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CD, DVD et livres: l’actualité de septembre
09/15/2017



Les chroniques du mois



Must de ConcertoNet


    Sviatoslav Richter à Locarno (1966)


    Musique de chambre de Chostakovitch




 Sélectionnés par la rédaction


    Le Trio Hyperion


    Michael Korstick interprète Ginastera


    Le pianiste Shura Cherkassky


    La Bayadère de Kálmán


    Le Quatuor Novus


  Emil Gilels


    Sviatoslav Richter


    Patrick Messina interprète Schumann


    Le Quatuor Diotima


    Orphée et Eurydice de Krenek


    Edward Gardner dirige Elgar


    Le Bal de l’Opéra de Heuberger





 Oui !

Six poèmes symphoniques britanniques
Carl Schuricht à Lucerne (1961-1962)
Ayana Tsuji interprète Bériot
Nicolás Pasquet dirige Lajtha
La violoncelliste Ophélie Gaillard
Ravel à L’Avant-Scène Opéra
Mikko Franck dirige Ravel et Debussy
Trios avec piano de Mendelssohn
Francesco Molinari-Pradelli dirige Don Giovanni
Kazuki Yamada dirige Falla



Pourquoi pas ?

Julien Hervé interprète Schumann et Brahms
Hans Knappertsbusch à Cologne (1962-1963)
Stéphane Denève dirige Ravel
Werner Ehrhardt dirige L’Ecole des jaloux de Salieri
Amour tzigane de Lehár
Georg Solti dirige Don Giovanni
Maria Lettberg interprète Levina
Richard Hickox dirige Elgar
Armida de Rossini à Gand (2015)



Pas la peine

Leonard Slatkin dirige Ravel





En bref


Le violoncelle en exil d’Ophélie Gaillard
Carton rouge pour Armida de Rossini à Gand
Le beau programme Falla de Yamada
Levina, la renaissance d’une grande mélodiste
La renaissance Salieri se poursuit
Un Enfant gâté
Retour d’Amour tzigane de Lehár
Elgar: «Le Legs Hickox» s’enrichit encore
Don Giovanni 1954, 1960, 2016
Julia Fischer de retour... dans une réédition




Le violoncelle en exil d’Ophélie Gaillard





Le violoniste Daniel Hope s’était intéressé voilà deux ans aux compositeurs exilés à Hollywood: c’est au tour cette fois d’ Ophélie Gaillard de s’illustrer dans un beau programme consacré aux musiques d’inspiration juive composées par des exilés. Une place très importante est faite au compositeur suisse Ernest Bloch (1880-1959), installé aux Etats-Unis dès 1916 avant d’obtenir la nationalité américaine huit ans plus tard. On retrouve son œuvre la plus connue, sa rhapsodie pour violoncelle et orchestre Schelomo (1916) avec l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo dirigé par James Judd, ainsi que ses trois pièces pour violoncelle et piano De la vie juive (1924), où le piano est remplacé ici par la clarinette, le cymbalum et contrebasse. Ophélie Gaillard fait valoir son goût pour des textures claires, en des phrasés très articulés et détaillés où son instrument est clairement avantagé dans la prise de son, et ce au détriment de ses partenaires du Sirba Octet. L’accompagnement reste un rien trop policé et classique, là où ces œuvres mériteraient davantage de couleurs et d’extraversion: mais quelle éloquence au violoncelle! On passera en revanche sur le bref et peu inspiré Concerto pour violoncelle (1946) de Korngold, tiré de la musique du film Déception avec Bette Davis, pour se concentrer sur l’insolite Ouverture sur des thèmes juifs de Prokofiev, là aussi à l’interprétation très détaillée mais plus spontanée dans l’accompagnement et la fusion des timbres. Le disque se conclut avec des pièces délicieuses et plus légères du folklore juif où Ophélie Gaillard se montre à son aise. On se félicitera enfin – une constante chez Aparté – de la qualité iconographique du livret, ainsi que des quatre copieuses notes de programme dévolues à Ophélie Gaillard, Pierre Birnbaum, Alain Poirier et Jean-Baptiste Urbain (AP142). FC




Carton rouge pour Armida de Rossini à Gand





Composé pour Naples en 1817 à l’apogée de sa production lyrique, Armida de Rossini d’après Le Tasse, est rarement représenté. Cette production de l’Opéra des Flandres, dirigée en novembre 2015 à Gand par le regretté Alberto Zedda, ridiculise malheureusement l’œuvre en raison de la mise en scène de Mariame Clément. C’est d’autant plus dommage que la distribution, loin d’être parfaite, est tout à fait acceptable s’agissant d’une œuvre ayant peu de concurrence vidéographique (Renée Fleming au Metropolitan Opera). Les six ténors requis sont solides: certains ont des voix peu séduisantes comme Robert McPherson et Dario Schmunk, mais c’est surtout avec des moyens considérables l’Italien Enea Scala dans le rôle de Rinaldo qui est le plus séduisant et convaincant. Le rôle-titre, créé par Isabella Colbran, est écrasant. Maria Callas le ressuscita à Florence en 1952, performance restée sans lendemain. Carmen Romeu, qui a chanté le rôle à Pesaro en 2014, en a les moyens mais manque de personnalité vocale. Le Chœur de l’Opéra des Flandres donne une grande crédibilité par ses interventions à la foule des croisés. Hélas, transformer ces malheureux croisés en une équipe de football, en jouant pour le personnage de Rinaldo sur la quasi-homophonie avec Ronaldo, tomber dans l’inévitable transposition dans le conflit moyen-oriental contemporain avec treillis et kalachnikovs, relève de la gaminerie. On ne s’étonne pas que des metteurs en scène n’en aient pas encore fait le tour, mais plutôt que des directeurs de maisons d’opéra, ici pas des moindres, acceptent encore ces options sur leurs scène. Il est probable que tant que le public continuera de vouloir voir au théâtre ce qu’il voit à la télévision, les choses ne bougeront pas. Dommage pour Armida, présentée dans l’édition révisée de la Fondation Rossini de Pesaro et sous la direction experte de son directeur, Alberto Zedda, qui méritait un meilleur sort (Dynamic Blu-ray DYN 57763 ou DVD DYN 37763). OB




Le beau programme Falla de Yamada





A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande dont il est le principal chef invité, Kazuki Yamada présente un programme monographique consacré à Manuel de Falla (1876-1946) qui comprend deux œuvres majeures, Nuits dans les jardins d’Espagne (1909-1916) et Le Tricorne (1917-1919), suivies de courts extraits de La Vie brève (1904-1913), «Interlude» et «Danse», et de L’Amour sorcier (1915-1925), l’incontournable «Danse du feu» L’approche de Yamada n’a rien de l’exubérance extravertie de certaines interprétations. Avec beaucoup de finesse, il se concentre sur les couleurs instrumentales et le détail orchestral et il révèle la grande richesse de ces pages au-delà de leurs magnifiques sonorités andalouses. Les Nuits ne perdent rien de leur parfum et de leur chaleureux velours nocturne et en gagnent peut-être une mystérieuse poésie chatoyante. Mari Kodama, au diapason, relève le défi de sa partie avec un raffinement vital. Avec la discrète participation de Sophie Harmsen, mezzo-soprano plus lisse qu’une cantaora, Yamada propose le ballet Le Tricorne tel qu’il a été conçu pour Diaghilev, et non les Suites plus souvent élues. L’orchestre souligne les multiples incidents cocasses de l’intrigue mais avec une finesse de trait qui en atténue le burlesque truculent. La verve avec laquelle ils attaquent certains traits et une «Danse finale» plus franchement enlevée annoncent cependant le langage plus dru des Tréteaux de Maître Pierre. L’intensité symphonique de leur interprétation de l’«Interlude» capte tout le drame poignant de l’opéra La Vie brève malgré le charme rythmé et léger de la «Danse» qui à l’origine le précède. Légèrement plus lente et peut-être plus lourdement accentuée qu’à l’ordinaire, l’ensorcelante «Danse du feu» vient en conclusion. C’est un beau programme bien mené qui ajoute une nouvelle facette à la discographie concernant ces pièces (SACD Pentatone PTC5186598). CL




