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CD, DVD et livres: l’actualité de mai
05/15/2020


Au sommaire :

Les chroniques du mois
En bref
ConcertoNet a également reçu





Les chroniques du mois





Must de ConcertoNet


    Biographie de Bruno Walter


    Bruno Ganz narre Enoch Arden




 Sélectionnés par la rédaction


    Graham Walker dirige Mathias


    Le pianiste Victor Schiøler


    Damien Guillon interprète Bach





 Oui !

Christian Thielemann dirige La Femme sans ombre
Vladimir Jurowski dirige Casse-Noisette
Christian Thielemann dirige Strauss
La haute-contre Reinoud Van Mechelen
Œuvres de Walton et Lambert
Caspar Richter dirige Korngold
Mariusz Smolij dirige Zádor
Zefiro interprète Bach
Le soprano Aleksandra Kurzak
Enregistrements (1949-1962) de Hans Rosbaud
Rééditions Alpha
Roderick Williams et Susie Allan interprètent Somervell
Kirill Kondrachine dirige Franck et Rimski-Korsakov
Mariss Jansons dirige Tchaïkovski
Marianne Piketty et l’ensemble Le Concert idéal
La violoniste Liya Petrova
Marie-Laure Garnier et Philippe Hattat interprètent Greif
L’Ensemble Philip Glass interprète Glass
Christian Chamorel interprète Mendelssohn



Pourquoi pas ?

Les Actes de ballet de Jean-Philippe Rameau
Ivan Repusic dirige Attila
Dominik Wörner interprète Bach
Mikko Franck dirige Franck
Une histoire de la musique finlandaise
Christiane Behn et Mathias Weber interprètent Mahler
Alessandro Tampieri interprète Vivaldi
Vladimir Jurowski dirige Tchaïkovski
Dmitri Liss dirige Tchaïkovski et Wagner
Une soirée parisienne en 1838
L’Ensemble Reflets
Dima Slobodeniouk dirige Prokofiev



Pas la peine

Gustavo Gimeno dirige Franck
Manfred Honeck dirige Tchaïkovski et Leshnoff
Enregistrements (1954 et 1973) de Leopold Stokowski




En bref


Arthur Somervell, un mélodiste anglais
Rosbaud le romantique
Il était une fois... la musique finlandaise
Alpha puise dans ses stocks (2)
Symphonie de Franck: avantage Kondrachine
Une Résurrection réduite
«L’Heure bleue» défie le temps
Le Paris romantique des pianistes
Le Prêtre roux en (relative) petite forme
Symphonies de Tchaïkovski en concert



Arthur Somervell, un mélodiste anglais





Arthur Somervell (1863-1937) fait partie de la première génération de compositeurs qui ont émergé en Angleterre après une éclipse musicale longue de plus d’un siècle. Comme pour Stanford et Parry, ses jeunes maîtres, le style de Somervell doit encore beaucoup à Brahms, en particulier, mais, grâce à cette génération montante, un vent nouveau se lève. Les mélodies de Somervell ont marqué son époque et c’est d’abord pour ses mélodies qu’il est encore célébré aujourd’hui. A la fois schubertien pour le thème poignant, parfois schumannesque pour la voix et souvent brahmsien pour le piano, Maud (1898), émouvant cycle de treize lieder extraits du long poème éponyme de Tennyson, révèle la puissance lyrique et dramatique du compositeur. Ajoutée à une maîtrise et à une musicalité partagées, la complicité entre le baryton Roderick Williams et la pianiste Susie Allan ne pouvait que bien le servir. C’est avec une pareille entente qu’ils abordent A Shropshire Lad (1904), second cycle au programme de leur récital, qui met en musique dix des soixante-trois poèmes que Housman avait réunis sous ce titre. Le ton lyrique et optimiste crée la distanciation nécessaire entre un protagoniste sans amertume déclarée et les désastres de la vie. Montage de quatre des six strophes d’Annabel Lee de Poe, charmant en mode majeur, chagrin en mode mineur, A Kingdom by the sea (1901) sépare les deux cycles, et la berceuse Shepherd’s Cradle Song (1890) clôt le récital sur une note d’espérance pénétrée de douceur. Malgré quelques graves un peu secs, les mélodies de Somervell respirent à la voix et sous les doigts de Williams et Allan, dont la prestation sensible et expressive mérite toute l’attention des férus de lieder (SOMMCD 0615). CL




Rosbaud le romantique


                    
          
          


