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CD, DVD et livres: l’actualité de décembre
12/15/2016



Les chroniques du mois



Must de ConcertoNet


    Le NDR Chor chante Tchaïkovski




 Sélectionnés par la rédaction


    Neeme Järvi dirige Ibert


    Œuvres anglaises pour cordes


    La flûtiste S. Bezaly


    Daniel Barenboim dirige Elgar




 Oui !

Meta4 et P. Freund interprètent Saariaho
Edition Ludwig Güttler
Dietrich Fischer-Dieskau dirige Hindemith
Richard Eggar dirige HMS Pinafore
Musique portugaise pour violoncelle et orchestre
Tom Winpenny dirige Mathias
Antony Hermus dirige Diepenbrock
Frank Beermann dirige Khatchatourian



Pourquoi pas ?

Jon Ceander Mitchell dirige Rubinstein
Antonio Pappano dirige Elgar
Kimbo Ishii dirige La Fiancée de Messine de Fibich
Le Quatuor Authentic interprète Pleyel
Le chef et compositeur Giuseppe Sinopoli



Pas la peine

Téléfilm Roméo et Juliette de Gounod
Luigi Magistrelli interprète Reicha
L’ensemble Salzburger Hofmusik interprète Telemann
Andrés Orozco-Estrada dirige Strauss
Maurizio Quaremba dirige Jommelli




Le match du mois


      

Première Symphonie d’Elgar: D. Barenboim ou A. Pappano?




En bref


Diepenbrock, un autodidacte au niveau des plus grands
La somme dresdoise de Ludwig Güttler
Un regard «européen» sur Khatchatourian
Quelques œuvres chorales de William Mathias
Violoncelle concertant portugais du XXe siècle
Des quatuors «inédits» de Pleyel?
Hindemith inspiré par la danse
Gilbert et Sullivan de retour à Edimbourg
Sinopoli et Orozco-Estrada: deux Vie de héros
La Fiancée de Messine de Fibich expatriée en Allemagne
Un Telemann rare mais ennuyeux
Une cantate routinière de Jommelli
Trop tendre Reicha
Un Roméo et Juliette rétréci pour la télévision




Diepenbrock, un autodidacte au niveau des plus grands





C’est peu dire que le parcours d’Alphons Diepenbrock (1862-1921) force l’admiration: musicalement autodidacte depuis son enfance, ce professeur de lettres spécialisé en grec et en latin se consacra entièrement à la composition dès 1894. Pour autant, il ne parvint jamais à imposer sa musique au-delà de son pays, et ce malgré le soutien constant de son ami Willem Mengelberg, chef de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, avec lequel il assura la promotion de la musique d’un autre proche, Gustav Mahler. Assez réduite, la production du Néerlandais est surtout respectée au niveau de sa musique religieuse, enregistrée jadis par Bernard Haitink, tandis que sa musique orchestrale a été défendue par Riccardo Chailly, puis Hans Vonk dans les années 1990 (voir le très complet coffret de huit disques et un DVD sorti chez Etcetera en 2012, avec tous les interprètes précités). C’est donc une heureuse initiative de la part de CPO que de remettre au goût du jour la musique de ce compositeur influencé autant par Franck que Debussy, avec quelques emprunts au Mahler «heureux» de la Quatrième Symphonie, notamment dans l’ouverture Les Oiseaux de 1917. Avec le chef néerlandais Antony Hermus, ce très beau disque célèbre le talent mélodique de Diepenbrock en un geste lyrique merveilleusement rendu par un excellent Orchestre symphonique de Bamberg. Globalement, il s’agit là d’une version opposée à celle de Chailly, qui exalte davantage les contrastes: ces deux lectures de très bonne tenue apportent ainsi un éclairage complémentaire sur ces œuvres inspirées. On notera enfin une erreur de datation en ce qui concerne la suite de concert Marsyas, qui a bien été composée en 1910 et non pas en 1920 (777 927-2). FC




