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CD, DVD et livres: l’actualité de novembre 11/15/2020
Au sommaire :
Les chroniques du mois
En bref
ConcertoNet a également reçu
Les chroniques du mois
Must de ConcertoNet
Chostakovitch par le Trio Wanderer
La fratrie Tchalik interprète Hahn
Sélectionnés par la rédaction
Kirill Gerstein interprète Adès
Le pianiste Victor Schiøler
Mariss Jansons dirige Bruckner
Samuel Hasselhorn chante Schumann
Sofja Gülbadamova interprète Dohnányi
Oui !
Itzhak Perlman en concert (1978-2010)
Le violoniste Andrey Baranov
Graham Ross dirige Britten
Owen Rees dirige Britten
Rachmaninov d’André Lischke
Seiji Ozawa et Martha Argerich
La soprano Katharine Dain
Ariane Matiakh dirige Dohnányi
Victor Sicard et Anna Cardona interprètent Ravel
Rossini de Chantal Cazaux
La soprano Melody Louledjian et le pianiste Antoine Palloc
Giovanni Antonini interprète Vivaldi
Jean-Luc Tingaud dirige Franck
L’Ensemble Masques
Kim Kashkashian interprète Bach
L’altiste Amihai Grosz
Jansug Kakhidze dirige Kantcheli
Œuvres pour vents de Beethoven
Pourquoi pas ?
Arthur Fagen dirige Dawson et Kay
Musique de chambre de Ravel
Arabella Steinbacher interprète Vivaldi et Piazzolla
Musique au Gaumont-Palace
Alexandre Dumas père et la musique
Charles Mackerras dirige Mozart
L’organiste Vincent Grappy
Pas la peine
Christiane Karg et Malcolm Martineau interprètent Mahler
Arthur Fagen dirige Gould
Atilla Aldemir interprète Bach
L’altiste Daniel Weissmann
Mariss Jansons dirige Brahms et Strauss
Paavo Järvi dirige Tchaïkovski
Hélas!
Laurent Naouri et Frédéric Loiseau
En bref
Antonini revient à ses premières amours
Franck en Ecosse
Ravel mélodiste
Ravel chambriste
Rossini à L’Avant-Scène
L’univers symphonique de Kantcheli
Les Quatre Saisons vues d’Argentine
Au Gaumont-Palace en 1939
Autour d’Alexandre Dumas père
L’alto de Bach à Chostakovitch
Fort(in) de café
Le bouquet de mélodies de Melody
Le Mahler monotone de Christiane Karg
Le dernier concert de Mariss Jansons
Morton Gould: un éclairage décevant
Laurent Naouri «en sourdine»
Antonini revient à ses premières amours
Alors que Fabio Biondi et l’Europa Galante frappent un grand coup avec des Quatre Saisons comme on ne les avait jamais entendues jusque-là (Opus 111, 1991), un de ses compatriotes fait alors une entrée tout aussi remarquée dans l’univers de Vivaldi. Giovanni Antonini et son Giardino Armonico enregistraient alors les Concerti da Camera (avant des Quatre Saisons tout aussi enthousiasmantes deux ans plus tard): le coffret de quatre disques, réalisés entre novembre 1990 et juin 1992, a été immédiatement porté aux nues et n’a cessé d’être considéré comme une référence (Teldec). Passé par de multiples expériences depuis (comme chef et comme soliste), ayant multiplié les incursions à la tête de formations classiques (le Philharmonique de Berlin et bien d’autres...) et dans le domaine de l’opéra, Antonini revient ici à Vivaldi comme soliste et chef avec son ensemble attitré. La fougue parfois brouillonne des années 1990 a laissé place à un jeu tout aussi recherché mais beaucoup plus maîtrisé, pour autant peut-être pas beaucoup plus sage. Les pages célèbres sont au rendez-vous, qu’il s’agisse du Concerto «La Tempesta di Mare» RV 433 ou du Concerto RV 443: la virtuosité des premiers mouvements est rehaussée par un jeu global sur les ornementations fait à la fois avec adresse et naturel (le Largo du RV 443), la vivacité péchant parfois par une légère sécheresse (l’Allegro molto concluant le même RV 443). Ce disque est néanmoins des plus intéressants puisqu’il permet à Antonini et à son équipe de nous donner à entendre des concertos beaucoup moins connus à l’instar du Concerto RV 444 aux sonorités et couleurs on ne peut plus généreuses. Alternant au fil des pages flautino (flûte à bec sopranino) et traverso, Antonini nous emporte parfois sur un terrain plus volontiers mélancolique et rêveur, à l’image du superbe Allegro con molto ouvrant le Concerto «Tutti gl’istromenti sordini» RV 442, qui figurait déjà dans l’album Teldec du début des années 1990. On connaissait Antonini flûtiste mais le voici qui prend également le chalumeau pour remplacer la voix dans le poignant «Cum dederit» tiré du Nisi Dominus RV 608: le résultat est assez agréable à entendre mais rien ne pourra remplacer, par exemple, Andreas Scholl (Decca) dans cette page qui complète un disque de longue haleine (les enregistrements datant étrangement de juillet 2011 et mai 2017) aux tonalités extrêmement agréables. A n’en pas douter, Giovanni Antonini et Il Giardino Armonico n’ont pas oublié leurs premières amours: on souhaite que cela se poursuive (Alpha 364)! SGa