On aurait tendance à cantonner Hans Rosbaud (1895-1962) à la défense de la musique de son temps, dont témoignent ses fonctions à la tête de l’Orchestre de la Südwestfunk (SWR) de Baden-Baden de 1948 à sa mort, et à ses Mozart aixois. Mais le répertoire du chef autrichien, immense, ne faisait nullement l’impasse sur la période romantique, comme cinq publications récentes de SWR Classic, tirées des bandes (hélas monophoniques) du Südwestfunk, viennent opportunément le rappeler.
Dans Beethoven, Rosbaud démontre un sens de la mesure qui se combine avec une détermination sans faille et un discours solidement charpenté, bien assis sur ses basses quoique sans épaisseur excessive. Moins subjectif que Furtwängler ou Knappertsbusch, moins élancé que Toscanini ou Szell, il montre sa prédilection pour un romantisme plus intériorisé et frémissant qu’échevelé: on n’espérera ou ne craindra pas de facilités avec lui, et c’est même plutôt une manière intimidante sinon austère qu’il impose dans une Troisième «Héroïque» (juin 1959), une Cinquième (juin 1961) et un «Orage» de la Sixième «Pastorale» (novembre 1957) que le dernier Klemperer n’aurait pas reniés. Même la «petite» Huitième (novembre 1956) aura rarement paru aussi monumentale et intimidante, option poussée encore plus loin dans une seconde version (juin 1961). Quant à la Septième (septembre 1962), elle tient moins d’une «apothéose de la danse» que de l’assurance tranquillement inébranlable d’une référence. S’il y a donc deux Huitième, il n’y a hélas ni Quatrième ni Neuvième, et les deux premières sont réalisées avec l’Orchestre de la Radio de l’Allemagne occidentale (WDR) de Cologne – une Première (février 1960) trop pataude mais une splendide Deuxième (avril 1959). Cinq ouvertures – Coriolan, Léonore III, Egmont, Fidelio, Le Roi Etienne (1957-1962) – sont à l’avenant, exactes, maîtrisées, stimulantes. Enfin, Rosbaud «accompagne» – avec un tel chef, rarement le terme aura paru si peu approprié – Géza Anda dans un Concerto «L’Empereur» (avril 1956) d’excellent aloi, tandis qu’il communie dans une même vigueur avec Ginette Neveu pour un Concerto pour violon (septembre 1949, en public) capté un mois seulement avant la tragique disparition de la violoniste française et donne avec le Trio de Trieste un Triple Concerto (février 1953) tout aussi solaire mais trop souvent imprécis (coffret de sept disques SWR19089CD).
Dans Schumann, Rosbaud apparaît presque plus classique que romantique, d’une parfaite clarté, sans brumes ni excès de folie, mais pas moins énergique et convaincant, même dans l’ouverture Jules César (décembre 1961), pourtant pas la plus inspirée du compositeur. Malheureusement, il faut se contenter de deux des quatre SymphoniesPremière «Le Printemps» (septembre 1960) et Quatrième (décembre 1961) – mais dans les trois concertos, les solistes – pas des moindres – sont à l’unisson avec le chef: la fougue et la musicalité d’Annie Fischer (février 1959), la finesse et l’engagement de Pierre Fournier (avril 1957, seul enregistrement public de cette série schumannienne) et l’art de Henryk Szering (mars 1957), qui parvient à intéresser dans cette partition bavarde et imparfaite (coffret de trois disques SWR19085CD).
Dans Brahms, s’il ne faut pas attendre particulièrement de rondeur, on n’est pas sevré pour autant de lyrisme, même de douceur: tout respire, mais non sans énergie. Ici aussi deux versions successives, pour les Première (septembre 1955 et juin-juillet 1960) et Troisième Symphonies (avril 1956 et septembre 1962): on ne s’en plaindra pas, car les plus tardives, certes plus lentes, sont plus véhémentes et poétiques à la fois, comme la Deuxième (décembre 1962), huit jours seulement avant son décès. Quant à la Quatrième (septembre 1958), d’un engagement dramatique assez inhabituel chez Rosbaud, elle constitue assurément une des très grandes versions de la discographie. Les deux Sérénades (décembre et janvier 1958), de caractère pourtant si différent, sont l’une comme l’autre de premier ordre. Seul enregistrement en concert, le Premier Concerto (janvier 1950) pâtit d’un Walter Gieseking en petite forme, alors que Géza Anda se révèle olympien dans le Second Concerto (avril 1958), ici aussi une version parfaitement équilibrée digne des plus grandes (coffret de six disques SWR19069CD).
Avec Tchaïkovski, la curiosité le dispute à la perplexité de voir le champion de la Seconde Ecole de Vienne aborder un compositeur dont Adorno avait ridiculisé avec une mauvaise foi gourmande le deuxième mouvement de la Cinquième Symphonie. Pourtant, dans la Quatrième (janvier 1957) et plus encore dans la Cinquième (septembre 1954), l’intransigeance et le mordant, mais aussi le lyrisme et la tension évoquent la patte d’un Markevitch (album de deux disques SWR19062CD).
Enfin, peut-être encore plus exotique et inattendu de la part de Rosbaud, un album rassemble les deux Concertos de Chopin avec deux pianistes nés à un mois d’intervalle en 1912 mais assez fortement opposés: Hans Richter-Haaser droit et tranchant dans le Premier (avril 1961), Nikita Magaloff avec sa souplesse coutumière dans le Second (octobre 1951), soutenus par le chef avec attention et même passion (SWR19076CD). SC




