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CD, DVD et livres: l’actualité d’avril
04/15/2021


Au sommaire :

Les chroniques du mois
En bref
Face-à-face
ConcertoNet a également reçu





Les chroniques du mois





Must de ConcertoNet


La Fabuleuse Histoire des «Berliner Kabaretts»


    Le Trio Karénine




 Sélectionnés par la rédaction


    Cloclo de Lehár


    Ecrits de Charles Rosen


    Entretiens avec Denis Dufour


    Le Trio Talweg interprète Schubert


    Gli Incogniti interprète C. P. E. Bach




 Oui !

Les Publics des scènes musicales en France
Concertos pour piano de Vladigerov
A. de la Vega interprète Bach
François-Frédéric Guy interprète Monnet
James Ehnes interprète Ysaÿe
Kerson Leong interprète Ysaÿe
Le ténor Fabien Hyon
Violon et piano proustiens
Wilhelm Backhaus interprète Beethoven
Dmitry Sinkovsky interprète Beethoven
Liya Petrova interprète Mozart et Beethoven
Edda Erlendsdóttir interprète Schubert
Sookkyung Cho interprète Schubert
Ronald Brautigam interprète Weber
Christoph Eschenbach dirige Weber
Daniel Isoir interprète Franck
Mikko Franck dirige Strauss
Victor Rosenbaum interprète Brahms




Pourquoi pas ?

Jordi Savall dirige l’Oratorio de Noël
L’Ensemble Cythera
Christophe Sturzenegger interprète Strauss
Maxim Brilinsky interprète Ysaÿe
Martin Reimann interprète Ysaÿe
Sookkyung Cho interprète Schubert
La pianiste Ada Aria Rückschloss
Yunus Kaya interprète Brahms
Le trompettiste Olivier Anthony Theurillat
La pianiste Célimène Daudet
Laurent Cabasso interprète Bach
Le Quatuor Ellipsos interprète Decruck




Pas la peine

Vivaldi ou l’évanescence de l’être
Thomas Bowes interprète Ysaÿe
Niklas Walentin interprète Ysaÿe
Lan Shui dirige Strauss
Le trompettiste Marc Geujon




Hélas!

L’ensemble Holland Baroque interprète Telemann
Fabrice Ferez interprète Telemann
Patricia Kopatchinskaja interprète Schönberg





En bref


Le «Paris vagabond» de Fabien Hyon
Le piano du jeune Strauss
La prééminence beethovénienne de Backhaus
Terres natales d’Europe centrale et d’Allemagne
Marc Monnet met le piano En pièces
Ysaÿe: la preuve par six
Au Ritz le 1er juillet 1907



Le «Paris vagabond» de Fabien Hyon





Le projet «Paris vagabond» de Fabien Hyon (né en 1988) et de la pianiste Juliette Sabbah est bien sympathique de vouloir, avec un programme bien choisi et de qualité, évoquer «les tribulations d’un gosse de Paris, ses joies, ses peines, ses aventures merveilleuses, ou ses rencontres terribles...». Le livret, très ludique, regorge de photos, de citations (Prévert, Eluard, Poulenc) de textes (Victor Hugo, Susan Manoff, Paul Fournel) – bref une série de parrainages enviables pour un premier récital. Le ténor prête une voix au timbre un peu monotone mais avec un style exemplaire et une élocution parfaite à ce parcours dans la mélodie du XXe siècle. Les plus belles réussites sont les mélodies de Poulenc et Apollinaire (Banalités), Poulenc et Eluard (Cinq poèmes, Ce doux petit visage). Joseph Kosma et Jacques Prévert demandent un peu plus de fantaisie qu’il ne peut leur apporter. Quelques curiosités de Reynaldo Hahn, Roussel et Déodat de Séverac émaillent ce beau programme. L’accompagnement de Juliette Sabbah est un soutien très efficace et crée parfaitement les climats très versatiles de ce beau et long récital (Passavant Music PAS 120281). OB




Le piano du jeune Strauss





Parmi les pages de jeunesse de Strauss restées pour la plupart dans l’ombre des œuvres qui ont suivi Don Juan, le piano tient une place importante et rares sont ceux qui, comme Glenn Gould, s’y sont intéressés: avant même la Burlesque concertante (opus 11), le catalogue comprend une sonate (opus 5) et deux recueils de cinq pièces chacun, Klavierstücke (opus 3) et Stimmungsbiler (opus 9). Ces deux derniers forment le cœur de l’album de Christophe Sturzenegger (né en 1976), dont le titre («Auprès d’une source solitaire») est celui du deuxième morceau du second recueil. Le métier est évident, le talent perce en maints passages mais la personnalité du compositeur n’est que sur le point d’éclore: le style demeure souvent encore redevable à Mendelssohn et à Schumann, tandis que l’inspiration n’est pas égale. Mais l’interprétation exploite tout le potentiel lyrique et intimiste de ces petits tableaux d’un Strauss au tournant de l’adolescence et de l’âge adulte. Le pianiste genevois, qui est par ailleurs corniste, compositeur et chef d’orchestre, complète le programme avec des arrangements: le sien propre de l’Andante pour cor et piano, celui par Max Reger de deux lieder («Allerseelen», «Morgen») et celui par Otto Singer d’une valse du Chevalier à la rose (Klarthe K114). SC