Franck en Ecosse
Voilà une heureuse initiative que de s’intéresser à l’exploration de la musique de César Franck (1822-1890), au-delà de la bien connue Symphonie en ré mineur ou de ses Variations symphoniques, souvent données en concert. Comme l’avait démontré Jean Fournet dans ses enregistrements consacrés au maître liégeois et réunis dans un coffret par Supraphon en 2013, les poèmes symphoniques de Franck n’ont pas grand-chose à envier à ces chefs-d’œuvre, tout particulièrement les délices d’envoûtement de Psyché (1888), ici donnée dans sa rare version avec chœurs (comme Fournet). Malgré un français parfois approximatif, on se félicitera de l’excellence des RCS Voices, un jeune chœur formé en 2014, en résidence au Conservatoire royal d’Ecosse (RCS) à Glasgow. Assez déroutant au début, le geste de Jean-Luc Tingaud, à la tête de l’Orchestre royal national d’Ecosse, étire les tempi, fouillant chaque détail de la partition et évitant tout pompiérisme, notamment dans Les Eolides (1877) et Le Chasseur maudit (1883). Le disque ne supportera pas une écoute inattentive et gagne à la concentration pour en saisir tout le travail admirable sur les couleurs (Naxos 8.573955). FC
Ravel mélodiste
Beau parcours pour la quasi-intégrale des mélodies de Ravel par le baryton français Victor Sicard et la pianiste italienne Anna Cardona. Ce récital a tout pour séduire. Victor Sicard a la versatilité vocale indispensable pour aborder toutes ces mélodies si variées dans leur esprit et leur style de composition. Panache et rêverie pour Don Quichotte à Dulcinée, chaleur pour les Cinq Mélodies populaires grecques, extrême spiritualité pour les Deux Mélodies hébraïques, gravité pour les Cinq Chants populaires. Pour les Chansons madécasses, la flûtiste Mathilde Calderini et le violoncelliste Aurélien Pascal se joignent aux deux interprètes pour créer ce climat si étrange propice à l’exotisme des textes d’Evariste de Parny. Une petite réserve cependant pour Les Histoires naturelles car Victor Sicard n’a pas toujours su trouver, pour ces miniatures si spirituelles avec leurs textes de Jules Renard, la distanciation nécessaire à leur interprétation. Le premier degré menace souvent, notamment dans «Le Paon» et «La Pintade». Ronsard à son âme et Sur l’herbe, sur des poèmes respectivement de Ronsard et Verlaine, concluent magnifiquement cet enregistrement. Le timbre du baryton est très séduisant et son volume adapté à la mélodie et sa diction parfaite. L’accompagnement d’Anna Cardona combine la précision maniaque indispensable chez Ravel et un fourmillement de nuances et de couleurs qui relancent constamment son partenaire (La Música LMU020). OB
Ravel chambriste
Des solistes du Philharmonique de Berlin – la petite colonie française (le flûtiste Emmanuel Pahud, la harpiste Marie-Pierre Langlamet, le violoniste Simon Roturier et le violoncelliste Bruno Delepelaire), entourée du clarinettiste Wenzel Fuchs, du violoniste Christophe Horák et de l’altiste Ignacy Miecznikowski – se réunissent pour offrir un panorama assez large de l’œuvre de Ravel, tant des pages originales (Quatuor, Introduction et Allegro, Sonate pour violon et violoncelle) que des transcriptions (Sonatine, arrangée pour flûte, alto et harpe par Carlos Salzedo, et «Le Jardin féerique», pièce conclusive de Ma mère l’Oye qui donne son nom au présent album et réunit tous les participants, comme Introduction et Allegro, dans une version du violoncelliste Stephan Koncz). L’aisance des musiciens est telle qu’ils donnent l’impression de ne pas avoir à forcer leur talent et de passer un bon moment ensemble, qu’ils font toutefois partager à l’auditeur (Indésens! INDE139). SC
Rossini à L’Avant-Scène