Levina, la renaissance d’une grande mélodiste





La présente parution consacrée à la Russe Zara Levina (1906-1976), élève de Glière et Miaskovski, permet de combler une lacune: aucun disque compact n’était jusqu’à présent disponible la concernant, hormis l’ancien enregistrement de Veronika Dudarova (Russian Disc, 1994). Cette nouveauté réunit opportunément ses deux Concertos pour piano, composés à des époques bien distinctes de sa vie: le premier pendant la guerre en 1942 et l’autre à la toute fin de sa vie. Les premières notes du Premier Concerto laissent tout de suite percevoir l’influence de Rachmaninov dans l’affirmation d’un puissant lyrisme aux cordes tout autant que l’expression harmonieuse de la mélodie. Les climats plus dramatiques, d’un fort caractère dans les ruptures, évoquent davantage la modernité de Prokofiev, tandis que la sensibilité du mouvement lent, aux accents délicats d’un nocturne épuré, nous tourne vers Ravel. Si la Russe sait aussi faire preuve d’humour dans ce concerto de grande ampleur, elle surprend plus encore dans son dernier et bref concerto, plus sombre et mystérieux, à l’atmosphère étrange et fascinante. Parfaitement épaulé par la chef française Ariane Matiakh et un superlatif Orchestre symphonique de la Radio de Berlin, le piano fluide et harmonieux de Maria Lettberg, spécialiste de Scriabine, rend justice à ses œuvres immédiatement accessibles. Seul regret: on aurait aimé un disque au minutage un peu plus long (Capriccio C5269). FC




La renaissance Salieri se poursuit




Entamée depuis plusieurs années, la redécouverte des quelques quarante opéras d’Antonio Salieri (1750-1825) se poursuit cette année avec la première mondiale au disque du dramma giocoso L’Ecole des jaloux (La scuola de’ gelosi), exhumé par Werner Ehrhardt et son ensemble L’Arte del Mondo. Disons-le tout net: si la direction vive et tranchante de l’ancien premier violon du Concerto Köln (1985-2005) convient parfaitement à la comédie charmante de Salieri, l’orchestre manque quant à lui de couleurs pour varier les atmosphères et donner davantage qu’un simple soutien orchestral. Le choix d’une version intermédiaire entre celle de la création vénitienne en 1778 et la reprise viennoise de 1783 pose également question en termes de véracité historique, même si l’on peut arguer que les représentations d’alors ne se gênaient pas pour inclure telle ou telle modification de circonstance (Haydn lui-même composera deux airs pour cet opéra, lors des reprises londoniennes des années 1790). C’est d’autant plus regrettable que cette Ecole des jaloux, révisée par Da Ponte en 1783, annonce clairement le Così fan tutte composé sept ans plus tard par Mozart avec le même librettiste. Le plateau vocal se montre quant à lui appréciable sans être inoubliable, dominé par les beaux phrasés de Milena Storti (Carlotta) ou l’interprétation de caractère de Roberta Mameli (Ernestina). On oubliera en revanche le vibrato pénible de Patrick Vogel (Tenente), sans parler des récitatifs nombreux, pour se concentrer sur l’un des plus beaux airs de la partition, dévolu à la basse Federico Sacchi (Blasio) à la scène 7 de l’acte II. Si le tout apparaît un peu longuet à l’écoute (pas moins de 2 heures et demie de musique), gageons que ce type d’ouvrage gagne à être découvert avec les atours du spectacle vivant (coffret de trois disques Deutsche Harmonia Mundi 88985332282). FC




Un Enfant gâté


                  


          