Il était une fois... la musique finlandaise





Une histoire de la musique finlandaise: le pronom indéfini au début du titre reflète l’approche de ce livre rédigé par Henri-Claude et Anja Fantapié, en collaboration avec Erkki et Pan Salmenhaara. Les auteurs retracent l’histoire de la musique de ce pays dans une approche plutôt personnelle, des traditions populaires jusqu’au tango et au jazz, voire des genres contemporains comme le rock ou le heavy metal. Sibelius constitue évidemment une figure majeure, mais cet ouvrage remarquablement documenté lui réserve en fin de compte une place relativement réduite. Les noms défilent, certains connus (Madetoja, Lindberg, Sallinen), la plupart peu, voire pas du tout, dans une laborieuse succession de fiches biographiques. Il s’agit sans doute du fruit d’un travail de longue haleine, probablement l’œuvre d’une vie pour Henri-Claude Fantapié, mais la lecture procure peu de plaisir, à cause d’une écriture trop factuelle, au style la plupart du temps banal, alternant entre rigueur et relâchement, en particulier sur la ponctuation, avec un usage fréquent de la première personne du singulier. Malgré la richesse de son contenu, ce livre peu stimulant n’imprègne guère la mémoire. Pour le grand public, un ouvrage plus ramassé conviendrait mieux, tandis que les spécialistes et les musicologues n’y trouveront peut-être pas tout à fait leur compte. Mais cette publication a le mérite de mieux faire connaitre la mythologie et l’influence du Kalevala, d’approcher quelques figures méconnues du dix-neuvième siècle et de citer une multitude de compositeurs dès la seconde moitié du vingtième siècle, jusqu’à provoquer le vertige. A noter également, une bibliographie critique de références en français, avec, pour chacune, un commentaire, parfois revanchard à l’encontre de Leibowitz, Goléa et Claude Samuel (L’Harmattan, 336 pages, 34 euros). SF




Alpha puise dans ses stocks (2)


                    
          
          