Les modes d’emploi édités par L’Avant-Scène Opéra sont désormais de vrais livres bien brochés et portent comme casaque Editions Premières Loges. Après Verdi et Puccini, Chantal Cazaux, rédactrice en chef de la précieuse revue L’Avant-Scène Opéra, propose un guide à l’œuvre de Gioachino Rossini. Biographie, mises en perspectives, analyse des œuvres, discographie, bibliographie, vidéographie, interprètes légendaires, tout est là pour guider aussi bien celui qui s’initie que ceux qui connaissent bien le cygne de Pesaro. L’iconographie, qui alterne photos et gravures, et surtout le fait que l’ouvrage soit connecté avec l’application ASOpéra pour offrir des extraits audio des œuvres analysées concourent à faire de ce livre un compagnon indispensable (240 pages, 28 euros). OB
L’univers symphonique de Kantcheli
Guia Kantcheli (1935-2019) et Jansug Kakhidze (1935-2002) sont aussi indissociables que ne le furent, dans la génération précédente, Chostakovitch et Mravinski, et peut-être même plus encore, car les sept symphonies du compositeur géorgien ont toutes été créées sous la direction de son compatriote. Même si quelques autres s’y sont essayé, la réédition des enregistrements réalisés avec l’Orchestre symphonique de Tbilissi constitue donc un témoignage particulièrement précieux de l’art de ces deux musiciens. Ecrit en moins de vingt ans, ce corpus symphonique se caractérise par une grande homogénéité, ne serait-ce que dans son refus des formes classiques: deux mouvements pour la Première (1967), à l’image de la Deuxième de Prokofiev, dont elle partage les stridences éruptives et paroxystiques, puis un mouvement unique pour les six autres. Dans la descendance de Chostakovitch, mais évoquant parfois l’iconoclastie d’Ives, le mysticisme de Pärt aussi bien que l’âpreté de Sibelius, la Deuxième «Chants» (1970) diffuse un lyrisme qui a la fragilité d’un palimpseste, entre terribles bouffées de violence et infinie nostalgie, celle d’un passé idyllique ou rêvé, on ne sait trop. Dans la Troisième (1973), l’inspiration est toujours aussi puissamment dramatique, sans s’interdire un certain raffinement instrumental, et le langage toujours aussi éclectique, mêlant tonalité et atonalité dans une démarche polystylistique qui était également celle de Schnittke, quoique de manière moins grinçante et parodique. Tout cela n’en témoigne pas moins d’une réelle personnalité, dans une intransigeance évoque également celle de Pettersson, ce que confirme l’énigmatique Quatrième «A la mémoire de Michel-Ange» (1974, l’année même où Chostakovitch mettait en musique certains des sonnets du sculpteur). La Cinquième «A la mémoire de mes parents» (1977) se fonde une nouvelle fois sur le principe d’opposition tranchée de deux mondes inconciliables et contrastant avec violence, tellement éloignés de l’un de l’autre qu’ils se juxtaposent davantage qu’ils ne luttent, entre tutti forcenés et lambeaux de quiétude fantomatique, celle d’une sorte de boîte à musique au clavecin. La Sixième (1980) cultive également le dépouillement, l’absence, l’évanescence, mettant en valeur un alto solo, là aussi face à l’orchestre tout entier. Dans la Septième «Epilogue» (1986), la nostalgie devient encore plus envahissante, comme dans Léger chagrin (1985) pour deux enfants sopranos, chœur d’enfants et orchestre, dont les textures arachnéennes, la radicalité et les jeunes voix ont quelque chose de Crumb. Pleuré par le vent (1989), vaste élégie pour alto solo – l’inévitable Youri Bashmet – montre toutefois que le style peut dégénérer en procédé, finissant par verser dans un néoromantisme assez creux (coffret de cinq disques Cugate Classics CGC 050, disponibles séparément). SC
Les Quatre Saisons vues d’Argentine
Si Les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi font à l’évidence partie des œuvres les plus connues de la musique classique (le fait qu’elles servent de musique d’attente au téléphone ou dans les ascenseurs est un signe qui ne trompe guère), on connaît évidemment beaucoup moins Las Cuatro Estaciones Portenas (Les Quatre Saisons de Buenos Aires) d’Astor Piazzolla (1921-1992), qui plus est arrangées par Peter von Wienhardt. Le pari d’Arabella Steinbacher est de jouer les deux, chaque saison «vivaldienne» étant ainsi précédée de son pendant argentin. Belle idée mais à moitié gagnée car, en dépit de son air mutin et des photos facétieuses ornant la notice