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Le mois du mélomane professionnel
03/01/2016




L’Orchestre de Paris et son Chœur connaissent bien le Requiem de Verdi. Gianandrea Noseda aussi (voir ici). Alors qu’est-ce qui a empêché le concert d’être exceptionnel? Je vais vous le dire: l’inégalité de l’ensemble soliste. L’alto Marie-Nicole Lemieux est tout simplement parfaite et il est difficile de réussir un mariage entre parfait et moins-que-parfait. Cela se sentait surtout dans le «Lux aeterna», où le trio alto-ténor-basse ne fut tout simplement pas assez juste. Aurai-je un jour le plaisir d’entendre le dernier «requiem» de la soprano dans le «Libera me» en pppp, comme l’a écrit Verdi et pas en mf quand ce n’est pas carrément en f? Et puis, j’ose le dire, quand aurons-nous le chef courageux qui éliminera ce «Sanctus» qui va si mal dans un requiem? On joue bien souvent la Symphonie espagnole de Lalo sans le troisième mouvement et il y a une version de Boris Godounov sans l’acte polonais.


Restons à la Philharmonie qui continue à être archi pleine à chaque concert malgré la distance et malgré l’heure tardive de la fin de la soirée. Un week-end de rêve avec l’intégrale des Symphonies de Mendelssohn avec l’Orchestre de chambre d’Europe dirigé par Yannick Nézet-Séguin, qui me rappelle le Seiji Ozawa des années 1980 par cette symbiose avec l’orchestre (voir ici et ici). Ce fut tellement magnifique que je ne savais pas comment arrêter la montée des larmes dans le court mais sublime Andante con moto qui précède le dernier mouvement de la Cinquième. Qui a suivi Haydn et Mozart tout en préparant le chemin du romantisme? Qui a assuré ce passage? Qui a su garder devant le déferlement des émotions graves des romantiques cette joie, cette gaieté même, cette jeunesse, cet optimisme? Quand je pense aux détracteurs antisémites de Mendelssohn, je tremble de rage. «Compositeur mineur» disaient-ils. Dans une conférence que j’ai faite à l’Institut Goethe, j’ai affirmé que s’il y avait quelque chose de mineur chez lui, cela devait être la tonalité de son Concerto pour violon et quelques autres œuvres en mineur. On est en train, d’ailleurs, de lui redonner sa place d’honneur en Allemagne et ailleurs. Cette intégrale en constitue aussi une preuve.


Pendant que les Chrétiens débattent de la possibilité de produire des concerts profanes dans les églises, la synagogue de la rue Copernic ouvre sa porte et son espace à des concerts qui sont souvent en rapport avec la liturgie mais aussi à des concerts classiques «normaux». Nous avons eu, ce mois-ci deux concerts de haut niveau. Le premier par Laure Favre-Kahn autour du thème de la danse avec beaucoup de Chopin qu’elle joue merveilleusement bien et aussi Haendel, Mozart, Bartók, Bizet et d’autres. Soirée de bonheur et de joie. J’ai proposé à la pianiste de participer à un projet que j’ai de réunir des photos de pianistes chopiniens prises habillés de noir sur la tombe de Chopin au Père Lachaise et de blanc devant sa statue au jardin du Luxembourg. Elle a accepté et j’espère que vous pourrez les voir bientôt sur Facebook. Le second concert fut tout différent. Ce fut un hommage à Chostakovitch et à Greif, avec ce magnifique Huitième Quatuor du premier et le Quatrième Quatuor «Ulysses» du regretté Olivier Greif, qui est une sorte de réminiscence de la musique du Moyen Age à nos jours. Le Quatuor Copernic, dont le premier violon n’est autre qu’Amaury Coeytaux, premier violon supersoliste du Philhar,’ nous a offert ces œuvres avec un excellent niveau d’exécution. C’est parfois difficile de vivre ce genre de concert qui vous offre une immense joie par la beauté de la musique et ce fond de tristesse par le contenu et par les circonstances qui entourent les œuvres.


Joie encore avec une conférence sur Gershwin que le centre culturel américain Mona Bismarck, en association avec le FSJU, m’a demandé de faire. Salle comble, surtout avec des Américains à Paris qui m’ont écouté parler de ce merveilleux mélodiste qui a réussi la réalisation d’un rêve avec Porgy and Bess, rêve qui rappelle la réussite d’Offenbach avec Les Contes d’Hoffmann. Là aussi, les antisémites avec leurs obsessions. Un critique parisien a osé dire de ce magnifique opéra que c’était une «cochonnerie». D’ailleurs, le même a aussi déclaré d’une façon péremptoire que l’on ne pouvait pas aimer Rameau et Mahler. Il l’a fait durant un dîner de presse où j’étais présent et il l’a fait après le plat principal. Eh bien, ce soir-là, il n’y a eu ni fromage ni dessert après. Tout s’est disloqué. Je ne peux pas ne pas vous rapporter une trouvaille qui m’a fait grand plaisir. Vous savez que Porgy and Bess ne se termine pas en happy end. J’ai réussi à inventer un mot ressemblant, hope end, pour décrire Porgy jetant ses béquilles et allant, en boitant, vers la lumière qui le mènera à New York pour y reprendre sa Bess. Juste un petit changement de voyelles. Qu’est-ce qui est mieux? Un peu joie qui peut disparaître ou un espoir qui fait vivre?


Pour terminer, mon moment de masochisme avec Lady Macbeth de Mzensk dans la mise en scène insupportable de Tcherniakov (voir ici). Il a déjà fait tuer Marie par Wozzeck, qui se fait normalement en plein champ le soir au coucher du soleil, dans une chambre fortement éclairée. Ici, c’est le meurtre-suicide final, censé se faire en se jetant dans une rivière de Sibérie, qui se fait dans une chambre fermée. Décidément, il n’aime pas les meurtres en plein air. Le plus grave est que je ne peux pas résister à la tentation de voir ses mises en scène pour savoir jusqu’où il peut aller. Du masochisme, vous dis-je.


Le prochain éditorial paraîtra déjà au printemps et, en attendant, bonne fin d’hiver à tous.


Benjamin Duvshani

 

 

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