La prééminence beethovénienne de Backhaus





Faisant suite à deux albums (voir ici), l’éditeur APR réédite, sous le titre «The complete pre War Beethoven recordings», les enregistrements d’avant Decca de Wilhelm Backhaus. Ces reports très soignés et parfaitement documentés d’enregistrements HMV s’échelonnant entre 1927 et 1934 apportent un éclairage complémentaire sur l’art de ce pianiste allemand à la réputation d’austérité. Les deux concertos de Beethoven, qui sont les premiers enregistrements électriques de Backhaus avec un orchestre, sont aussi dissemblables que possible. Le Quatrième, enregistré à Londres en studio en cinq sessions en septembre 1929 et mars 1930 avec l’Orchestre symphonique de Londres dirigé par Landon Ronald, est un modèle d’équilibre entre un soliste très déterminé et un orchestre discipliné. Le Cinquième, enregistré au Royal Festival Hall en janvier 1927 d’un seul jet avec le même chef et un Orchestre du Royal Festival Hall débraillé et criard, dépare cet ensemble. Dans les deux cas les cadences sont ébouriffantes (celles de Beethoven un peu arrangées et les siennes) mais dans L’Empereur, on a trop souvent l’impression (hormis dans l’Adagio) d’assister à une course entre un soliste d’une virtuosité impressionnante et un orchestre poussif avec de très nombreux décalages et surtout une absence totale de concertation. Pourtant il semble que le pianiste prisait tout particulièrement cet enregistrement et le plaçait au sommet de sa discographie... Les sonates, bien antérieures à celles enregistrées pour Decca bien après la guerre, montrent un Backhaus plus fougueux dans les tempi, mais tout aussi rigoureux sur le style et déjà une sonorité magnifique et un vrai rayonnement spirituel. La Pathétique autoritaire et la Clair de lune au final effréné tranchent avec Les Adieux, plus libre et sentimentale. Mais c’est surtout dans la dernière, l’Opus 111, tout comme dans l’intégrale Decca, que culmine la prééminence de cet artiste sur ses contemporains dans le répertoire beethovénien. Pour des raisons de complément de faces de 78 tours, Backhaus a gravé après certaines sonates de Beethoven deux Préludes et Fugues du Premier livre du Clavier bien tempéré – il avait été le premier à enregistrer un Prélude et Fugue de Bach en 1909 – qui montrent la rigueur sans sécheresse du pianiste dans un répertoire qu’il révérait et la transcription par Clarence Lucas de la Pastorale de l’Oratorio de Noël, qui conclut cet ensemble avec grâce et sérénité. Le livret, très soigné avec un texte détaillant l’histoire de ces enregistrements, comporte force photographies du pianiste ainsi que des programmes et affiches de concerts (album de deux disques 6027). OB




Terres natales d’Europe centrale et d’Allemagne





Fondé en 2019 par Mihály Zeke (né en 1982) autour de chanteurs issus du chœur Arsys Bourgogne, l’Ensemble Cythera se lance dans une série intitulée «Homelands», dont les cinq volumes promettent «un voyage musical entrepris au cœur du riche répertoire polyphonique né de l’union entre art populaire et savant, au cours du XIXe et du XXe siècles», au travers «d’adaptations chorales de mélodies traditionnelles venant des quatre coins de l’Europe». Le premier va de la Hongrie – Quatre Chansons populaires slovaques (1917) et quatre Chansons populaires hongroises (1930) de Bartók, Tableaux des Mátra (1931) de Kodály – à l’Allemagne – deux Volkslieder (1864/1873) et «An die Heimat» (1864) de Brahms, Trois Chants populaires (1948) de Schönberg – en passant par la République tchèque – six des quinze Duos moraves de l’Opus 32 (1876) de Dvorák arrangés par Janácek. La performance vocale des vingt-quatre choristes, accompagnés au besoin par l’excellente Marie Vermeulin sur un Steinway de 1896, se révèle de premier ordre mais, à force de clarté éthérée, un peu trop aseptisée. On attend néanmoins avec intérêt le deuxième volume annoncé, qui sera consacré aux îles Britanniques, avec des œuvres de Holst, Britten, Vaughan Williams, Boyle et McMillan (Paraty 140100). SC




