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Entretien avec Cesare Lievi
06/03/2014

Le Grand Théâtre de Genève conclut sa saison avec La Wally, un opéra peu connu d’Alfredo Catalani, présenté du 18 au 28 juin. La distribution y réunira Ainhoa Arteta, Morenike Fadayomi, Yonghoon Lee, Bálint Szabó et Vitaliy Bilyy. L’Orchestre de la Suisse romande sera dirigé par Evelino Pidò. La mise en scène en est assurée par Cesare Lievi, qu’un nombreux public connaît par sa pétillante et onirique conception de La Cenerentola de Rossini à Zurich et au Met. Le metteur en scène italien a bien voulu prendre de son temps pour nous parler de son art et de La Wally.





Vous avez démarré votre carrière par le théâtre parlé, par Pirandello, