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Entretien avec Matthias Naske
11/16/2018

Vienne, les institutions musicales et leurs directeurs: le Konzerthaus et Matthias Naske


Le Wiener Konzerthaus : une dimension sociale


Cette série d’entretiens permettra au lecteur de mieux saisir, à travers le regard de leurs directeurs, ce qui fait la singularité des grandes institutions musicales viennoises.
Après Dominique Meyer et le Staatsoper, Matthias Naske explique ici l’aspiration sociale qu’il poursuit en élargissant la portée des concerts qu’il organise.



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M. Naske, D. Finker (© Dimitri Finker)


Dans la pénombre du concert, une silhouette familière surplombe les rangs de la grande salle du Konzerthaus; l’élégance convenue de l’administrateur – costume gris, chemise claire et cravate immanquablement écarlate – se combine avec la carrure sportive du randonneur autrichien. La présence consciencieuse de Matthias Naske dépasse cependant le pur intérêt musical: l’intendant du Konzerthaus est en fait à l’affût, tâchant de jauger la réception de l’auditoire et d’en lire ses attentes inconscientes. Avec quatre salles et plus de six cents représentations par saison, c’est toute son équipe qui se répartit chaque soir dans le bâtiment, puis se retrouve de manière hebdomadaire pour partager les observations et ajuster en conséquence la programmation des années à venir.


L’institution musicale part de loin. En bon gestionnaire, Matthias Naske rappelle la situation de faillite en 2013 («nous avions une capitalisation négative», précise-t-il) et énumère avec le systématisme d’un consultant les choix théoriques qui s’offraient pour y faire face: vente des bâtiments (un point de vue purement abstrait, inconcevable pratiquement, rassure-t-il); refinancement public (l’éternel serpent de mer des contributions publiques); réduction des coûts (une solution insatisfaisante et incomplète). C’est la disposition au contenu artistique et social le plus riche qui retient son attention: augmenter la fréquentation et la part de la billetterie dans les recettes. Cela implique donc de mieux comprendre et anticiper le goût des spectateurs. Une initiative couronnée de succès, confie Naske avec une pointe de fierté: une fréquentation en hausse de 25%, une billetterie couvrant près de 55% des recettes, un des quotas les plus élevés en Europe.


L’éclectisme du programme destiné à un très large public rend l’affaire ardue: musique de chambre, symphonique, couvrant de la Renaissance au contemporain, jazz, musiques traditionnelles, parfois pop. Une diversité stylistique, insiste mon interlocuteur, qui a toujours été ancrée dans l’esprit autrichien.


Le commandement du Konzerthaus pourrait se résumer de la manière suivante: servir avec le plus haut degré d’excellence toute la musique que le public désire. Cette ambition populaire ne se souffre pas de compromission avec le mercantilisme: il s’agit plutôt de remplir la mission sociale de l’art, un thème cher a Matthias Naske. Car derrière l’administrateur, capable de s’extasier sur les miracles des normes ISO, on retrouve un intellectuel fidèle aux idéaux moraux et passionné par les mécanismes théoriques qui régissent la communication de l’artiste avec les auditeurs: «Cela semble abstrait, mais c’est aussi plus intéressant de cette manière. Si on parle des actions pratiques, c’est beaucoup moins riche» s’excuse-t-il, alors que je cherche à comprendre les secrets des coulisses.


La quête de l’auditeur est un puissant aiguillon d’innovation: toujours à la recherche de nouvelles idées, Matthias Naske n’hésite pas à adapter des initiatives existantes. «Fridays@7», inspiré par Cleveland, propose un programme plus court à l’heure de l’after-work, qui se conclut autour du bar dans le hall du Konzerthaus afin renforcer le lien avec l’auditeur; «Mitten-im-Klang», une proposition de Berlin, dissémine les musiciens parmi les auditeurs pour créer une expérience acoustique spécifique; plus récemment, une série de projets délocalisant les concerts hors des murs du KH, vers les quartiers périphériques de la capitale, vise à atteindre un nouvel auditoire.


Dimitri Finker

 

 

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