La somme dresdoise de Ludwig Güttler





Les anniversaires sont propices aux rééditions ou aux compilations les plus diverses: le présent coffret en est un nouveau témoignage. Lorsque Ludwig Güttler (né en mars 1943) fonde l’orchestre des Virtuosi Saxoniae en 1985 (mais qui se fit véritablement connaître un an plus tard au Festival de musique de Dresde), dix ans après avoir créé le Leipziger Bach-Collegium, pensait-il faire partie de ces défricheurs pionniers qui ont ainsi contribué à relancer la découverte du répertoire baroque (et classique en l’occurrence), suscitant par la suite l’éclosion d’ensembles les plus divers? Force est de constater que ce double anniversaire méritait d’être justement célébré: outre ce coffret conséquent (vingt-cinq disques représentant presque 26 heures de musique!), signalons donc la parution concomitante chez Berlin Classics d’un autre coffret de vingt disques celui-là, intitulé «Meisterwerke - Ludwig Güttler Edition». En l’espèce, c’est à un vaste panorama de la musique du XVIIIe siècle que le trompettiste virtuose nous invite. On avait oublié certains disques, notamment, avouons-le, ceux consacrés à Johann Sebastian Bach, pourtant nombreux ici puisqu’au nombre de onze. On peut passer assez rapidement sur un Oratorio de Noël assez vieillot dans son interprétation (orchestre solennel, chœur ample, geste large, des fins d’airs assez appuyées, mais ne négligeons pas pour autant quelques beaux passages comme le choral concluant la première partie ou les airs interprétés par une excellente Christian Oelze), qui s’avère dépassé à plus d’un titre. Si les Suites pour orchestre sont d’un assez bon niveau, on privilégiera les Concertos brandebourgeois dont certaines sonorités (les parties de cors du Premier étant jouées par des corni da caccia) sont étonnantes, l’ensemble étant dominé par des Deuxième et encore davantage Quatrième Concertos de toute beauté. Si la Passion selon saint Jean est ma foi plus qu’honorable, on n’en dira pas autant des disques consacrés aux cantates, dont la tonalité générale s’avère assez neutre. On s’en remettra bien vite en écoutant les divers concertos du Cantor, plutôt bien interprétés, et dominés par un très bon concerto reconstitué pour trois violons en majeur. Le meilleur du coffret reste cependant à venir avec des compositeurs chers à Güttler, natifs ou ayant œuvré à Dresde comme Zelenka, Pisendel, Hasse ou Heinichen. La Messe en sol mineur de Hasse est superbe: Gloria brillant, orchestre tour à tour soyeux et étincelant (quelles trompettes bien sûr!), des duos séduisants (notamment le «Ad te levavi animam meam» entre la soprano et l’alto) font de ce disque une indéniable réussite. Réussite que l’on retrouve dans l’autre disque entièrement consacré à Hasse avec plusieurs pièces sacrées qui, là encore grâce à des voix (le duo entre le ténor et la basse dans le «Salvum fac» du Te Deum) et un orchestre (brillant mais sachant souvent privilégier une certaine légèreté propre à Haydn sur une facile pompe plus ou moins attendue) idoines, ne peuvent qu’emporter l’adhésion de l’auditeur. Autre compositeur largement illustré, Jan Dismas Zelenka, fêté au travers d’une grande diversité de genres (du Laudate pueri avec un excellent Peter Schreier à l’impressionnante Missa Dei Patris où chantent de nouveau des solistes rompus à ce répertoire comme Olaf Bär ou René Jacobs en passant par ces diverses pièces mettant souvent en exergue le cor de chasse, toujours tenu par Güttler lui-même, comme dans cet étonnant Laudate Pueri où celui-ci dialogue harmonieusement avec Peter Schreier). Les autres disques offrent quant à eux un visage multicolore du concerto baroque, notamment dans l’Allemagne du nord au XVIIIe siècle... Notamment car il ne faut pas négliger les nombreux témoignages d’Antonio Vivaldi, généralement réussis même si certains ont connu depuis de meilleures interprétations signées par l’Orchestre baroque de Fribourg, Fabio Biondi (bien supérieur dans le Concerto RV 149) ou Jean-Christophe Spinosi (le Concerto RV 558!). Mais comment ne pas admirer le timbre du hautbois dans le Concerto RV 455 (le premier mouvement!) ou les accents de l’orchestre dans le Concerto RV 540? Insatiable curieux, Güttler dirige également des concertos de Graun, Hertel, Baer, Molter, Fasch, Quantz ou Telemann soit comme chef, soit comme à la fois chef et soliste, nous permettant ainsi d’entendre sa prodigieuse technique (les interjections du Posthorn dans le Concerto a 4 en si mineur, le premier mouvement du Concerto en ré majeur pour deux trompettes de Fasch). Par sa diversité et l’engagement de ses interprètes, ce coffret s’affirme sans conteste comme une anthologie de première valeur qui ravira tous les amoureux de la musique du XVIIIe siècle qui, au regard de ces disques, ne peut qu’être redevable à Ludwig Güttler (Berlin Classics 0300705 BC). SGa




