17 juin)
Deuxième symphonie: O. Paris/Eschenbach (2 et 10 février), EOP/Holliger (10 avril)
Troisième symphonie: O. Paris/Janowski (7 et 8 décembre), Budapest/Vasary (21 janvier), OPRF/McCreesh (18 mars), Philharmonia/Dohnanyi (24 mai), EOP/Nelson (17 juin)
Quatrième symphonie: O. Paris/Previn (1er et 2 février), Chambre philharmonique/Krivine (7 février), EOP/Nelson (21 juin)
Cinquième symphonie: O. Paris/Eschenbach (2 et 10 février), EOP/Nelson (21 juin)
Sixième symphonie: O. Paris/Janowski (13 et 14 octobre), Lausanne/Zacharias (23 mai), EOP/Nelson (22 juin)
Septième symphonie: Colonne/Stoehr (15 octobre), O. Paris/Eschenbach (2 et 3 mars), Strasbourg/Prêtre (5 mai), EOP/Nelson (21 juin)
Huitième symphonie: O. Paris/Rojdestvenski (12 et 13 janvier), EOP/Nelson (22 juin)
Neuvième symphonie: O. Paris/Dohnanyi (29 et 30 septembre), Opéra/Dohnanyi (1er janvier), Stockholm/Ericson (27 janvier), Lamoureux/Sado (30 janvier), EOP/Nelson (25 juin)
Premier concerto pour piano: Kissin/Masur (28 octobre)
Deuxième concerto pour piano: Kissin/Masur (28 octobre)
Troisième concerto pour piano: Kissin/Masur (28 octobre), Aimard/Franck (22 décembre)
Quatrième concerto pour piano: Kissin/Masur (30 octobre), Grimaud/Järvi (5 novembre), Lugansky/Axelrod (27 et 28 avril), Zhu Xiao-Mei/Kantorow (20-24 mai)
Cinquième concerto pour piano: Kissin/Masur (30 octobre), Vasary (22 janvier)
Un concerto pour piano (à déterminer): Barenboïm/Mehta (13 juin)


Mahler
Première symphonie: OPRF/Chung (27 octobre), O. Paris/Eschenbach (22 juin)
Deuxième symphonie: ONDIF/Levi (23 octobre), OPRF/Chung (29 octobre), Colonne/Connelly (19 avril)
Troisième symphonie: OPRF/Chung (10 décembre)
Quatrième symphonie: OPRF/Chung (17 décembre)
Cinquième symphonie: OFJ/Lopez-Cobos (10 septembre), Cincinnati/Järvi (5 novembre), OPRF/Chung (24 janvier)
Sixième symphonie: OPRF/Chung (1er avril)
Septième symphonie: LSO/Boulez (21 octobre), OPRF/Chung (20 avril)
Huitième symphonie: OPRF/Chung (10 juin)
Neuvième symphonie: OPRF/Chung (24 juin)
Le Chant de la terre: Varsovia/Wojciechowski (12 octobre), National/Masur (9 décembre)


Encore une fois, l’objet de la démonstration n’est pas d’affirmer que ce répertoire ne trouve pas légitimement sa place chaque saison, d’autant que l’on ne peut reprocher à l’Orchestre de Paris, injustement victime de son déménagement à Mogador, de vouloir jouer la sécurité. En outre, si la tradition française de l’interprétation beethovénienne est très ancienne, tel n’est évidemment pas le cas de Mahler dans les concerts parisiens. Mais, précisément, s’il est aujourd’hui devenu, comme on dit, incontournable, c’est bien qu’il a fallu, progressivement, accoutumer le public et la critique, pas nécessairement enthousiastes à l’origine, alors qu’il s’était imposé depuis longtemps dans la plupart des autres pays. Et l’on pourrait en dire autant, avant lui, de Brahms et Bruckner, et, après lui, de Chostakovitch et Sibelius.


Le problème est que ces grands classiques étouffent toute diversification de l’offre, même si l’on peut comprendre que celle-ci soit limitée à la fois par des considérations d’ordre pratique que l’on ne peut bien entendu écarter d’un simple revers de main: calendrier, nombre de répétitions, disponibilité des interprètes, attentes du public.


On pourra rechercher un peu d’air frais du côté de l’Ensemble orchestral de Paris ou de l’Orchestre national d’Ile-de-France, avec, respectivement, cinq symphonies de Haydn et une symphonie de Hartmann, d’une part, et la mise en valeur d’un répertoire plus varié (Farrenc, Ginastera), d’autre part. Mais cet effort, certes louable, n’apporte que de maigres consolations.


En outre, de façon assez surprenante, dans cette relative grisaille, les éclaircies ne viennent pas essentiellement de Radio France, hormis une prometteuse Quatrième symphonie de Schmidt par Armin Jordan. En effet, non content de participer au carrousel général avec ses cycles Beethoven et Mahler, le premier producteur français de concerts, qu’on a pourtant connu plus aventureux sous la houlette de René Koering, se bornera à entamer un cycle Chostakovitch: programmé sur trois ans, il ne présente curieusement, pour sa première année, que deux des six concertos et trois des quinze symphonies (pas de chance, l’Orchestre national d’Ile-de-France, de son côté, a également choisi la Première et la Cinquième…). Et parmi les autres grands du siècle passé, seuls Sibelius, Martinu et Honegger auront droit à une symphonie. Une, pas deux, et c’est déjà mieux que Vaughan Williams, Lajtha, Hartmann, Tubin, Tippett, Holmboe ou Lutoslawski que Radio France – et les autres organisateurs – ignoreront purement et simplement en 2004-2005. Et on n’ose mentionner les noms, dans des esthétiques très différentes, d’Arnold, Frankel, Hovhaness, Langgaard, Simpson ou Vermeulen.


La France n’est-elle donc pas jugée digne de certaines musiques ou bien craint-on que notre pays ne les juge pas dignes de ses spectateurs?



Simon Corley

 

 

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