Marc Monnet met le piano En pièces





François-Frédéric Guy (né en 1969) pourrait se reposer sur les lauriers qu’il a conquis dans le répertoire romantique, mais il est aussi associé à des œuvres d’Hugues Dufourt, Bruno Mantovani, Tristan Murail, Eric Tanguy et Marc Monnet (né en 1947). De ce dernier, il fut le dédicataire et créateur du Premier Livre (2007) d’En pièces – titre humoristique qui ne surprendra pas chez ce disciple de Kagel – qu’il enregistre ici avec le Second Livre (2010/2015), plus sombre et méditatif (dont les deux premiers numéros sont dédiés à Philippe Bianconi, puis les deux suivants à Jean-Luc Plouvier), avec une Lettre à Albertine (2018) que le compositeur a écrite pour les dix-sept ans de sa fille. Les deux recueils d’En pièces comprennent respectivement douze et huit morceaux de 1 à 10 minutes. Le pianiste y entend Debussy, Prokofiev et Boulez – celui des Notations – mais on pourrait aussi ajouter Messiaen et Ligeti. On y trouve en tout cas un goût prononcé pour l’ostinato, à la façon d’une toccata – comme «éclats», «comme si de rien n’était» et «extrême» du Premier Livre – ou bien lent (et pesant) – comme l’impressionnant «du mouvement, de la résonance, du silence» qui ouvre le Deuxième Livre. Comme le compositeur parle de «deuxième» (et non pas de «second») livre, on peut espérer qu’il y en aura un ou même plusieurs autres (Odradek ODRCD400). LPL




Ysaÿe: la preuve par six


          
        
          


C’est après avoir entendu Szigeti interpréter une sonate de Bach qu’Eugène Ysaÿe conçut en 1923-1924 un recueil (opus 27) de six Sonates pour violon seul dédiées au Hongrois et à cinq autres immenses musiciens de ce temps: Thibaud, Enesco, Kreisler, Crickboom et Quiroga. Si la Troisième («Ballade») a toujours eu les faveurs des violonistes, force est également de constater que l’ensemble du cycle semble susciter un intérêt croissant, dont témoigne la parution de pas moins de six intégrales en quelques mois.
Ancien membre (fondateur) du Quatuor Maggini puis leader des London Mozart Players, Thomas Bowes (né en 1960) déçoit par une justesse trop souvent aléatoire et une sonorité terne. Le violoniste anglais ne semble pas toujours à la hauteur des exigences techniques de ces partitions (Navona Records NV6281).
Autrement plus à l’aise, Maxim Brilinsky (né en 1985), deuxième prix au Concours Paganini de Gênes en 2002 et membre du Philharmonique de Vienne depuis 2011, se montre également plus séducteur. Le son est assez charnu, la réverbération un peu trop forte mais ce qui frustre quelque peu chez l’Ukrainien, c’est une interprétation qui ne semble pas aller au-delà du plaisir instrumental, dimension certes nécessaire mais pas suffisante dans cette musique (Hänssler Classic HC 20087).
L’originalité de Martin Reimann consiste à recourir à des cordes en boyau. Malgré une réverbération assez généreuse, il frappe par son âpreté, accusée par des micros semblant très proches. On trouve chez le violoniste suisse beaucoup de matière sonore, un engagement indéniable et une approche équilibrée du texte (Passacaille PAS 1083).
Pas flatté par l’enregistrement, qui aplatit et amatit trop la sonorité, Niklas Walentin (né en 1994), paraît fruste, fait crisser aigrement son instrument et reste à la surface des notes. Le violoniste helvético-danois dispose toutefois d’un atout, puisqu’il propose en outre une sonate posthume en ut (inachevée) en trois mouvements, qui fut abandonnée au profit de la plus exubérante, solaire et fantasque Sixième et dont le manuscrit n’a été découvert qu’en 2018 à l’occasion d’un legs au profit du Conservatoire royal de Bruxelles. Editée par Philippe Graffin (qui propose une fin pour le dernier mouvement, non retenue ici), cette œuvre ne le cède en rien aux six autres sonates et ne manquera donc probablement pas d’être adoptée par les interprètes (album de deux disques Naxos 8.574214-15).
Artiste associé de la Chapelle musicale Reine Elisabeth, Kerson Leong (né en 1997) figurait déjà dans l’hommage rendu par Fuga Libera à Ysaÿe, avec sa Légende norvégienne. Le violoniste canadien déploie non seulement une sonorité impressionnante et domine son sujet, mais imprime sa marque avec une imagination, une fièvre romantique et un brio impressionnants (Alpha 455).
Son compatriote James Ehnes (né en 1976) propose un ensemble tout aussi remarquable, qui gagne sans doute en maîtrise et en hauteur de vue ce qu’il perd en couleur et en spontanéité (Onyx 4198). SC