L’Enfant et les Sortilèges (1925) bénéficie coup sur coup non seulement d’une nouvelle édition du numéro que lui avait consacré L’Avant-scène Opéra mais aussi de trois enregistrements nouveaux.
La revue lyrique francophone de référence associe à la «fantaisie lyrique» sur un livret de Colette l’autre contribution de Ravel à l’univers de l’opéra, la «comédie musicale» L’Heure espagnole: fidèle à ses habitudes, elle propose, pour chacun de ces deux opéras, le livret intégral, un guide d’écoute et plusieurs articles éclairant les œuvres, leurs auteurs, leur contexte et leur carrière. De la belle ouvrage, comme toujours, qui inclut une vidéographie – brève, puisque seules deux parutions sont disponibles sur le marché – et une discographie, par construction, plus développée: seize versions de 1947 à 2016, dont les trois nouvelles présentées ci-après (n° 299, 128 pages, 28 euros).
Bien décevant dans les précédents volumes de sa série ravélienne avec l’Orchestre national de Lyon dont il fut le directeur musical de septembre 2011 à juin dernier (voir ici), Leonard Slatkin ne réussit pas mieux ici. Comme c’est souvent le cas, l’impression positive ressentie lors du concert (voir ici) est malheureusement démentie à l’écoute du disque: la direction manque de caractère et lâche la bride à d’excellents chanteurs français qu’on a connus plus élégants et même, pour certains d’entre eux, techniquement plus au point. En complément, la version intégrale de Ma mère l’Oye est indéniablement propre, mais bien plus fade et lisse que poétique (Naxos 8.660336).
Stéphane Denève poursuit lui aussi une série consacrée à Ravel (voir précédemment ici), dont c’est ici le cinquième volume. A la tête de feu l’Orchestre radio-symphonique de la SWR de Stuttgart (hélas fusionné depuis avec celui de Baden-Baden et Fribourg), le chef français démontre ses affinités avec cette musique, qu’il dirige toutefois avec davantage d’esprit et finesse que de sensibilité. La distribution, où l’on retrouve trois des chanteurs de l’enregistrement lyonnais, se révèle globalement meilleure, tant techniquement que stylistiquement, avec notamment un bel Enfant (Camille Poul), mais ne parvient pas à dissimuler certaines faiblesses. Comme Slatkin, Denève choisit assez logiquement de compléter avec Ma mère l’Oye, mais, ayant précédemment déjà enregistré le ballet intégral, cette fois-ci dans sa version courte, c’est-à-dire l’orchestration des cinq «pièces enfantines» originales pour piano à quatre mains: très belle réalisation, jamais prise en défaut de délicatesse (SWR Music SWR19033CD).
On progresse encore d’un cran avec la dernière parution en date, au point qu’on tient sans doute en elle la référence de ces vingt ou trente dernières années – si l’on remonte dans le temps, Bour, Ansermet et Maazel ont placé la barre très haut. Enregistré en public (voir ici), l’Orchestre philharmonique de Radio France brille de mille feux sous la baguette de son directeur musical, Mikko Franck, à la fois analytique, précis et riche, tour à tour soyeux et tendre, menaçant voire effrayant, tout en exaltant la modernité de la partition. Ecrin somptueux pour un plateau homogène et de haut niveau, où l’on retrouve certains chanteurs des deux précédents enregistrements, dominé par l’Enfant merveilleusement ravélien de Chloé Briot, mais il faut mentionner les interventions à la fois succulentes et abouties de Sabine Devieilhe, Nathalie Stutzmann, François Piolino, Nicolas Courjal, Jean-François Lapointe, Julie Pasturaud et Jodie Devos. A cet Enfant répond L’Enfant prodigue (1884), «scène lyrique» qui valut à Debussy le prix de Rome et à laquelle Karina Gauvin, Roberto Alagna et Jean-François Lapointe apportent une luxueuse contribution. Pour conclure, c’est une véritable curiosité debussyste (enregistrée deux mois plus tôt en studio), à savoir l’orchestration par Colin Matthews (2009) du finale d’une Symphonie en si mineur (1881) dédiée à la protectrice de Tchaïkovski, Mme von Meck: ce seul mouvement retrouvé (et encore, dans sa seule réduction pour piano à quatre mains) présente cependant un intérêt beaucoup plus documentaire que musical (album de deux disques Erato 019295896928). SC




Retour d’Amour tzigane de Lehár




Créé à Vienne en 1910, soit cinq ans après La Veuve Joyeuse, Amour tzigane (Zigeunerliebe) fut pour Franz Lehár l’occasion d’expérimenter un nouveau mode, exploitant le folklore hongrois et les légendes d’Europe centrale. Le film réalisé pour la télévision en 1974 pour Unitel fait partie d’une série aujourd’hui largement rééditée sur DVD. Parfaitement filmé en extérieur dans de superbes paysages par Václav Kaslík, c’est une belle réussite avec sa distribution impeccable. C’est la seule version vidéo disponible à ce jour. Avec cette histoire de mariage de la jeune fille d’un boyard roumain contrarié par la rencontre avec un gitan au matin de ses fiançailles, Lehár n’a pas lésiné sur l’utilisation de l’instrumentation hongroise, les cymbalums, le violon tzigane, les csárdás et autres danses traditionnelles. Tout cela fleure bon le paprika autant par son intrigue invraisemblable et onirique que par sa musique irrésistible et entraînante. La réalisation de Václav Kaslík ne lésine sur aucun détail folklorique, sans surcharge, dans un bon goût que rehaussent les superbes costumes d’Irms Pauli. Le playback est plutôt mieux réglé qu’habituellement dans ce genre de réalisation et l’adaptation pour la télévision de Bernard Thieme, qui enchaîne les trois actes sans interruption, ne trahit en rien, à quelques minimes coupures près, la version théâtrale, donnant une belle réalité pour le deuxième acte au rêve de Zorika, l’héroïne de cette farce. La distribution est parfaite, avec Janet Perry aussi crédible en jeune fiancée qu’en prétendue tzigane, Colette Lorand impayable en tenancière parvenue au rang de châtelaine, Heinz Friedrich comique Dragotin, Adolf Dallapozza en fiancé éconduit et surtout le méchant gitan Jószi incarné par Ion Buzea. Tous chantent parfaitement dans le pur style viennois et l’Orchestre de la Radio de Munich et le Chœur de la Radio bavaroise dirigés par Heinz Wallberg ont un irrésistible parfum austro-hongrois (DVD Arthaus Musik 109310). OB