Nous avons précédemment fait référence aux rééditions opérées par l’éditeur Alpha qui, puisant dans ses fonds, nous permettent de redécouvrir certains fleurons enregistrés par l’éditeur dont voici de nouveau plusieurs exemples propres à illustrer, pour l’essentiel, la musique des XVIIe et XVIIIe siècles.
L’album consacré à Boesset (1587-1643), qui prend place dans les disques consacrés aux airs de cour étudiés par Vincent Dumestre (au même titre que ceux de Moulinié ou Guédron), est vraiment de ceux que l’on chérit depuis qu’il a été enregistré en novembre 2003. L’engagement des chanteurs (dès le Una Musica introductif, aux forts accents hispanisants) et des musiciens, notamment dans le virevoltant Ballet des Fous et des Estropiés de la cervelle (où le «Ballet des demy-fous» et le «Ballet des vaillans combattans», sic, donnent une furieuse envie de danser), est tout bonnement génial. Mais n’oublions pas non plus ces pages plus douces à l’image, par exemple, de ce «Je meurs sans mourir» chanté de manière exemplaire par Claire Lefilliâtre (Alpha 331).
Aucune déception non plus à l’écoute du disque Albinoni réalisé par l’Ensemble 415, sous la direction de Chiara Banchini, initialement édité en 2008 chez Zig-Zag Territoires. L’instrument de la violoniste italienne s’adapte aux moindres inflexions de ces Sinfonie a cinque de l’Opus 2: le Largo de la Sonate n° 2 (le passage de 2’06 à la fin, un bijou en soi), la retenue de l’Adagio de la Sonate n° 6 ou le canon de l’Allegro concluant la Sonate n° 5 (qui n’est pas sans évoquer le dernier mouvement du Troisième Brandebourgeois de Bach!)... Autant de mouvements qui témoignent de l’imagination dont faisait preuve ce compositeur, parfaitement rendue par un de nos ensembles baroques préférés (Alpha 486).
Passons rapidement sur le disque qu’Alexis Kossenko et ses Ambassadeurs ont consacré à diverses œuvres concertantes de Telemann et que nous avons déjà loué dans ces colonnes. La réécoute s’avère tout aussi enthousiasmante, à commencer par cette Ouverture en fa où les cors des frères Madeuf font une fois encore merveille (Alpha 499).
Belle découverte en revanche que ce disque consacré à Marin Marais par l’Ensemble Spirale, sous la direction artistique de Marianne Muller. Enregistrées en octobre 2005, les différentes œuvres présentées ici furent initialement publiées chez Zig-Zag Territoires; si les Folies d’Espagne souffrent peut-être de quelques raideurs par-ci par-là, elles témoignent néanmoins de l’engagement des cinq musiciens et de la popularité d’un thème (décliné ici en trente-deux variations!) qui, de Corelli à Salieri en passant par Vivaldi n’a cessé d’inspirer notamment les compositeurs italiens. L’essentiel du disque, ensuite, est occupé par la Suite en mi mineur, extraite du Second Livre de pièces de viole (1701). Les divers mouvements permettent ainsi à la viole de gambe d’user tantôt de sa rugosité (les accents de la «Sarabande espagnole»), tantôt de ses capacités dansantes (la «Gigue»), tantôt enfin de la plénitude de ses sonorités qui irradient le dernier mouvement, le «Tombeau pour M. de Sainte-Colombe» (Alpha 338).
Terminons ce deuxième paysage Alpha par le disque consacré à Marc-Antoine Charpentier qui, dirigé par Olivier Schneebeli, nous plonge dans la grandeur du Siècle de Louis XIV. Enregistrées au mois de juillet 2003 dans la Chapelle royale du Château de Versailles, les Vêpres pour Saint Louis bénéficient de toute la souplesse vocale des Pages et des Chantres du Centre de musique baroque de Versailles. L’écriture responsoriale entre les trois solistes (Robert Getchell, Hervé Lamy et Alain Buet) et le chœur offre des moments assez remarquables notamment dans un Dixit Dominus, fortement contrasté. L’alliance des seules trois voix masculines solistes (Euge serve bone) ou leurs interventions sous diverses formes permettent de susciter tour à tour l’intimité (le Fidelis Servus entre le haute-contre et la taille d’une part et les musiciens instrumentaux d’autre part) ou une solennité maîtrisée (le Laudate Pueri Dominum entre la basse et les Pages dans un premier temps) et méritent donc d’être rapidement redécouvertes (Alpha 493).
Rendez-vous au prochain numéro pour la suite! SGa




Symphonie de Franck: avantage Kondrachine


                    
          


La Symphonie en ré mineur de Franck, moment capital du renouveau du genre dans la France d’après 1870, a sans doute moins les faveurs du concert et du disque qu’il y a cinquante ans. D’où l’intérêt soulevé par deux versions récentes, en même temps, sans doute, que la déception qu’elles suscitent, à la mesure de la satisfaction que procure en revanche un enregistrement de concert d’il y a quarante ans.
Elément positif, on sent ces deux nouveautés animées de conjurer la lourdeur du succédané wagnéro-brucknérien, démarche dont Philippe Herreweghe, par exemple, a montré tout l’intérêt. Ainsi de Mikko Franck (né en 1979), très en souplesse, en nuances, en subtilité avec son bel Orchestre philharmonique de Radio France, mais finissant par trop perdre en force et en élan. L’album, plaisamment intitulé «Franck by Franck», vaut donc par son complément (de près d’une demi-heure): Ce qu’on entend sur la montagne, l’un des tout premiers poèmes symphoniques de l’histoire de la musique, contemporain de celui inspiré à Liszt, pour son premier essai dans le genre, par le même poème d’Hugo, est une œuvre puissante et mystérieuse, visionnaire et naïve à la fois, derrière laquelle il est bien souvent impossible de deviner le compositeur, qui ne l’a d’ailleurs sans doute jamais entendue (Alpha 561).
Après de nombreuses réussites, comme dans Bruckner, Mahler ou Chostakovitch, Gustavo Gimeno (né en 1976) et l’Orchestre philharmonique du Luxembourg, dont il est le directeur musical depuis 2015, passent à côté du sujet, par trop statiques, précautionneux et fades. Ce disque n’est en rien sauvé par Denis Kozhukhin, raide, peu poétique, sur son quant-à-soi dans les Variations symphoniques (Pentatone PTC 5186 771).
Avec Kirill Kondrachine (1914-1981), la précision du geste, la netteté des attaques et la sonorité somptueuse de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise se mettent au service d’une superbe interprétation, subtile et radieuse, puissante sans être massive. De la première partie de ce concert des 7 et 8 février 1980, l’album préfère à Martha Argerich dans le Premier Concerto de Tchaïkovski (déjà publié chez Decca) l’ouverture La Grande Pâque russe de Rimski-Korsakov, toute de tension, de clarté, de concentration et de maîtrise (BR-Klassik CD 900704). SC