Un regard «européen» sur Khatchatourian





Aram Khatchatourian (1903-1978) bénéficiera-t-il un jour d’une réévaluation de son œuvre à l’instar de son contemporain Chostakovitch depuis plus de trente ans? On a souvent ri des facilités mélodiques de l’Arménien et de son clinquant orchestral, mais force est de reconnaître que ses œuvres les plus inspirées tiennent la comparaison avec celles de son cadet de trois ans. Ainsi de la Deuxième Symphonie composée en 1943 lors des années de guerre, ces mêmes années qui ont vu naître la Septième de Chostakovitch ou la Cinquième de Prokofiev. Si le compositeur a valablement défendu plusieurs fois l’œuvre au disque (la version plus dynamique de l’Orchestre symphonique d’URSS en 1977 restant préférable à celle gravée avec le Philharmonique de Vienne en 1962), on s’intéressera aussi aux versions de Järvi (Chandos, 1991), très théâtral, ou de Stokowski (EMI, 1959), au geste péremptoire en des tempi dantesques. Ici, Frank Beermann et sa Philharmonie Robert-Schumann de Chemnitz prennent le contre-pied de toutes ses versions en ôtant tout spectaculaire par la mise en valeur des timbres. La conduite du discours musical respire sereinement en un tempo modéré mais qui ne s’appesantit jamais – les pupitres attaquant chaque phrasé avec une souplesse qui tourne cette symphonie vers le XIXe siècle, et notamment Rimski-Korsakov. Ce «regard européen» se rapproche ainsi de celui que Haitink avait posé sur Chostakovitch dans son intégrale pour Decca (1977-1984). C’est évidemment déroutant et contestable, mais passionnant tant on a l’impression de s’aventurer en des contrées inconnues: une belle version d’approfondissement à découvrir après les références citées plus haut. En complément, on découvrira avec intérêt les rares et charmants Airs de concert (1946) interprétés avec une grâce aérienne par la soprano Julia Bauer (CPO 777 972-2). FC