Elgar: «Le Legs Hickox» s’enrichit encore





En hommage à Richard Hickox (1948-2008), disparu prématurément, Chandos réédite certains des nombreux enregistrements (282) effectués par le grand chef d’orchestre britannique entre 1988 et 2008. Enregistrée en 1995, The Black Knight (opus 25, 1889-1893) est une «cantate» assez rarement entendue d’Edward Elgar (1857-1934) qui la conçut comme une «symphonie pour chœur et orchestre» en quatre mouvements, accordant à la partie orchestrale une importance égale sinon supérieure à celle du chœur. Inspirée par le poème éponyme de Ludwig Uhland traduit en anglais par Henry Longfellow, la composition évoque la liesse printanière d’une cour royale en fête, mise à mal par un mystérieux convive inattendu, puissant porteur de frimas, de désastre et de mort. Sans doute moins complexe que les œuvres à venir, la partition mobilise néanmoins les qualités stylistiques en herbe d’une écriture dont les riches couleurs vocales et instrumentales se déploient sans emphase au service non tant du récit que des émotions en jeu – joie, trouble, inquiétude, désarroi, effroi – sur fond de joute, de chevauchée conquérante, de bal et de banquet. Sous la direction investie de Hickox, le Chœur et l’Orchestre symphoniques de Londres, rompus aux styles elgariens, mettent en relief avec beaucoup d’adresse et d’expressivité ces pages si souvent oubliées. L’œuvre se termine sur une note d’une telle désolation que ne s’opère pas aisément le passage au charme et à l’insouciance heureuse des Scènes des montagnes bavaroises (opus 27, 1895-1896), cycle de mélodies pour chœur pour lequel Elgar emprunte modes et rythmes bavarois au besoin pour mettre en musique avec une fraîcheur énergique et tendre six poèmes de son épouse qui commémorent des vacances idylliques passées ensemble en Bavière. Les phalanges londoniennes s’en acquittent avec une admirable efficacité (Chandos CHAN 10946 X). CL




Don Giovanni 1954, 1960, 2016


                    
          