de ce disque (en anglais et en allemand seulement), la violoniste allemande (née en 1981) adopte un jeu extrêmement sage dans Vivaldi, qui confine, de mouvement en mouvement, à un agréable mais doux ronronnement. Le Printemps s’ouvre sur un dialogue fort bien fait avec l’Orchestre de chambre de Munich, dirigé par son Konzertmeister, Dzeraldas Bidva, mais que cela est convenu: on y traquera sans succès la moindre originalité dans les nuances, dans le jeu entre soliste et orchestre au point que l’Allegro pastorale s’avère même alangui. L’Eté est tout aussi classique, Arabella Steinbacher bénéficiant d’un jeu solide, usant d’un léger vibrato auquel l’orchestre (jouant sur instruments modernes) répond avec application. La soliste ne nous entraîne certes dans aucune brusquerie ou faute de goût mais la musique de Vivaldi, qui plus est dans sa page la plus célèbre, demande à être véritablement revisitée, ce qu’on sera bien en peine de trouver ici. L’Automne illustre ces travers avec un orchestre au legato et aux liaisons qui nous ramènent à un style interprétatif qui était en vogue il y a plus de quarante ans (on croirait parfois entendre du «mauvais» I Musici), Arabella Steinbacher nous offrant de temps à autre quelque maniérisme ou affectation dans les attaques ou le rebondissement de telle ou telle phrase, même si l’Allegro conclusif est plutôt séduisant à l’oreille. L’Hiver est peut-être plus réussi que les trois autres saisons en raison d’un jeu d’un grand dépouillement, assez représentatif de ce que peut être un climat froid et neigeux. Alors, en fin de compte, ce sont bien les saisons de Piazzolla qui font tout l’intérêt de ce disque. Certes, on pourra se dire que les motifs sont un peu répétitifs tant dans le rythme que, surtout, dans les sonorités. Il n’en demeure pas moins que l’on se laisse vite séduire par la rythmique charmeuse, voire langoureuse, de L’Eté (beau dialogue entre la soliste et les altos et violoncelles) et surtout par Arabella Steinbacher qui, enfin, semble s’amuser et prendre des libertés avec la partition, la pirouette concluant L’Automne ou les traits mutins de L’Hiver, aux accents parfois presque dignes de Sibelius, révélant une personnalité que Vivaldi avait ici en grande partie éteinte (Pentatone PTC 5186746). SGa
Au Gaumont-Palace en 1939
Pendant une heure, «Rendez-vous au Gaumont-Palace» nous fait délicieusement voyager dans le temps, un temps où la jauge des salles de cinéma pouvait être colossale – en l’espèce, 6000 spectateurs – et où elles offraient un spectacle complet, incluant des séquences musicales données en live – en l’occurrence, par un orchestre et un orgue. De marque Christie (celui-là même qui allait fonder le festival de Glyndebourne) depuis 1932, il faisait sensation par sa console qui quittait la fosse pour s’élever sur scène. Après la fermeture de la salle de place de Clichy en 1972, il a rejoint le Pavillon Baltard à Nogent. En 1939, c’est rien moins que Georges Tzipine (1907-1987) qui dirige et joue des solos de violon, tandis que l’orgue est tenu par Georges Ghestem (1903-1978): ils ont alors enregistré pour Odéon quatorze morceaux de leur répertoire, excellemment restitués. Dans des arrangements dont ils sont parfois eux-mêmes les auteurs, la musique «classique» (courtes pièces de Chopin, Grieg et Rimski, medleys de Schubert, d’Orphée aux enfers ou des Cloches de Corneville) partagent l’affiche avec les contemporains (Coates, Gershwin, Ravel, O. Straus, Vecsey) et la variété (succès d’André Pasdoc ou Lucienne Delyle). Le style est daté, bien sûr, mais tout le charme est là, en plus des sonorités si particulières de ces orgues de cinéma (Hortus 160). SC
Autour d’Alexandre Dumas père