Quelques œuvres chorales de William Mathias





Tom Winpenny, maître de chapelle de la cathédrale de St Albans, proche de Londres, dirige les chœurs et les musiciens des lieux dans un programme de musique chorale de William Mathias (1934-1992), compositeur gallois, encore trop peu célébré aujourd’hui malgré la qualité de ses œuvres symphoniques et chorales qui laissent fugitivement ressentir une influence bien absorbée de Bartók, Hindemith, Messiaen, Walton, Tippett ou Britten. Une joie profonde et une vitalité parfois exubérante dominent un programme de pièces composées entre 1969 et 1992 qui mettent en musique des textes assez connus outre-Manche, qu’ils soient bibliques (Lift up your heads, Our Father) ou liturgiques (Magnificat and Nunc dimittis) ou des poèmes et noëls médiévaux avec antiennes en latin (les cycles Ave Rex et Salvator Mundi). Le choix d’An Admonition to Rulers, sur un long texte en prose extrait du «Livre de Salomon», peut surprendre mais la scansion rythmée, la variété de la technique chorale, un effectif vocal fluctuant et l’intervention de solistes lui confèrent beaucoup de relief et de clarté, grâce aussi à l’excellente diction des choristes. Soucieux de l’impact du sens profond d’un texte, au cours d’un même chant, Mathias peut passer sans heurt d’un style syllabique simple au canon, et de l’unisson, à l’harmonie, à la polyphonie, à la fugue ou au contrepoint sans que ne s’y perdent son esthétique musicale rigoureuse et son sens aigu de la structure. Les sonorités très particulières de ses œuvres chorales naissent de sa prédilection pour les intervalles de quarte et de quinte qui, augmentée ou diminuée, invitent le triton. Malgré une forte consonance, les compositions ne relèvent pas strictement du système tonal, quoique non sans note pivot. Mathias opte pour le chromatique, pour le modal, pour l’octotonique, ou éventuellement pour un mode issu de la thématique en cours. Les chants sont avec accompagnement d’orgue (Michael Papadopoulos), à l’exception de Salvator Mundi pour chœur, duo de piano, percussion et cordes. L’Orchestra Nova londonien prête main-forte, avec au piano Papadopoulos et Peter Foggitt. Winpenny fait sonner lui-même à l’orgue la célèbre Toccata giocosa, seule pièce purement instrumentale. Maître de chapelle dévoué, il dirige les chœurs avec beaucoup d’engagement et de conviction, le Chœur des chantres laïcs du chœur de la cathédrale, toujours efficace, et le touchant Chœur de jeunes filles de l’Abbaye de St Albans, aux voix compétentes et pourtant encore délicieusement enfantines qui impriment à l’occasion un cachet insolite à la prestation (Naxos 8.573523) CL




Violoncelle concertant portugais du XXe siècle





Après les disques récents consacrés à Carvalho, De Almeida ou Viana da Mota, Naxos nous permet cette fois d’explorer le répertoire portugais du XXe siècle autour d’une belle anthologie pour violoncelle et orchestre. Si l’on peut faire l’impasse sur la brève Cena Lirica composée en 1916 par Luís de Freitas Branco (1890-1955), on s’intéressera avec intérêt aux autres œuvres gravées sur ce disque. Ainsi du Poème de Luiz Costa (1879-1960), un ancien condisciple de Busoni lors de ses études berlinoises, qui ouvre admirablement le disque en déployant des volutes impressionnistes envoûtantes. Ecrite dans les années 1950, cette œuvre a été orchestrée en 2008 par Pedro Faria Gomes, qui a également ajouté une cadence pour le soliste. Entre raffinement et légèreté, l’accompagnement orchestral met en valeur le probe violoncelle de Bruno Borralhinho, à l’aise dans toutes les pièces ici gravées. Elève de Koechlin et Da Mota, Fernando Lopes-Graça (1906-1994) est également à l’honneur avec son sévère Concerto da Camera, une partition commandée et créée par rien moins que Rostropovitch et Kondrachine en 1967. De cette œuvre sombre, on retiendra surtout son finale, vertical et inquiétant. Le disque s’achève avec le Concerto pour violoncelle de Joly Braga Santos (1924-1988) qui fait valoir quant à lui un très bel Andante conclusif, très mystérieux. Ce disque réussi bénéficie de la direction narrative du chef portugais Pedro Neves, toujours attentif à une respiration qui sonne juste, à la tête de l’Orchestre Gulbenkian (8.573461). FC




Des quatuors «inédits» de Pleyel?