Au Ritz le 1er juillet 1907





Plutôt que de nouvelles supputations autour de l’auteur putatif de la «Sonate de Vinteuil», question déjà assez largement explorée (voir ici, ici et ici), Théotime Langlois de Swarte (né en 1995) et Tanguy de Williencourt (né en 1990) préfèrent reconstituer le concert qui suivit le dîner au Ritz offert par Proust le lundi 1er juillet 1907 en l’honneur de Gaston Calmette, directeur du Figaro. Du programme tel que le relate l’écrivain dans une lettre à Hahn, on retrouve bien ici la Première Sonate pour violon et piano et la Berceuse de Fauré (alors jouées par Maurice Hayot et Marguerite Hasselmans) ainsi que certaines des pages données au piano par Edouard Risler (remplaçant in extremis Fauré): «Au soir» (des Fantasiestücke opus 12) de Schumann, un Prélude de Chopin (pourquoi pas en effet le Quinzième, celui de la «goutte d’eau»), Les Barricades mystérieuses de Couperin, un nocturne de Fauré (va donc pour le Sixième) et Mort d’Isolde de Wagner/Liszt. Mais alors que les interprètes poussent le souci de la reconstitution jusqu’à emprunter au Musée de la musique le Stradivarius «Davidoff» de 1708 et un Erard de 1891, on ne trouvera pas dans cet album les trois autres œuvres confiées à Ristler ce soir-là: un Andante de Beethoven, l’Ouverture des Maîtres Chanteurs de Wagner et «Idylle» (des Pièces pittoresques de Chabrier). En revanche, les musiciens ajoutent la transcription de trois mélodies (Après un rêve de Fauré, A Chloris et L’Heure exquise de Hahn) qui n’avaient pas été programmées, ce qui peut toutefois se justifier dans la mesure où Proust, dans ce même courrier, dit avoir (en vain) «demandé avant tout du Bunchtnibuls» (alias Hahn), de même qu’il échoua à obtenir de Risler Carnaval de Vienne de Schumann ou Soirées de Vienne de Schubert/Liszt. Autant de musiques éminemment proustiennes, en tout état de cause, que le violoniste, bien connu comme «baroqueux» cofondateur avec Jean Rondeau de l’ensemble Le Consort mais aussi membre des ensembles Les Ombres, Marguerite Louise, Jupiter et Les Arts florissants, et le pianiste abordent avec finesse et sensibilité, dans un esprit très français où la frontière entre réserve et tiédeur se révèle parfois floue (Harmonia mundi HMM 902508). SC






Face-à-face



Beethoven: Concerto pour violon


          
Si l’œuvre ne connut pas le succès à sa création (1806), elle n’en reste pas moins parmi les plus heureuses du compositeur, qui en réalisa peu de temps une adaptation pour piano faisant désormais figure de curiosité tant la version originale s’est rapidement imposée au répertoire. Deux nouveaux enregistrements venus de l’Est vont souffler – forcément – un vent frais sur ces pages qu’on croit pourtant bien connaître.
Avec Dmitry Sinkovsky (né en 1980), c’est à prendre ou à laisser: revendiquant son caractère décapant et rhapsodique, intuitif et inspiré (mais pas toujours juste), le violoniste russe joue les contrastes et l’extravagance, son instrument gratte et brille comme si c’était du Paganini. On pourra trouver ses intuitions géniales ou agaçantes, mais elles ne manquent jamais de panache. Avec un continuo de pianoforte un peu envahissant, que l’on retrouve encore plus en avant dans une adaptation de la fameuse cadence avec timbales de la version pour piano du concerto, l’orchestre Musica Viva du violoncelliste et chef Alexandre Roudine (né en 1960), malgré son effectif quasi chambriste (vingt-deux cordes), sonne de manière ample et mordante à la foi. Bizarrement intitulé «Idylle héroïque» (en français dans le texte, car le genre «glorifiai[en]t en effet les actes pacifiques des grands héros et des dieux de l’Antiquité», l’album est complété par un Triple Concerto moins extrémiste mais pas moins engagé, où Alekseï Lioubimov (né en 1944) se joint à Sinkovsky et Roudine (Glossa GCD 924401).
Déjà remarquée dans un récital consacré pour l’essentiel à Beethoven (voir ici), Liya Petrova (née en 1990) offre une vision plus aimable et traditionnelle, dont l’ambition moindre ne doit pas dissimuler les qualités techniques et interprétatives: justesse, délicatesse, pudeur. A noter qu’elle choisit elle aussi la cadence avec timbales dans le premier mouvement, décidément très en vogue ces dernières années. Violoniste de son état, Jean-Jacques Kantorow (né en 1945) conduit le Sinfonia Varsovia en parfait accord avec la violoniste bulgare. Tout aussi finement interprété, le complément est doublement original: le «septième» Concerto de Mozart (en , K. 271i), dont l’authenticité demeure contestée, avec des cadences de Jean-Frédéric Neuburger (Mirare MIR552). SC