Deux rééditions et une nouveauté pour Don Giovanni, en public (ou peu s’en faut): l’«opéra des opéras» n’a pas fini de susciter l’intérêt.
En juillet 1954, pour la seule apparition de sa carrière à Glyndebourne et quarante-deux ans avant son ultime enregistrement londonien (en studio), Georg Solti (1912-1997) fait mouche: à l’image d’une mise en scène qui suscite fréquemment les rires du public, voilà une baguette alerte et étincelante, nerveuse et théâtrale – le même été mais aux antipodes stylistiques, Furtwängler dirige à Salzbourg son dernier Don Giovanni. Le chef hongrois ne peut malheureusement pas tout: dans cette bande de bonne qualité issue des archives de Richard Itter, les chanteurs ne paraissent pas toujours à leur avantage, prenant leurs aises avec la partition et se révélant souvent en décalage avec la fosse. Pas excessivement charismatique mais sans défaut majeur, James Pease (1916-1967) donne un accent américain au rôle-titre. Margaret Harshaw (1909-1997) incarne une Anna vocalement et dramatiquement juste, comme Sena Jurinac (1921-2011) en Elvira. Léopold Simoneau (1916-2006) a fait mieux dans son rôle fétiche d’Ottavio et le Leporello cabotin de Benno Kusche (1916-2010) a quelque peu vieilli. De même, Anny Schlemm (née en 1929) a une voix moins fraîche et légère que celles qu’on entend maintenant en Zerlina – d’ailleurs, elle chantera Elvira quelques années plus tard. A peine moins jeune, Thomas Hemsley (1927-2013) s’en tire bien en Masetto, de même que Hervey Alan (1910-1982) en Commandeur. En complément du troisième disque, la basse Italo Tajo (1915-1993) interprète avec esprit six airs de concert de Mozart enregistrés en 1947 sous la direction de Mario Rossi (coffret de trois disques Nimbus NI 7964).
Le 26 avril 1960 à Milan, la RAI filme dans les conditions du studio une représentation qui a cependant toute l’apparence de bénéficier de l’expérience du public: c’est ici le seul enregistrement sonore qui est réédité (la vidéo a été publiée voici quelques années chez VAI). Francesco Molinari-Pradelli (1911-1996) le cède à peine à la verve de Solti tout en conférant aux moments dramatiques une noirceur impressionnante. Mais le chant est davantage à l’honneur qu’à Glyndebourne six ans plus tôt, avec une distribution encore plus prestigieuse. Quelque peu oublié de nos jours, Mario Petri (1922-1985) est un Don Giovanni parfaitement idiomatique, d’une grande clarté d’élocution et au chant soigné. Il est entouré d’artistes qui ont chacun marqué leur rôle et qu’on entend ici à la hauteur de leur réputation: Teresa Stich-Randall (1927-2007) en Anna, Leyla Gencer (1928-2008) en Elvira, Luigi Alva (né en 1927) en Ottavio, Sesto Bruscantini (1919-2003) en Leporello et Graziella Sciutti (1927-2001) en Zerline. A leurs côtés, Masetto tout à fait recommandable de Renato Cesari (1916-1992) mais Commandeur assez terne de Heinz Borst (1919-2006). En complément du troisième disque, onze airs extraits de cinq opéras (Idoménée, L’Enlèvement, Les Noces, Don Giovanni, Così) permettent de retrouver Gencer, Jurinac, Stich-Randall et Tajo mais aussi Boris Christoff (1914-1993), Lisa Della Casa (1919-2012), Tito Gobbi (1913-1984), Alda Noni (1916-2011), Nicola Rossi-Lemeni (1920-1991), Elisabeth Schwarzkopf (1915-2006) et Cesare Valletti (1922-2000), en public ou en studio avec orchestres de la RAI de Milan, Rome et Turin (coffret de trois disques Datum/Stradivarius DAT 12321).
après L’Enlèvement au sérail et La Clémence de Titus, Jérémie Rhorer et son ensemble Le Cercle de l’harmonie en viennent à Don Giovanni. Reflet de représentations données en décembre 2016 au Théâtre des Champs-Elysées d’une production créée en 2013 (mise en scène de Stéphane Braunschweig), l’enregistrement témoigne, sous la direction avide de contrastes du chef français, d’un souci de vérité historique: ornementation vocale, pianoforte de Jorge Giménez, instruments anciens apportant des traits fins et incisifs mais parfois aussi une sécheresse excessive. Vocalement, il faut faire l’impasse sur une Anna au timbre bien vilain, sur une Elvira très à la peine, à l’émission étroite et à la justesse perfectible, et sur un Masetto assez transparent, mais le reste de la distribution ne manque pas de qualités. Jean-Sébastien Bou est un Don Giovanni élégant mais manquant de projection – il est vrai la prise de son semble favoriser la fosse. Julien Behr incarne un Ottavio de très bonne tenue et Steven Humes nous change des Commandeurs cacochymes, tandis qu’on a la chance d’entendre le bon Leporello de Robert Gleadow et la Zerlina convaincante d’Anne Grevelius dans leur rare duo du second acte «Per queste tue manine» (coffret de trois disques Alpha 379). SC




Julia Fischer de retour... dans une réédition





On avait quelque peu oublié le sourire angélique et le violon gracieux de Julia Fischer, qui nous revient avec la réédition opportune de la gravure des deux Trios avec piano de Mendelssohn, réalisée en 2006 pour Pentatone avec Daniel Müller-Schott et Jonathan Gilad. Au début de sa carrière, l’Allemande a tenu à conserver un certain équilibre entre la musique de chambre et les pièces pour violon avec orchestre, ces dernières le plus souvent dirigées par le regretté Yakov Kreizberg (voir notamment ici) ou par elle-même (voir ici). On retrouve aujourd’hui l’une des références modernes de ces Trios, idéalement captés, au fondu mat et confortable, parfois au détriment du violoncelle dans les tutti. En un rythme assez vif, les interprètes s’emparent du Premier Trio (1839) avec un dramatisme accentué dans les passages verticaux, admirablement contrasté avec les moments plus doux. Le Scherzo piquant, comme le finale de caractère, sont une parfaite réussite, mais c’est plus encore le Second Trio (1845) qui semble convenir aux interprètes ici réunis: la mise en valeur plus importante des individualités permet en effet un déploiement de couleurs bienvenu, faisant de l’écoute un régal continu. Assurément une gravure indispensable pour toute discothèque (PTC 5186 609). FC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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