Une Résurrection réduite





On doit à l’intérêt de la pianiste Christiane Behn pour son arrière-grand-oncle Hermann Behn (1859-1927) le tout premier enregistrement discographique de son arrangement pour deux pianos de la Deuxième Symphonie «Résurrection» de Mahler. Retrouvé récemment, cet arrangement a été réalisé en 1895, la même année que la création de l’œuvre, sans l’accord du compositeur. Pour autant, il se montra satisfait du travail de l’un de ses meilleurs amis, à la fois soutien financier et fin musicien qui avait étudié avec Bruckner et Rheinberger. Le présent enregistrement témoigne de la recréation de cette version en concert à Hambourg en novembre 2018. Las, le disque ne se situe pas à la hauteur des espérances, du fait d’une interprétation trop lente, qui privilégie la clarté et la rêverie sans nuages. C’est plus encore la soprano Daniela Bechly qui montre des difficultés dans l’aigu, peu acceptables à ce niveau. Dommage (Musicaphon M56915). FC




«L’Heure bleue» défie le temps





L’idée est à la mode: associer, voire enchaîner sans interruption des musiques que tout semble opposer, notamment l’époque de leur composition, autour d’un concept qui tente de relier ce qui, dans un autre contexte, ne serait qu’un assemblage incohérent ou de circonstance. Mais souvent, ce fil rouge apparaît cousu de fil blanc, et ça ne fonctionne donc pas. Dans «L’Heure bleue», en revanche, Marianne Piketty et son ensemble Le Concert idéal, enregistrés en l’abbaye de Noirlac, parviennent à créer une unité par-delà les siècles, dans une inspiration sinon religieuse, du moins spirituelle. On s’attachera moins en effet à l’évocation de «ce moment fugitif entre la fin de la nuit et le jour qui se lève, ce moment de silence, d’incertitude et de promesse où la vie suspendue s’enferme ou se transforme...» qu’à la solidité du programme et à l’atmosphère hors du temps, presque planante, qui prévaut durant cette heure – très exactement – de musique. De fait, le hiatus chronologique et esthétique n’est guère flagrant: arrangées pour cordes par Olivier Fourés, trois pièces vocales de Hildegard von Bingen sonnent comme du Pärt et les trois autres œuvres, datant des cent dernières années, peuvent donc s’y insérer sans heurt. C’est d’autant plus facile que Philippe Hersant s’inspire lui-même de l’abbesse du XIIe siècle dans Une vision d’Hildegarde (2019) – ainsi que Vaughan Williams l’avait fait avec Tallis – et, comme le sobre et poignant Concerto funèbre (1939) de Hartmann, cite le célèbre choral hussite Vous qui êtes les combattants de Dieu. Même les Deux Pièces (1925) pour octuor à cordes de Chostakovitch s’intègrent au paysage, que ce soit le néobaroque Prélude ou le cauchemardesque Scherzo, en écho au caractère dramatique du concerto de Hartmann. Un beau projet artistique, original mais pas extravagant, distillant une ambiance envoûtante (Evidence Classics EVCD068). SC




Le Paris romantique des pianistes





Dans le deuxième quart du XIXe siècle, le Paris des artistes se situe dans la «Nouvelle Athènes», autour de la place Saint-Georges. C’est sous ce nom et sous l’égide de cette prestigieuse histoire que se place une association, «Centre des pianos romantiques», fédérant «pianistes, clavecinistes, collectionneurs, restaurateurs, musicologues, mélomanes». Sous le titre «Dans un salon de la Nouvelle Athènes», elle publie un album, enregistré en public, reconstituant (avec de menus anachronismes) une soirée où les grands pianistes du moment – Chopin, Kalkbrenner, Liszt – interprètent leurs propres compositions ou celles de leurs confrères (Weber, Czerny, l’un des maîtres de Liszt) et paraphrasent les opéras à la mode, mais où l’on chante aussi une mélodie (avec clarinette) d’Adam et l’arrangement d’un air du Freischütz de Weber (en français, bien sûr). Laura Granero, Olga Pashchenko – dont on apprécie tout particulièrement les Liszt (transcription d’Auf dem Wasser zu singen de Schubert, «Funérailles») – et Edoardo Torbianelli tirent plus ou moins bien parti de l’Erard de 1838, et, pour les parties chantées, l’Ensemble Lélio, autour de la soprano Jeanne Mendoche et du pianiste Benjamin d’Anfray, ne manque pas de charme. Mention spéciale à la notice en français, anglais et breton – il est vrai que l’éditeur est trégorrois (Son an ero 14). SC