Schubert: Sonates pour piano de 1817


          
Après les profuses années 1815 et 1816, le compositeur continue en 1817 de se consacrer au lied mais naissent alors plusieurs pièces isolées pour piano et, surtout, entre mars et août, sept sonates pour piano (dont trois inachevées et une existant en deux versions), qui marquent ses premières réussites dans le genre. Avec les «Three Sonatas from 1817» de l’une et les quatre «1817 Sonatas» de l’autre, deux pianistes donnent à entendre cinq de ces œuvres.
En compagnie d’Edda Erlendsdóttir dans les Sonates D. 537, D. 557 et D. 568, c’est la subtilité, le rêve, la grâce viennoise et bien d’autres qualités schubertiennes d’un piano se refusant aux effets faciles sans tomber pour autant dans la pusillanimité (Erma 200.010).
Retenant également les Sonates D. 537 et D. 557, Sookkyung Cho a en revanche choisi pour sa part la Sonate D. 566 et la Sonate D. 575, qui a fait l’objet de sa thèse de doctorat à la Juilliard School. La sonorité de la pianiste d’origine coréenne est certes plus ronde, dans une prise de son un peu cotonneuse, mais son jeu paraît moins varié, plus lisse et convenu (Centaur CRC 3871). SC


Weber: Konzertstück pour piano et orchestre


          
Pourquoi cette œuvre poétique et flamboyante, de conception si originale, comme un poème symphonique concertant pré-lisztien, exactement contemporaine du Freischütz (1821), est-elle devenue si rare au concert? Toujours est-il que deux musiciens relèvent le défi au disque, l’un sur un instrument «ancien», l’autre sur un piano moderne.
Avec son pianoforte de Paul McNulty (2007) fait d’après un Graf (vers 1819), Ronald Brautigam (né en 1954) déploie une énergie irrésistible et fait entendre des sonorités tout à fait intéressantes. En complément, les deux Concertos pour piano, antérieurs de dix ans (1810 et 1812) et destinés à faire briller leur auteur, charmants mais un peu bavards comme ceux de Mendelssohn, ne sont pas aussi réussis, mais avec l’ Académie de Cologne et son chef, Michael Alexander Willens, le pianiste néerlandais s’amuse visiblement à dérouler les doubles croches et tire le maximum de ces partitions pleines d’éclat et d’entrain, avec force effets spectaculaires mais en laissant s’exprimer les moments de poésie des deux Adagio centraux (SACD Bis BIS-2384).
Avec le Berlinois Martin Helmchen (né en 1982), la réalisation est impeccablement soignée, comme à son habitude: si les passions sont toujours là, elles sont davantage ordonnées et canalisées et l’esprit est moins fantasque. Dans cet album, l’Orchestre du Konzerthaus de Berlin (connu jusqu’en 2006 sous le nom d’Orchestre symphonique de Berlin) marque le bicentenaire de la salle qui est désormais la sienne (mai 1821), où furent créés le mois suivant, à une semaine d’intervalle, le Freischütz et le Konzertstück. Christoph Eschenbach, Chefdirigent depuis 2019, conduit de façon très convaincante ce programme tout Weber qui comprend par ailleurs des extraits du Freischütz, bien sûr – l’Ouverture et les airs d’Annette des deuxième et troisième actes excellemment chantés par la soprano autrichienne Anna Prohaska, Berlinoise d’adoption – ainsi que les ouvertures du Maître des esprits (1805/1811) et d’Obéron (1826), rendant ainsi un bel hommage au compositeur (Alpha 744). SC