Fondé en 2002, le Quatuor Authentic s’est spécialisé dans l’exploration du répertoire du XVIIIe siècle, mettant en miroir nombre de compositeurs pour certains inconnus (Georg Lickl, Nikolaus Zmeskáll, Friedrich Ernst Fesca ou Joseph Woelfl) avec d’autres plus renommés (Franz Krommer, Carl Stamitz ou Johann Baptist Vanhal). Place cette fois à Ignaz Pleyel (1757-1831) et à quatre quatuors composés, selon la notice, en 1792 lors du fameux voyage que l’Autrichien effectua dans les îles Britanniques avec Haydn, son ancien professeur devenu son rival. Annoncés comme inédits, ces quatuors («opus 41» et «opus 42») ne figurent effectivement pas dans le catalogue établi par la musicologue Rita Benton en 1977, mais il s’agit en réalité de transcriptions des trios pour piano Ben. 443, 444, 446 et 447, composés en 1793 et 1794 après le périple de Pleyel en Ecosse. Les trios en question comportent en effet des mouvements «écossois» d’inspiration populaire, qui font tout le sel de ces œuvres. Las, l’interprétation souffre des disparités de niveau des solistes réunis, l’ensemble sur instruments d’époque sonnant en maints endroits un peu verts, particulièrement dans les passages difficiles. C’est d’autant plus regrettable que le premier violon se montre convaincant, portant ses comparses dans les charmants mouvements «écossois», mais également dans le tout dernier quatuor, très réussi avec ses allures concertantes et ses oppositions vivifiantes entre solistes (Hungaroton HCD32783). FC




Hindemith inspiré par la danse




Donnée voilà quatre ans à Paris et Strasbourg, la «pantomime dansée» Le Démon (1922) reste une rareté peu visitée, contrairement à la suite tirée du ballet Nobilissima visione composée seize ans plus tard. On aurait tort cependant d’ignorer cette toute première «inspiration dansante» qui nous rappelle combien Hindemith était alors à la pointe de l’avant-garde expressionniste, mêlant avantageusement son sens rythmique, ses dissonances et son extraversion à une orchestration légère et fluide, faisant la part belle aux vents. On notera d’ailleurs que ce Démon a été composé la même année que Sancta Susanna (donné ici à l’Opéra de Paris), tout comme les deux premières Kammermusiken (1922-1924) gravées sur ce disque. Ces deux œuvres pour orchestre de chambre bénéficient ici de l’ivresse rythmique du pianiste Florian Henschel, qui n’est pas pour rien dans la réussite de ce disque, proche de la version intégrale de référence de Riccardo Chailly à Amsterdam en 1992 (Decca). Donné en 1995 lors du festival de Schwetzingen (au sud de Francfort, la ville natale de Hindemith), ce concert enregistré sur le vif se distingue par une excellente prise de son, mais surtout par la présence de Dietrich Fischer-Dieskau au pupitre de chef d’orchestre, fonction à laquelle il se consacra entièrement dès 1993. On ne trouvera pas là les audaces d’un Chailly dans les transitions et la conduite du discours musical, mais un geste plus classique, parfaitement lisible et architecturé. Ce double disque s’achève avec la «récitation orchestrale» Hériodade, le tout dernier ballet composé par Hindemith en 1944, au langage moins audacieux et à l’orchestration plus dépouillée, mais dont le texte tiré de l’œuvre éponyme de Mallarmé trouve une verve bienvenue avec la récitante Gisela Zoch-Westphal (album de deux disques Hänssler Classic HC16014). FC