Ce bouquet de mélodies du XIXe siècle a pour substrat littéraire la poésie bien inégale d’Alexandre Dumas père (1802-1870) mais aussi celles de Victor Hugo, Théophile Gautier, Louis Gallet, Victor Capoul et Armand Sylvestre. Les trois interprètes vocaux et les deux musiciens réunis par ce programme d’une grande heure «Alexandre Dumas et la musique» n’y sont pour rien. Ils font de leur mieux pour donner vie à des musiques extrêmement inégales composées sur des poèmes qui le sont encore plus. L’auteur du Comte de Monte-Cristo, qui a collaboré à des livrets d’opéras qui ne sont pas passés à la postérité, a inspiré pour des romances et mélodies un bon nombre de compositeurs contemporains. Ce récital, qui en regroupe quatorze et pas des moindres (Berlioz, Massenet, Liszt, Duparc, Messager) mais aussi beaucoup d’obscurs (Joseph Doche, Hippolyte Monpou, Edmond Guion, Francis Thomé, Henri Reber...), passionnera certainement les amateurs de raretés de la mélodie française du XIXe. Il comporte même des extraits d’opérettes (Le Chevalier d’Harmental de Messager, Piquillo de Monpou) et d’une musique de scène (Le Chevalier de Maison-Rouge d’Alphonse Varney). On retiendra au rang des réussites l’Elégie de Massenet, un peu nasalisée par le ténor Kaëlig Boché mais somptueusement accompagnée par l’excellent violoncelle de Raphaël Jouan, et La Captive de Berlioz par le soprano Marie Laure Garnier, qui ne sont pas sur des textes de Dumas, ainsi que la romance Amour, printemps - Printemps, amour d’Edmond Guion par le mezzo-soprano Karine Deshayes. Le pianiste Alphonse Cemin anime efficacement cet ensemble aussi étrange que disparate (Alpha 657). OB
L’alto, de Bach à Chostakovitch
Quatre publications récentes mettent l’alto au premier plan, en solo ou avec piano, dans son répertoire original ou des arrangements.
Les deux premières confrontent les interprètes à Bach en solo. Dans les six Suites pour violoncelle seul, Kim Kashkashian (née en 1952), par-delà les difficultés inhérentes à l’arrangement pour son instrument, est portée par un véritable souffle et un plaisir de jouer (ECM New Series 2553/54). Il y a moins de vie et de couleur chez Atilla Aldemir (né en 1975), premier alto solo de l’Orchestre symphonique de la Radio de l’Allemagne centrale (Leipzig), plus à la peine dans les Sonates et Partitas pour violon seul, mais rivaliser avec le violon n’est assurément pas une mince affaire (album de deux SACD Cybele Records 231903).
Daniel Weissmann (né en 1956), par ailleurs directeur général de l’Orchestre philharmonique Royal de Liège depuis 2014, poursuit, cette fois-ci avec le pianiste Peter Petrov (né en 1974), sa série «The Romantic Viola» (en anglais dans le texte): après un premier volume consacré à Fuchs, Liszt, Reinecke et Vieuxtemps, le deuxième est géographiquement homogène, avec Harold en Italie de Berlioz, dans un arrangement de Hugh Macdonald, plus centré sur l’instrument soliste que celui de Liszt (plus soucieux, bien sûr, de mettre en valeur le piano) et «maintenant [...] l’altiste affairé dans des passages de l’œuvre où Berlioz le laisse silencieux». Le reste du programme témoigne du développement de l’alto en France qui accompagne la création très tardive (1894) d’une classe au Conservatoire, avec des raretés comme les Deux Pièces (1895) de Vierne (très brèves pièces de genre) ou la Suite en trois parties (1897) de Tournemire, mais aussi la Pièce (1897) de Chausson. Malheureusement, ni la sonorité ni la justesse ne sont satisfaisantes. (Fuga Libera FUG765). Amihai Grosz (né en 1979), premier alto solo du Philharmonique de Berlin depuis 2010, et Sunwook Kim (né en 1988) proposent un récital dont le fil rouge pourrait être une atmosphère sombre ou élégiaque, depuis Yizkor (In Memoriam) (1947) d’Odőn Pártos (1907-1977), qui fut notamment le premier alto solo du futur Orchestre philharmonique d’Israël et dont le lyrisme se situe dans l’environnement de Bartók ou Hindemith, jusqu’à l’ultime Sonate pour alto et piano (1975) de Chostakovitch, peut-être un peu trop distante et légère. Avec finesse et sensibilité, c’est la Sonate «Arpeggione» de Schubert s’impose davantage (Alpha 634). SC
Fort(in) de café