Franck: Prélude, choral et fugue


          
Si ce majestueux triptyque de 1884 fait l’objet de deux nouveaux enregistrements, on peut toutefois regretter qu’il soit un peu moins présent au répertoire des pianistes de notre époque. Alfred Cortot notait pourtant: «Pour qui est anxieux de se figurer une juste image de Franck, de pénétrer la chaleureuse simplicité de ses aspirations, d’explorer son âme, tout à la fois lucide et naïve, réfléchie et enthousiaste, de connaître la certitude confiante, l’élan généreux de sa foi – davantage un sentiment qu’une doctrine, a-t-on pu dire avec bonheur, – il n’a qu’à se pencher sur l’inestimable chef-d’œuvre, à en interroger l’harmonieux et grave développement. Il y trouvera le "reflet direct, le prolongement naturel, l’expression à peine transposée de la personne morale qui l’a conçu et réalisé".»
Ada Aria Rückschloss (née en 1994) possède les moyens techniques requis – dans sa jeunesse, Franck était un pianiste virtuose – et développe une belle sonorité, mais demeure trop prosaïque et séquentielle, trop soucieuse du détail pour que le propos ne paraisse pas manquer de souffle et d’élan. L’œuvre de Franck ouvre un récital dont le reste du programme va du XVIIIe au XXIe: Prélude et Fugue en fa mineur du Second Livre du Clavier bien tempéré de Bach, Dix-huitième Sonate de Beethoven, Deuxième Sonate de Prokofiev et une des compositions de la pianiste allemande, les quatre pièces brèves et sombres de Grilles. Son jeu clair et objectif, voire sec, son goût pour les surprises et son humour pince-sans-rire conviennent bien à ces différentes pages (Hänssler Classic HC20033).
Sur un bel Erard de 1875, Daniel Isoir (né en 1963) offre à la fois davantage de souplesse, de lyrisme et d’expression. Il consacre la totalité de son album à César Franck, qui, s’il n’a pas laissé de sonate, a en revanche privilégié la forme du triptyque, puisqu’il faut également compter Prélude, Aria et Final (1887) et Prélude, Fugue et Variation (1862), originellement pour orgue et transcrit par Harold Bauer (1873-1951). Autre transcription importante, celle de l’ultime Troisième Choral (1890) par Blanche Selva (1884-1942) – et non «Serva» comme indiqué au verso du disque – qui revêt sans nul doute pour le pianiste une profonde dimension affective, son père André ayant été l’un des plus grands interprètes de la version originale pour orgue. Mais c’est l’énigmatique Danse lente (1885) qui vient conclure un programme donnant ainsi à entendre l’intégralité des œuvres pour piano de la maturité du compositeur et interprété de façon à la fois humble et frémissante (Muso mu-043). SC


Strauss: Mort et transfiguration


          
Deuxième grand poème symphonique straussien (1889) après Don Juan, l’œuvre s’attache à évoquer les deux épisodes successifs que promet son titre. Dans sa monographie (Seuil, 1971), le regretté Dominique Jameux exprimait des doutes: «Ce thème grandiose n’aurait-il pas été trop lourd pour les épaules d’un jeune musicien?». Pour sa part, le compositeur en était sans doute assez satisfait puisqu’il la citera dans Une vie de héros et, bien plus tard, dans ses Quatre derniers lieder.
L’Orchestre symphonique de Singapour et Lan Shui (né en 1957), directeur musical de 1997 à 2019 puis chef honoraire, s’en tiennent à un premier degré efficace à défaut d’être subtil. Le chef sino-américain s’investit courageusement dans Macbeth, un poème symphonique qui n’est pas parvenu à s’imposer entre Don Juan et Mort et transfiguration, mais en fait des tonnes dans la Suite de 1945 du Chevalier à la rose (SACD Bis BIS-2342).
Mikko Franck (né en 1979) bénéficie de musiciens plus performants, ceux de l’Orchestre philharmonique de Radio France, dont il est le directeur musical depuis 2015. D’une grande finesse, la réalisation instrumentale vient au service d’une direction tout en subtilité, qui ne surligne pas les effets d’une partition volontiers démonstrative. Les compléments sont de premier ordre, avec l’excellent Nelson Goerner, versatile à souhait dans la Burlesque, et la rare Sérénade pour instruments à vent de 1882, où brillent les souffleurs du Philhar’ (Alpha 733). SC