Gilbert et Sullivan de retour à Edimbourg




On ne cesse de s’étonner de la modestie des productions consacrées à la musique irrésistible de Gilbert et Sullivan, fruit de l’union d’un librettiste de génie et d’un compositeur non moins talentueux, tous deux champions d’une opérette victorienne toujours encensée de nos jours dans les pays anglo-saxons mais pratiquement ignorée par ailleurs – à l’exception notable d’une production luxembourgeoise des Pirates de Penzance entendue à Caen l’an passé. Il faut donc rendre grâce au festival d’Edimbourg que de nous restituer les bandes prises lors de son édition 2015 dédiée à l’énergie pétillante et aux mélodies entêtantes de l’opérette HMS Pinafore, tout premier succès international de Gilbert et Sullivan en 1878. Mieux enregistrée que la version de référence de Malcom Sargent (1958), cette production bénéficie également de la direction de Richard Egarr, attentif à révéler les détails de la partition sans jamais tomber dans le maniérisme. Il a aussi pour lui un merveilleux Chœur de l’Opéra d’Ecosse, dont on perçoit là aussi chacune des voix. Pour autant, la qualité réelle des solistes réunis ne suffit pas à se hisser au niveau de ceux de Sargent, qui montrent davantage d’investissement et de caractère. On pourra aussi préférer la version de Charles Mackerras (Telarc, 1994) qui parvient à un compromis idéal grâce à une baguette plus vigoureuse et à un plateau vocal qui égale presque leurs aînés (coffret de deux disques Linn CKD522). FC




Sinopoli et Orozco-Estrada: deux Vie de héros


          


Le trente-cinquième volume de l’édition que Profil consacre à la Staatskapelle de Dresde permet de retrouver, à l’occasion du quinzième anniversaire de son décès, un chef quelque peu oublié aujourd’hui, Giuseppe Sinopoli (1946-2001), dans des enregistrements publics réalisés au Semperoper entre 1993 et 2001. Très tôt disparu – il n’aurait eu que 70 ans cette année – l’Italien fut Chefdirigent de la Staatskapelle de 1992 à ce jour de 2001 où il fut terrassé par une crise cardiaque alors qu’il dirigeait une représentation d’Aïda à l’Opéra allemand de Berlin. Sans doute encore plus méconnu aujourd’hui que le chef, le compositeur, dont la carrière, cédant le pas à la direction d’orchestre dès le début des années 1980, fut encore plus brève, est représenté par trois pièces: «Hommage à Costanzo Porta» extrait de Pour un livre à Venise (1975), Tombeau d’Armor III (1977), dirigé par Sylvain Cambreling (avec le violoncelliste Konzertmeister d’alors, Peter Bruns), et un court fragment symphonique de l’opéra Lou Salomé (1981), dirigé par Peter Ruzicka. Sinopoli fut notamment l’élève de Ligeti, Stockhausen, Donatoni et Maderna, mais ce sont davantage les deux derniers qui semblent avoir exercé une influence sur un style marqué par les ultimes flamboiements du postromantisme germanique et faisant de lui un héritier – certes moins radical qu’un Zimmermann – de la seconde Ecole de Vienne. Le tropisme germanophile de Sinopoli est tout aussi prononcé dans les œuvres romantiques choisies pour figurer dans cet album de deux disques (et dont il existe parfois des enregistrements «officiels»): Ouvertures d’Obéron de Weber et de Rienzi de Wagner, Quatrième Symphonie de Schumann et Orphée de Liszt. On se situe ici au cœur du répertoire par excellence de l’orchestre saxon, un tiers de ces 2 heures et 20 minutes d’archives étant en outre consacré à l’emblématique poème symphonique Une vie de héros de Strauss: plus intuitif et narratif qu’analytique, ce qui se traduit par une finition pas toujours impeccable, Sinopoli, tout en s’inscrivant indéniablement dans la grande tradition allemande, impose un tempérament très personnel et prend son temps, au risque de baisses de tension mais avec également des moments d’une inspiration confondante (PH07053).
Andrés Orozco-Estrada (né en 1977) et l’Orchestre symphonique de la Radio de Hesse (Francfort), dont il est le Chefdirigent depuis 2014 (tout en étant par ailleurs music director du Symphonique de Houston et premier chef invité du Philharmonique de Londres), donnent Une vie de héros plus conventionnelle, instrumentalement aboutie mais expressivement plus neutre. En complément, le relativement rare Macbeth bénéficie d’une interprétation engagée et dramatiquement bien charpentée, qualités indispensables pour une œuvre qui, si elle précède de quelques mois seulement les premières grandes réussites (Don Juan, Mort et transfiguration), trahit plus souvent l’application que le génie (SACD Pentatone 5186 582). SC