La seconde moitié du XVIIe siècle voit arriver la mode, à la cour de Louis XIV, des boissons exotiques. Si le thé ne connaît guère de succès dans l’immédiat (il ne commencera à supplanter le café dans la noblesse qu’à compter des années 1750), le chocolat s’impose en revanche assez rapidement (notamment sous l’influence de la reine Marie-Thérèse, qui en était friande), de même que le café. Ce dernier arrive précisément à la cour de France au mois de novembre 1669 avec l’ambassade de Mehmet IV conduite par Soliman Aga Mustapha Raca auprès de Louis XIV, mais c’est surtout Louis XV qui s’entichera de cette nouvelle boisson, qu’il faisait distiller dans ses propres appartements. Intitulé «Routes du café», le présent disque réalisé sous la houlette du claveciniste Olivier Fortin, qui dirige également pour l’occasion son Ensemble Masques, illustre en partie la manière dont la musique baroque a rendu hommage à ce breuvage venu d’Orient et devenu par la suite l’archétype aussi bien des bistrots parisiens que des cafés viennois. La première œuvre d’envergure figurant au programme s’intitule Le Caffé, quatrième cantate d’un recueil publié en 1728 et composé par Nicolas Bernier (1665-1734). Après un mouvement introductif purement instrumental, l’œuvre alterne récitatifs et airs qui louent les vertus du café, le texte prenant plaisir à opposer vin et café («Tu comptes dans ton Empire/Des lieux rebelles à Bacchus», «Tu ravis au Dieu de la treille/Le buveur que ton charme éveille») et à célébrer les vertus de cette boisson étonnante («Nous domptons le sommeil par ton heureux secours»)! L’instrumentarium est fort réduit mais permet notamment de bien mettre en valeur la flûte d’Anna Besson et, dans le dernier air, le violoncelle; l’ensemble est agréable même si l’on ne peut que regretter une prononciation plus que perfectible de la langue française par la soprano Hana Blazíková, de fait pas toujours des plus intelligibles. Evidemment, vu le thème, difficile de faire l’impasse sur la célèbre Cantate «Schweigt stille, plaudert nicht», dite «Cantate du café», de Bach. Pièce satirique voire franchement humoristique (le premier air de Schlendrian!), elle oppose une fille adepte du café à son père, vieux bougonnant qui lui prédit qu’elle n’aura jamais de mari tant qu’elle n’arrêtera pas d’en boire, ajoutant à ce duo un narrateur pour l’introduction et le dernier air. L’interprétation de Hana Blazíková n’appelle guère de commentaire mais c’est surtout Lisandro Abadie, dans le rôle du père, qui retient l’attention grâce à une finesse vocale et une très belle caractérisation de chaque air; l’ensemble conclusif (où virevolte de nouveau la flûte comme instrument soliste) rappelant que les filles, mais avant elle les mères et grands-mères, restent adeptes du café, quelles que soient donc les circonstances, est parfait, Reinoud Van Mechelen (déjà intervenu dans le rôle du narrateur) rejoignant ses deux comparses pour l’occasion. Outre ces deux cantates, on écoutera la «Saillie du caffé», tirée du Troisième Livre de pièces de viole de Marin Marais, dialogue entraînant entre la basse de viole (Mélisande Corriveau) et le clavecin (Olivier Fortin). Outre une Fantasia en ré mineur du compositeur anglais Matthew Locke (1621-1677), Fortin a eu l’excellente idée de convier dans ce panorama des pièces du XVIIe siècle (du compositeur turc Nâyi Osman Dede), du XIXe (Tanburi Cemil Bey, compositeur turc également) et même de notre époque, deux pièces étant en effet dues à la plume de la violoniste et altiste canadienne Kathleen Kajioka. Un disque à recommander donc tant pour ses strictes qualités musicales que pour l’invitation au voyage qu’il suggère (Alpha 543). SGa
Le bouquet de mélodies de Melody
Avec Melody Louledjian et Antoine Palloc, ce n’est pas «Dites-le avec des fleurs» mais «Chantez-le avec des fleurs». «Fleurs», tout simplement, tel est le titre de leur album, consacré pour l’essentiel aux Chantefleurs (1957) de Jean Wiéner (1896-1982). Car bien avant que Lutoslawski ne s’intéresse aux Chantefleurs et Chantefables (1944) de Robert Desnos, le pianiste du Bœuf sur le toit les a mises en musique, en commençant dès 1954 par les Chantefables. Inspiré par les calembours – qui suscitent, de la part de la traductrice (en anglais) des textes reproduits dans la notice, un beau travail et un riche appareil critique –, le surréalisme et la délicatesse de Desnos, il écrit une musique aussi diverse, aussi faussement enfantine et vraiment sérieuse que ces cinquante courts poèmes, et qui a le grand mérite de ne pas prendre le dessus sur ces vers fragiles et subtils. Il n’y a pas moins de versatilité chez la jeune soprano et de discrétion opportune chez son accompagnateur. Cet album de soixante et une plages tient de ces «concerts salade» que Wiéner organisait à Paris au début des années 1920, car le reste du programme a un côté très «groupe des Six» et Années folles – Les Fleurs (1886) de Satie, Nature morte (1917) d’Honegger, Catalogue de fleurs (1920) de Milhaud et L’Ame des roses (1924), que René de Buxeuil (1881-1959) écrivit pour Berthe Sylva – que ne dépare pas «Deux Ancolies», l’une des treize mélodies de Clairières dans le ciel (1914) de Lili Boulanger. Un programme original, cohérent et remarquablement interprété (Aparté AP230). SC