Le Prêtre roux en (relative) petite forme





Ce soixante-deuxième volume de la longue collection «Vivaldi Edition» ne nous aura pas enthousiasmé comme tant d’autres de ses prédécesseurs. Non pas que les artistes signant ce disque soient en deçà des attentes car le violoniste Alessandro Tampieri, premier violon de l’Accademia Bizantina depuis 2011, connaît son Vivaldi sur le bout des doigts (voir par exemple ici) et Ottavio Dantone, ainsi que son orchestre, n’ont plus à prouver leurs affinités avec le compositeur vénitien. Mais la vérité est que les six concertos présentés n’ont pas forcément le même attrait que d’autres: peut-on vraiment le reprocher à un génie qui a composé plus de 250 concertos pour violon seul (on ne compte pas les concertos pour deux, trois ou quatre violons, ainsi que ceux associant le violon à un ou plusieurs autres instruments)? Pourtant, on pourrait estimer que ce sont des œuvres où la puissance évocatrice du compositeur exploserait puisque, et c’est là quelque chose d’on ne peut plus émouvant, les Concertos RV 273, RV 367 et RV 390 joués ici font partie des concertos vendus au comte de Collalto (héritier d’une riche famille vénitienne établie à Vienne) à la fin du mois de juin 1741 (Antonio Vivaldi, Sylvie Mamy, Fayard, p. 750). Cette vente a donné lieu à un reçu de la main même de Vivaldi, dernier témoignage vivant du compositeur qui devait décéder un mois plus tard dans la capitale autrichienne. Les sonorités vivaldiennes sont ici reconnaissables entre toutes (l’Andante molto e quasi allegro du Concerto RV 257) et l’on admire une fois de plus la simplicité du trait qui contraste avec la puissance de l’évocation (écoutez l’Andante ma poco du Concerto RV 367) ou la virtuosité requise de la part du soliste (le premier mouvement du RV 371). Le dialogue entre Tampieri et l’orchestre est d’un naturel confondant mais cela manque parfois d’imagination à l’image d’un Concerto RV 389 bien sage. Heureusement, certains concertos nous semblent plus investis à l’image du RV 273, où domine l’Allegro con molto grâce aux contrastes entre les graves de l’orchestre et la finesse des aigus du violon solo. Un rien plus connu que les autres, le Concerto RV 390 qui conclut le disque est également de belle facture mais écoutez, par comparaison, l’interprétation qu’a pu en donner Fabio Biondi, où la pulsation de l’orchestre dans le premier mouvement vous emporte davantage et où le soliste embrase une partition dont le mouvement lent résonne comme un véritable adieu de la part d’un génie disparu dans la misère et l’indifférence en cette fin du mois de juillet 1741 (Naïve OP 7078). SGa




Symphonies de Tchaïkovski en concert


                    
          
          