Brahms: les dernières pièces pour piano


          
En deux étés à Bad Ischl (1892-1893), Brahms met un point final à sa production pour piano seul avec vingt pièces réparties en quatre recueils intitulés successivement Fantaisies (opus 116), Intermezzi (opus 117) et Klavierstücke (opus 118 et 119), comprenant au total quatorze intermezzos, trois capriccios, une balade, une romance et une rhapsodie. Dans sa monographie (Fayard, 1958), Claude Rostand les qualifie de «sorte de testament pianistique» et estime que «ces feuillets de journal intime montrent combien il a su rester lui-même, tout en s’abandonnant de plus en plus à ce Weltschmerz, à cette vague douleur du monde qui règne encore sur bien des esprits allemands de la fin du XIXe». Deux pianistes se confrontent à ces pages encore plus exigeantes en termes d’expression que de technique: difficile de départager, à front renversé, la maturité inquiète de l’un et la jeunesse paisible de l’autre.
Omettant l’Opus 116, Victor Rosenbaum (né en 1941), enregistré à Boston où il a enseigné de longues années au Conservatoire de Nouvelle-Angleterre, s’affirme avec passion et puissance – on l’entend çà et là souffler voire chantonner –, parfois aussi un peu de raideur mais jamais de brutalité. Le jeu est coloré, avec un large ambitus dynamique, et le pianiste américain ne recule pas devant la charge émotionnelle, comme dans le premier intermezzo de l’Opus 119 (Bridge Records 9545).
Avec ce premier album, Yunus Kaya (né en 1986) dit réaliser le rêve qui est le sien depuis qu’à l’âge de 15 ans, il a découvert ces pièces dans l’enregistrement de Kempff. Il affirme en outre s’inspirer du récit d’une élève de Clara Schumann qui décrit le compositeur jouant ses Opus 118 et 119 «dans un esprit très libre – comme s’il improvisait – avec le cœur et l’âme», en recherchant une interprétation qui paraisse spontanée, presque improvisée. On s’attendait donc à quelque chose d’excessivement fantasque et échevelé, ou bien même simplement porté par le feu de la jeunesse, alors que, bien au contraire, le pianiste austro-turc, si ses tempi sont nettement plus allants que ceux de Rosenbaum, se montre toutefois mesuré, presque détaché, dans une manière toujours souple et élégante. Lui aussi sur un Steinway D, il semble toutefois bénéficier d’un instrument de meilleure qualité, à la sonorité plus raffinée (Ars Produktion 38586). SC




ConcertoNet a également reçu




Holland Baroque: Telemann
Il s’agit ici de documenter le thème «Telemann et le style polonais», au travers d’arrangements de danses mais aussi dans ses propres œuvres: deux Concertos Polonais et, comme si son catalogue n’était pas déjà suffisant, l’arrangement d’une Partie Polonois (sic) conçue à l’origine pour deux luths. Cette fastidieuse succession de pièces ternes et sans inspiration, même si elles sont interprétées sans doute scrupuleusement par les sept membres de l’ensemble Holland Baroque, n’est absolument pas à recommander pour remonter le moral des populations, fragilisé depuis un an par l’épidémie de covid-19. Comme le disait Jarry en introduction à son Ubu Roi: «La scène se passe en Pologne, c’est-à-dire nulle part.» (Pentatone PTC 518 6878). LPL


Fabrice Ferez: Telemann
Qu’est-ce qui pousse les musiciens à faire partager au grand public ce qui devrait rester connu des seuls spécialistes de l’instrument? Car pour un Jean-Frédéric Neuburger revisitant génialement Czerny, que de déconvenues! En voici donc une nouvelle avec cet album de hautbois consacré principalement à six des douze Fantaisies... pour flûte de Telemann, entre lesquelles s’insèrent deux Canons mélodieux mais aussi deux extraits de la Deuxième Partita... pour violon de Bach et un mouvement d’un Duo de son fils Wilhelm Friedemann. Preuve supplémentaire que cette publication est à ranger au rayon «les hautboïstes parlent aux hautboïstes», elle est soutenue par un grand facteur français d’instruments à vent et par un fabricant d’anches. Le talent de l’interprète, qui signe une intéressante notice où il recourt avec brio à l’oxymore en associant «imagination» et «Telemann», pourtant reconnu comme l’un des pisse-copies les plus intarissables de son temps, gagnerait manifestement à s’exprimer dans des répertoires plus consistants (Gallo CD-1629). LPL


Marc Geujon: Concertos
Sous le titre «The Classical Concertos», le trompette solo de l’Orchestre national de l’Opéra de Paris (né en 1974) présente, sans surprise, les deux chevaux de bataille de l’époque classique – Haydn et Hummel (ce dernier dans sa version en mi majeur) – mais aussi un outsider intéressant – le Concerto en mi bémol du Tchèque Neruda (écrit à l’origine pour cor) – et une anomalie tant chronologique que musicale, le Concerto en ut majeur de Christian Gouinguené (né en 1941), dont on jurerait qu’il a été écrit deux cents ans plus tôt, ce qui en relativise à tout le moins l’intérêt. Sans surprise non plus, le soliste tire son épingle du jeu, tandis que l’Orchestre symphonique de Mulhouse, sous la baguette de son directeur artistique et musical, Jacques Lacombe, semble parfois s’ennuyer gentiment (Indésens INDE145). SC