Le Mahler monotone de Christiane Karg
Nouvelle venue chez l’éditeur Harmonia Mundi, le soprano allemand Christiane Karg consacre son premier album à des lieder de Gustav Mahler. Et c’est peut-être cela qui rend cet album si peu attrayant: la monotonie s’installe très vite dans ce parcours assez exhaustif dans l’univers du lied mahlérien accompagné au piano. Les qualités vocales ne sont pas en cause, mais l’interprétation ne convainc pas, ni même l’accompagnement au piano de Malcolm Martineau, qui est trop linéaire. La dose d’humour qui doit sans cesse poindre dans les Wunderhorn-Lieder est absente. Les Rückert-Lieder sont plus réussis mais l’absence de variété dans la palette vocale est vite pesante. Il manque trop de couleurs sombres et de contrastes. Le lied «Das himmlische Leben» de la Quatrième Symphonie paraît sans fin tant il est laborieusement mené. Est-ce parce que l’on a mixé la voix de Christine Karg avec les doigts mêmes du compositeur enregistré en 1905 sur des rouleaux Welte-Mignon. Etrange! Bref un album qui n’apportera rien de nouveau à la richissime discographie de ces lieder par des voix féminine (HMM905338). OB
Le dernier concert de Mariss Jansons
Il y avait sans doute comme un pressentiment en ce 8 novembre 2019 à Carnegie Hall: Fred Kirshnit avait qualifié de «poignant» ce concert marqué par l’état de santé préoccupant de Mariss Jansons (voir ici), dont la «démarche très lente et hésitante» avait frappé notre correspondant new-yorkais. Le lendemain, il était remplacé au pied levé par Vasily Petrenko et ce devait donc être sa dernière apparition publique, trois semaines avant son décès à Saint-Pétersbourg, le 30 novembre. La publication de l’enregistrement de cette soirée éveille des attentes: on espère éprouver une impression comparable, par exemple, à celle produite par Karajan dans la Septième de Bruckner avec le Philharmonique de Vienne le 23 avril 1989 ou par Abbado au Festival de Lucerne le 26 août 2013 dans la Neuvième de Bruckner (voir ici). Rien de tel, hélas, dans ce programme déjà donné une semaine plus tôt à Cologne et dont le disque, faute d’espace, ne retient pas les Quatre derniers lieder de Strauss qu’avait chantés Diana Damrau. Après des Interludes symphoniques d’Intermezzo de Strauss savoureux et rondement menés, le chef letton, à la tête de son Orchestre symphonique de la Radio bavaroise avec lequel son contrat avait été renouvelé jusqu’en 2024, paraît en revanche bien fatigué en seconde partie de concert, ne parvenant pas à animer une Quatrième Symphonie de Brahms comme tétanisée. Mais Jansons était l’élégance même, et ce jusqu’à ses dernières minutes sur scène, sachant faire plaisir au public qu’on entend accueillir avec satisfaction la Cinquième Danse hongroise donnée en bis (BR-Klassik 900192). SC
Morton Gould: un éclairage décevant
On pourra s’étonner du terme «symphonette», remis au goût du jour au travers de ce disque: dans l’esprit du compositeur Morton Gould (1913-1996), il s’agissait de se rapprocher de la sinfonietta, en lui donnant une coloration plus américaine, avec l’incorporation de nombreuses musiques aux rythmes endiablés – jazz, swing ou couleurs populaires mexicaines, surtout dans sa Quatrième Symphonette (1940). Ce brio virtuose rappelle certaines pages de Leonard Bernstein, qui fut certainement influencé par son aîné, tout en allant plus loin dans l’inspiration mélodique. Morton Gould fut un incroyable touche-à-tout, autant orchestrateur de génie que chef assez reconnu pour diriger rien moins que l’Orchestre symphonique de Chicago, comme en témoignent les six disques réunis par RCA en 2016, dans un coffret dédié à son legs. Souvent fêtée par de grands chefs contemporains (Stokowski, Susskind, Abravanel, etc) capables de transcender ces pièces faciles d’écoute, la musique de Gould reste assez méconnue de nos jours, même si le présent enregistrement vient lui redonner un éclairage bienvenu – à l’instar du récent disque consacré aux compositeurs noirs américains William Dawson et Ulysses Kay. Las, Arthur Fagen (né en 1951) ne s’y montre pas plus convaincant, avec une baguette trop morne pour enflammer davantage l’Orchestre symphonique de la Radio autrichienne (ORF) de Vienne. Dommage (Naxos 8.559869). FC