La Fiancée de Messine de Fibich expatriée en Allemagne





Il aura fallu attendre 2015 pour entendre La Fiancée de Messine, le troisième opéra de Zdeněk Fibich (1850-1900) en dehors de son pays natal: grâces soient rendues au Théâtre de Magdebourg de prendre le risque de faire revivre cet ouvrage de qualité, adapté de l’œuvre éponyme de Schiller, et aujourd’hui parmi les plus joués de son auteur en République tchèque. A l’instar de ses autres opéras, tel La Chute d’Arkona (entendu à Prague l’an passé), Fibich s’y montre nettement influencé par Wagner en déployant une déclamation puissante des solistes et un opulent soutien orchestral. Il sait cependant se montrer plus chaleureux que son modèle allemand, sans pour autant recourir aux coloris populaires utilisés par son contemporain Dvorák. Malheureusement, on ne pourra conseiller cette publication, bien inférieure à l’enregistrement pionnier réalisé par Frantisek Jílek (Supraphon, 1975), unique version disponible jusqu’alors. Ce coffret CPO a beau disposer d’une belle qualité d’enregistrement, tout comme de la direction convaincante de Kimbo Ishii: le compte n’y est pas avec les solistes réunis. Rien d’indigne mais la Beatrice de Noa Danon peine dans les phrasés dès lors qu’elle ne doit pas chanter en pleine puissance, tandis que Richard Samek (Don Cesar) a le timbre un peu fatigué. Le reste de la distribution s’en sort bien, mais n’approche pas les qualités des voix de Jílek. De beaux efforts, donc, pour sortir Fibich de la confidentialité nationale, mais on en restera pour l’instant à l’enregistrement Supraphon (coffret de deux disques 777 981-2). FC




Un Telemann rare mais ennuyeux





Georg Philipp Telemann (1681-1767) s’est illustré comme un auteur de concertos des plus prolifiques, qui a destiné ses œuvres à presque tous les instruments de son époque (violon, alto, trompette, flûte traversière ou à bec, hautbois, basson...). Au nombre de ses compositions figurent par exemple de très beaux concertos pour chalumeau (l’ancêtre de la clarinette), dominés par l’extraordinaire Concerto pour deux chalumeaux en ré mineur. Il était donc tentant de se précipiter sur ce disque consacré à la fois aux chalumeaux et au psaltérion dans l’œuvre du génial compositeur: on en sera pour ses frais tant il s’avère ennuyeux. Non que l’interprétation de Wolfgang Brunner et de son ensemble Salzburger Hofmusik soit mauvaise (encore que l’imagination ne soit pas vraiment au rendez-vous...) ou inintéressante du point de vue musicologique car, sauf pour les connaisseurs intimes de l’œuvre de Telemann, entendre ses pièces pour psaltérion n’est pas chose courante. Le mariage sonore justement entre le psaltérion et les deux chalumeaux (dans la Sonate TWV 43:f2) est par exemple des plus étonnants, le son pincé de l’un s’opposant à la chaleur des deux autres solistes. Mais ces partitions sont en fin de compte assez pauvres, l’imagination de Telemann ne transparaissant à aucun moment, les mélodies ne semblant jamais trouver d’aboutissement, qu’il s’agisse de cette Ouverture TWV 32:9 pour clavecin (à notre sens un peu perdue au milieu de cette thématique...) ou de cette Ouverture TWV 44:6 pour chalumeau alto et chalumeau ténor tout aussi banale. A la limite, seule la Sonate en trio conclusive trouve un peu d’intérêt grâce à son caractère vif et dansant: ce n’est pas suffisant à nos yeux pour racheter un disque qui s’oublie au fur et à mesure de son écoute (CPO 555 031-2). SGa




