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Le vrai Un Américain à Paris à Paris
08/31/2017


George Gershwin (à g.) avec James Rosenberg, percussionniste du Cincinnati Symphony Orchestra tenant les quatre klaxons de taxis utilisés pendant les interprétations d’Un Américain à Paris données en 1929 à Cincinnati sous la direction de Fritz Reiner. Le troisième personnage est le ténor Richard Crooks.



Le 9 septembre prochain à La Seine musicale de Boulogne-Billancourt, le chef français Louis Langrée, directeur musical de l’Orchestre symphonique de Cincinnati, donnera avec son orchestre, pour clore une brillante tournée européenne, la première mondiale de l’édition critique d’Un Américain à Paris de George Gershwin. Préparée par le musicologue Mark Clague, directeur de «The Gershwin Initiative» de l’Université de Michigan, cette partition est la première de la nouvelle édition critique de l’ensemble de l’œuvre de George Gershwin. Un rendez-vous certainement à ne pas manquer.


C’est lors de son troisième séjour à Paris en 1928, séjour durant lequel il est accompagné de son frère Ida et qui durera trois mois, que Gershwin a l’idée d’Un Américain à Paris, une musique qui illustre la vision que peut avoir de la vie parisienne un Américain de passage. Lors d’un premier séjour à Paris en 1926, Gershwin avait déjà ébauché une œuvre qui devait s’intituler Very Parisienne mais qu’il a finalement laissée de côté. Lorsqu’il revient en 1928, il est logé à l’hôtel Majestic, avenue Kléber. Durant ce séjour il rencontrera notamment Serge Diaghilev, Arthur Honegger, Jacques Ibert, Nadia Boulanger et même Serge Prokofiev, qui vient lui rendre visite le 8 avril. Gershwin visite Paris, monte à la Tour Eiffel et est frappé de la circulation place de la Concorde qu’un soir de promenade il trouve particulièrement intense. Le bruit des taxis parisiens de l’époque, équipés de klaxons extérieurs, le séduit et l’idée lui vient d’intégrer ces sonorités dans sa musique. Il se rend donc chez un concessionnaire automobile de l’avenue de la Grande-Armée avec un ami, Mable Schirmer, qui représente son éditeur, pour en acquérir certains exemplaires. Et lorsque le duo de jeunes pianistes Mario Braggiotti et Jacques Fray vient se présenter à Gershwin, ils sont surpris de voir sur son piano plusieurs klaxons. Gershwin propose alors d’essayer pour voir si son idée fonctionne. Il se met au piano et dit à Jacques: «Prenez celui-ci, il est en la bémol» et à Mario: «Prenez cet autre, il est en fa dièse, et à mes signaux de la tête faites les sonner respectivement trois fois de suite». Ainsi serait née cette utilisation des klaxons dans la musique symphonique, une première. Gershwin rejoint New York le 18 juin avec sa collection de klaxons, termine la partition pour piano en août et l’orchestration le 18 novembre. La première a lieu au Carnegie Hall le 13 décembre 1928 et pour l’occasion l’Orchestre philharmonique de New York est dirigé par Walter Damrosch. En mars 1929, Un Américain à Paris sera joué, en présence du compositeur (photo), par l’Orchestre symphonique de Cincinnati et son directeur musical de l’époque, le grand Fritz Reiner.


La plus importante modification de la nouvelle édition concerne donc la tonalité des quatre klaxons. Dans cette nouvelle édition, les lettres A, B, C, D, figurées par la main de Gershwin sur la partition originale, correspondent non à la hauteur des notes mais aux sons des klaxons de l’époque. Il convient donc d’utiliser un klaxon en la bémol, en si bémol, aigu et la grave, comme on peut d’ailleurs l’entendre dans l’enregistrement de 1929 supervisé par le compositeur. Mais cette nouvelle édition ne se limite pas à un retour aux origines des klaxons parisiens de l’époque et à leur tonalité. On y entendra aussi une orchestration plus raffinée, plus riche et proche de style de la musique composée à l’époque par les membres du Groupe des Six. Une version qui, de l’avis même de Louis Langrée, est bien différente de l’arrangement de type hollywoodien fait par Campbell-Watson après la mort de Gershwin, généralement joué et par exemple enregistré par James Levine et l’Orchestre symphonique de Chicago. En somme, une partition différente à découvrir!


Il est clair que la création d’une telle œuvre, à Paris, par un orchestre américain et un chef français actuellement expatrié aux Etats-Unis, est un symbole fort de l’universalité de la musique et fait la fierté légitime de Louis Langrée. La (re)création mondiale en France d’une œuvre achevée au retour de France par un compositeur américain sous la direction d’un chef français et avec un grand orchestre américain, qui a cette musique dans son ADN, pourrait bien être l’événement musical de la rentrée. Au cours de ce concert donné à deux reprises à 16 heures 30 puis 20 heures 30 le 9 septembre prochain, Louis Langrée et ses musiciens de l’Orchestre symphonique de Cincinnati interpréteront également la Symphonie «Du nouveau monde» de Dvorák.


Ce concert sera précédé la veille d’un autre programme, donné à 20 heures 30, comprenant le Lincoln Portrait d’Aaron Copland sur des textes d’Abraham Lincoln, le seizième président des Etats-Unis, textes qui seront dits par Lambert Wilson, la Suite de Sur les quai de Leonard Bernstein, composée pour le film du même nom d’Elia Kazan, et la Cinquième Symphonie de Tchaïkovski, une œuvre dans laquelle cet orchestre de très haut niveau devrait briller de mille feux.


Gilles Lesur

 

 

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