Olivier Anthony Theurillat
Quiet City de Copland, qui donne son titre à l’album, est suivi d’un choix singulier de pièces brèves, originales ou transcrites, dans le même esprit méditatif, mélancolique et apaisé, où le musicien suisse (né en 1971), accompagné par l’Orchestre de chambre de Lausanne dirigé par Laurent Gay, fait valoir le caractère éminemment lyrique de la trompette mais aussi du cornet et du bugle: extraits de Résurrection et d’Etchmiadzin de Hovhaness, Les Hommes creux de Persichetti, La Vie antérieure de Duparc, «Blumine» de Mahler, Berceuse d’un trompettiste d’Anderson, la Légende d’Enesco et Adiós Nonino de Piazzolla, ces deux derniers orchestrés par Richard Dubugnon (Indésens INDE146). SC


Patricia Kopatchinskaja: Schönberg
«PatKop» (née en 1977) s’est fait connaître comme une sorte de violoniste gore et trash, cultivant une prédilection pour une sonorité (délibérément?) sale et maigrichonne associée à des options interprétatives surprenantes quand elles ne sont pas tout simplement aberrantes. Ses supporters acharnés seront donc ravis de constater qu’elle peut faire aussi mal en «récitante» du Pierrot lunaire, dans un Sprechgesang absurde et horripilant à force d’être constamment hirsute et hystérique. Les compléments instrumentaux de Schönberg (Pièces pour piano opus 19, Fantaisie pour violon et piano, arrangement de la Valse de l’Empereur de Strauss) et d’autres Viennois (Pièces pour violon et piano opus 7 de Webern, Petite marche viennoise de Kreisler), pareillement grotesques et surjoués, n’apportent aucun soulagement. Par bienveillance, on se privera de dénoncer les musiciens qui se sont associés à cette bien funeste entreprise, qui ne vaut que pour sa notice, exhaustive et captivante (Alpha 722). LPL


Célimène Daudet: «Haïti mon amour»
La pianiste (née en 1977), dont la mère est originaire de Haïti, invite à la découverte de trois compositeurs pionniers dans leur pays, incorporant dans leur musique des éléments nationaux (méringue, vaudou) en ces temps d’occupation américaine: Justin Elie (1883-1931), avec ses trois Chants de la montagne et trois de ses Méringues populaires haïtiennes; Ludovic Lamothe (1882-1953), le «Chopin noir», avec ses deux Feuillets d’album, trois de ses quatre Danzas et l’entêtant Loco; enfin, Edmond Saintonge (1861-1907), avec son étonnante Elégie-Méringue. En apostille, «Printemps», l’un des Chants polonais de Chopin (arrangés par Liszt), rappelle non seulement bien sûr son influence sur ces musiciens mais aussi une autre patrie lointaine et opprimée qui résiste au travers de la musique. L’ensemble swingue doucement, avec raffinement et délicatesse, sensibilité et nostalgie (NoMadMusic NM087). SC


Laurent Cabasso: Bach
On se souvient du jeune pianiste apprécié dans le répertoire romantique germanique. Et puis voilà, après l’éclipse qui frappe si souvent en milieu de carrière, il fêtera bientôt ses 60 ans. Déjà... Heureusement qu’il se rappelle à notre souvenir, et ce pour un vrai défi: non seulement Bach mais, plutôt que les habituels Clavier bien tempéré, Variations Goldberg ou Suites, une intégrale des (sept) Toccatas, toutes des œuvres de jeunesse mais d’une grande variété, comme le rappelle Gilles Cantagrel dans la notice. Sur un Opus 102 de Stephen Paulello, l’interprète relève son défi, avec une immense probité et un respect infini pour cette musique (Paraty 110197). SC


Quatuor Ellipsos : Decruck
Voila près de vingt ans que l’ensemble nantais perpétue l’excellence de la tradition française du quatuor de saxophones. Pour son sixième album, il s’intéresse à Fernande Decruck, née Breilh (1896-1957), organiste de formation mais dont la carrière créatrice est associée à son mari saxophoniste et dont la Sonate pour saxophone et piano en ut dièse a plusieurs fois été enregistrée. On comprend que les musiciens s’attachent à éditer et à faire revivre ses œuvres, évidemment virtuoses, toujours très finement écrites pour leurs instruments, souvent plaisantes, parfois émouvantes – Pavane, Deux berceuses (1935) – et dont les noms humoristiques ont peut-être fait pâlir d’envie Florent Schmitt (lui-même auteur d’un quatuor de saxophones): Saxofonia di camera, un quatuor qui ne dit pas son nom, les ambitieuses Variations saxophoniques (1939), les huit Saxophonescas (1943) et le bref triptyque Saxophonie, qui donne son titre à cet album (NoMadMusic NMM088). SC


La rédaction de ConcertoNet

 

 

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