Une cantate routinière de Jommelli




Avec la cantate sacrée Fede, Speranza e Amor Divino, l’éditeur italien Bongiovanni nous permet de découvrir une rareté composée par Niccolò Jommelli (1714-1774) lors de sa période romaine au début des années 1750, peu de temps avant de s’établir définitivement à Stuttgart. De cette période de pleine maturité artistique, on compte au moins un chef-d’œuvre avec l’oratorio La passione di Gesu Cristo (1749). On n’en dira pas hélas autant de cette cantate sans chœur, certes colorée des nombreuses brillantes vocalises des solistes, mais qui peine à surprendre au-delà de son beau finale en première partie, où les voix s’entrecroisent enfin. C’est précisément dans les vocalises que le ténor Manuel Ried s’empêtre à de nombreuses reprises, tout en ayant bien du mal avec la justesse. Les femmes, dominées par l’expression tout en rondeur de la soprano Valentina Bilancione, sont plus à la fête – même si on ne découvrira pas de joyau vocal dans ce concert enregistré sur le vif. L’orchestre tout juste correct a au moins pour lui la direction inspirée de Maurizio Quaremba. Trop peu, hélas, pour rattraper l’ensemble (album de deux disques GB 2480/81-2). FC




Trop tendre Reicha




Bien belle idée que de réunir l’ensemble de la production de musique de chambre avec clarinette d’Anton (ou Antoine) Reicha (1770-1836). De nos jours, ce parfait contemporain de Beethoven reste mieux connu comme ancien professeur de Berlioz, Liszt, Gounod ou Franck, sa musique ne retrouvant qu’épisodiquement les programmes de concert. Dans ce disque, la musique pour clarinette interprétée par Luigi Magistrelli (pourtant bon soliste) et son Italian Classical Consort ne décolle jamais au-delà d’un «beau son» bien ennuyeux à la longue dans ce répertoire néo-mozartien. On préfèrera ainsi la lumière qui irradie l’ancienne version du Quatuor Glinka et de Josep Fuster (BCCS Classics, 2006) dans le tout premier Quintette en si bémol, composé au début des années 1820. Les autres œuvres, plus tardives, souffrent malheureusement de ce même parti pris doucereux et tendre, peu recommandable ici (album de deux disques Urania Arts LDV 14025). FC





Un Roméo et Juliette rétréci pour la télévision




On avait un peu oublié ce Roméo et Juliette de Gounod filmé en 2002 pour la télévision, avec le couple star Alagna-Georghiu alors au zénith – aussi bien dans sa vie privée qu’en termes de moyens vocaux. C’est là le principal atout de cette réédition, entre le timbre de miel et la qualité d’articulation de la soprano roumaine, tandis que le ténor français ne le lui cède en rien – toujours aussi impérial dans les graves et irrésistible dans sa prononciation parfaite du français. Pour autant, hormis pour un public profane découvrant l’opéra, on ne pourra guère recommander ce film qui sabre plus de la moitié de l’œuvre de Gounod pour n’en garder qu’une heure et treize minutes de musique, centrée autour des mythiques amoureux. Les seconds rôles, sacrifiés, ne se hissent pas au niveau d’Alagna et Georghiu, tant s’en faut, et la direction d’Anton Guadagno porte le couple star honnêtement. On passera sur les ajouts de bruitages réalistes (oiseaux, écho...) qui n’apportent rien au projet, filmé classiquement dans un château bohémien aux décors et costumes bien chiches. En fin de compte, on a là une production à l’ambition modeste, seulement sauvée par ses deux rôles-titres. On préfèrera de loin l’enregistrement discographique réalisé quatre ans plus tôt chez EMI par Alagna et Georghiu, avec Michel Plasson à la baguette (Arthaus Musik Blu-ray 109262 ou DVD 109261). FC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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