Laurent Naouri «en sourdine»
Le baryton Laurent Naouri et le guitariste de jazz Frédéric Loiseau «tutoyent l’inconnu» avec un récital, intitulé «En sourdine», qui convoque de véritables mélodies françaises de Fauré, Poulenc et Debussy, chantées, déclamées, susurrées, parlées, sifflées dans le style très sentimental de la bossa nova. Parmi les quinze chefs-d’œuvre offerts en pâture à cet exercice arbitraire figurent rien moins que Les Berceaux, Prison, Fêtes galantes, Le Jet d’eau, Je tremble en voyant ton visage... Un texte de l’écrivain Agnès Desarthe, frère du baryton, cautionne le tout. Si manifestement ce projet ne nous nous a pas séduit, laissons-le trouver son public. L’Obs, si avare pour chroniquer la musique classique, lui a récemment consacré un éloge qui sent un peu trop le copinage… et des concerts sont annoncés (Alpha 628). OB
ConcertoNet a également reçu
Charles Mackerras: Mozart
Cette réédition marque le dixième anniversaire de la disparition du chef australien (1925-2010), ici dans un de ses répertoires de prédilection, avec l’Orchestre de chambre d’Ecosse dont il fut le premier chef invité (1992-1995) puis le chef honoraire: outre le Requiem (dans l’édition de Robert Levin) et l’Adagio et Fugue en ut mineur de 2002, ce sont surtout neuf symphonies, dont les six dernières, enregistrées en 2007 et 2009. Ses interprétations ne manquent pas de caractère, de puissance et de couleur, dans des tempi plutôt vifs qui n’en ménagent pas moins de surprenants éclairages sur les voix secondaires. Mais cela peut devenir trop robuste ou tonitruant, et le respect intégral des reprises finit par agacer – le premier mouvement de la Symphonie «Prague» dure ainsi près de 18 minutes (coffret de cinq disques Linn CKD 651). SC
Paavo Järvi: Tchaïkovski
Le directeur musical de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich débute une intégrale des symphonies avec la Cinquième. Assez loin de la réputation de froideur ou de distance qui est la sienne, il fait certes preuve d’une grande attention au détail, comme à son habitude, mais se laisse aller de façon très libre et rhapsodique dans l’Andante cantabile, avec une passion qu’on ne soupçonnait pas chez lui mais non sans fâcheuses coquetteries et ralentis complaisants. En complément, Francesca da Rimini ne manque pas de couleur (Alpha 659). SC
Beethoven: œuvres pour vents
Sous le titre «Beethoven dans le vent», Indésens réédite en un court double album trois excellents enregistrements: l’Octuor de France en 2007 pour Calliope dans un Septuor parfait de fraîcheur de naturel (voir ici), Ramón Ortega Quero, Sebastian Manz, David Fernández Alonso, Marc Trénel et Herbert Schuch dans le même esprit en 2011 dans le Quintette pour vents et piano et le même Alonso avec brio en compagnie d’Hélène Tysman en 2014 dans la rare Sonate pour cor et piano (INDE136). SC
Vincent Grappy: Moussorgski
Il existe des versions pour orgue de Tableaux d’une exposition de Moussorgski mais le titulaire de l’instrument Merklin de la cathédrale de Blois s’est associé à Guy Touvron pour donner le premier enregistrement de la transcription réalisée par le trompettiste Vince(nt) DiMartino et l’organiste Schuyler Robinson. Quand on a en tête l’orchestration de Ravel, la trompette ne surprend pas dans les «Promenades» ou dans «Samuel Goldenberg et Schmuyle» mais elle parvient également à ne pas faire regretter le saxophone alto dans «Il vecchio castello» tandis que c’est sans doute dans «Catacombes» et «La Grande Porte de Kiev» que le duo convainc le plus. En complément, les Quatre Esquisses et Six Etudes en forme de canon de Schumann, originellement destinées à un piano à pédalier (Pedal-Flügel), sont magnifiées par leur extension à l’orgue (Hortus 196). SC
La rédaction de ConcertoNet
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