Plusieurs nouveautés ou rééditions mettent en vedette des symphonies de Tchaïkovski: jusque-là rien de très original, sinon qu’il s’agit de témoignages de concerts plus ou moins récents.
Après des Quatrième et Cinquième inégalement réussies, Vladimir Jurowski tire un assez bon parti des malaimées Deuxième «Petite-Russienne» et Troisième «Polonaise», captées respectivement en décembre et mars 2016 et extraites d’une intégrale parue en 2017, conjurant académisme, lourdeurs et maladresses par une direction efficace, animée, parfois même électrique et truculente, mais plus à son avantage dans la Deuxième que dans la Troisième. Le chef russe trouve du répondant de la part d’un excellent Orchestre philharmonique de Londres, dont il est le principal conductor et conseiller artistique depuis 2007 (London Philharmonic Orchestra LPO-0109).
Comme dans la Cinquième Symphonie dix ans plus tôt, Manfred Honeck déçoit dans la Quatrième, captée en public en mai 2016, en raison de récurrentes inflexions incongrues, pour ne pas dire ridicules, dans le phrasé et les nuances dynamiques. Son Orchestre symphonique de Pittsburgh demeure toutefois de premier ordre, avec des cuivres très américains. Ce SACD superbement enregistré est complété par un concerto pour clarinette et basson, non pas le Duett-Concertino de Strauss mais une création de Jonathan Leshnoff (né en 1973), de tempérament lyrique et optimiste, aussi agréable qu’inoffensive, mettant en valeur les premiers pupitres de l’orchestre, Michael Rusinek et Nancy Goeres (Reference Recordings FR-738SACD).
Dans cette même Quatrième, et également en public (en décembre 2017), même si la Philharmonie du Sud des Pays-Bas (Limbourg et Brabant-Septentrional) se montre plus fruste et moins spectaculaire, il y a bien davantage d’authenticité dans la direction de Dmitri Liss. Tout à fait honnête, le complément – Prélude et Mort d’Isolde de Wagner – étonne par son choix, mais après tout, Tchaïkovski revenait de Bayreuth quand il a commencé à écrire cette symphonie (Fuga Libera FUG 754).
La réédition de la Cinquième Symphonie donnée en concert le 9 octobre 2009 par l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise et son directeur musical, Mariss Jansons, mérite d’être saluée: le chef letton s’est fait très tôt une réputation de ce Tchaïkovski clair, cursif, fuyant le pathos mais dépourvu de sécheresse, d’autant la somptueuse phalange munichoise brille de tous ses feux (BR-Klassik 900105).
La Cinquième était l’un des chevaux de bataille de Leopold Stokowski mais on pourra se dispenser de cette version captée en répétition et en concert le 19 août 1973 au Royal Albert Hall avec un International Festival Youth Orchestra rassemblant des musiciens originaires de dix pays. Non pas que le chef anglais, alors âgé de 91 ans, manque d’enthousiasme ou de personnalité – très libre, comme à son habitude, avec la partition – mais le son est assez médiocre et la mise en place imparfaite. En complément, dans une qualité sonore à peine moins bonne, les extraits d’un concert donné en studio le 5 mai 1954 avec l’Orchestre symphonique de la BBC se révèlent finalement plus intéressants, même si sur les cinq œuvres au programme, l’incontournable collectionneur Richard Itter n’en a enregistré que trois: la Première Rhapsodie roumaine d’Enesco, mordante et pittoresque à souhait, le Concerto pour colorature de Glière (avec Ilse Hollweg) et une page de jeunesse de Malcolm Arnold, l’ouverture de comédie Beckus le chenapan, où l’on reconnaît déjà bien sa manère à la fois brillante et ironique (Cameo Classics CC 9107) SC




ConcertoNet a également reçu




Ensemble Reflets: Liszt & L. Boulanger
Le soprano Magali Léger, le flûtiste Thierry Durand, l’altiste Françoise Douchet et la pianiste Marie-Laure Boulanger, associés à la violoncelliste Clara Strauss, convoquent, sous le titre assez commode de «Visions poétiques» et sous le couvert d’«une vision esthétique commune empreinte de nostalgie, de lyrisme et d’une exaltation profonde», deux compositeurs qu’on ne rapproche pas spontanément: des arrangements des trois Sonnets de Pétrarque, Romance oubliée et «Bénédiction de Dieu dans la solitude», d’un côté; les deux diptyques D’un vieux jardin/D’un jardin clair et D’un matin de printemps/D’un soir triste, Pièce en fa dièse et Nocturne, de l’autre. On préférera néanmoins à la première partie, où le chant montre ses limites et l’inspiration n’est pas toujours au rendez-vous, notamment dans la vaste «Bénédiction», le raffinement et les couleurs de la seconde partie, dont il est tentant de penser qu’elle a été enregistrée en marge d’un concert de juin 2010 (Calliope CAL2078). SC


Liya Petrova: autour de Beethoven
Après un programme concertant associant Nielsen et Prokofiev, la violoniste bulgare (née en 1990) offre un récital où le très attendu en cette année 2020 – les Septième et Huitième Sonates de Beethoven – encadre deux rares œuvres de jeunesse – la composite Suite (1935) de Britten et le brahmsien final Allegro agitato (retrouvé en 2006) d’une sonate (1928) perdue de Barber. Parfaitement en phase avec le pianiste germano-russe Boris Kusnezow (né en 1985), elle s’approprie sans peine ces pages de styles pourtant très divers, avec une technique, une attention à la sonorité et une pertinence interprétative jamais prises en défaut. Un album très convaincant dans son programme comme dans sa réalisation artistique (Mirare MIR504). SC


Marie-Laure Garnier: Greif
Originellement conçus pour Jessye Norman mais achevés seulement seize ans plus tard, Les Chants de l’Ame (1979-1995) est un cycle de neuf mélodies, in memoriam Benjamin Britten, sur des poèmes anglais (du XVIIe, à l’exception de Blake). Comme souvent chez Greif, qui voyait dans ces pièces un «hommage – plus ou moins confidentiel – au Christ, du moins placé[e]s sous le patronage de sa figure tutélaire», l’œuvre assume une forte dimension métaphysique et spirituelle. Par sa durée (près de trois quarts d’heure), son austère beauté, sa puissance, ses grands écarts entre méditation et véhémence, elle évoque la Suite sur des poèmes de Michel-Ange de Chostakovitch: le soprano et le pianiste se montrent à la hauteur de ses exigences musicales et émotionnelles. Egalement en public au festival estival de Deauville 2019, et sur des textes du fondateur de la manifestation, Yves Petit de Voize, le duo Les Trottoirs de Paris (1996), avec Clémentine Decouture et Paco Garcia, révèle une face plus légère mais aussi plus sarcastique, où Poulenc croiserait Schnittke, et D’une douleur muette (2001), avec le violoncelle de Yan Levionnois, est le cri de Thierry Escaich sous le coup de la disparition soudaine et précoce du compositeur. Une contribution capitale à une discographie pas si abondante que cela, avec une notice de qualité se dépliant comme un poster pour révéler une photo de Charles d’Aspermont (B Records LBM 024). SC


Music in Eight Parts de Glass
Créée en 1970, la partition a presque immédiatement disparu pour ne refaire surface qu’en 2017 dans une vente chez Christie’s – un destin qui n’est donc pas réservé qu’aux compositeurs des siècles antérieurs... Alex Gray, collaborateur de l’éditeur de Glass, l’a presque immédiatement réalisée pour une formation correspondant à celle de l’Ensemble Philip Glass de Michael Riesman (voix, saxophones et claviers). Les musiciens devaient ainsi la recréer en Europe au printemps 2020, mais à peine sortie de son confinement quasi cinquantenaire l’œuvre, elle aussi victime indirecte de l’épidémie, s’est retrouvée confinée. Ils ont donc décidé d’en réaliser, chacun chez soi, le premier enregistrement, non pas au disque mais en téléchargement: 21 minutes où le créateur d’Einstein on the Beach est immédiatement reconnaissable, en plein cœur de sa période minimaliste, faisant de la voix une ligne instrumentale parmi les autres et suscitant comme toujours l’hypnose par ses courtes phrases répétées, quoique légèrement modifiées et enrichies, pour évoluer insensiblement derrière une apparence statique (Orange Mountain Music). SC


Christian Chamorel: Mendelssohn
Après Liszt, Schumann et Mozart, le pianiste suisse (né en 1979) propose un florilège mendelssohnien très varié et plutôt original: le Rondo capriccioso, la Fantaisie («Sonate écossaise»), trois des six Préludes et Fugues de l’Opus 35, les trois Etudes de l’Opus 104 et, bien sûr, six Romances sans paroles (pas des plus connues). Difficile de trouver le ton juste dans ce romantisme tempéré par la culture baroque et classique, dans l’ombre de celle des géants de la même génération (Chopin, Schumann, Liszt): l’ album n’en est que plus remarquable, grâce à un instrument richement coloré, une sonorité séduisante, un toucher d’une grande variété, une virtuosité aussi indéniable que peu démonstrative et une expression châtiée mais sans tiédeur. Un beau plaidoyer pour une musique injustement négligée (Calliope CAL2077). SC


Dima Slobodeniouk: Prokofiev
La Suite tirée par le compositeur de son opéra Le Joueur d’après Dostoïevski créé en 1929 se compose de quatre portraits et d’un dénouement qui sont des pièces orchestrales assez mièvres. Elles manquent de caractère et surtout de forme. Qui ne connaîtrait pas cet excellent ouvrage ne serait probablement pas tenté d’aller plus loin. Esquisse automnale est une œuvre de jeunesse beaucoup plus séduisante, influencée par Rachmaninov certes, mais qui porte dans ses thèmes et son orchestration la promesse du grand symphoniste que sera Prokofiev. La Suite tirée du ballet Le Conte de la fleur de pierre a des moments dramatiques et fait appel à des thèmes du folklore mais hormis la partie tzigane («Fantaisie gitane»), l’ensemble paraît assez plat. Le chef russe et son Orchestre symphonique de Lahti tirent le meilleur de ces pièces orchestrales mais ne rendent pas leur rassemblement très attractif (Bis BIS-2301). OB

La rédaction de ConcertoNet

 

 

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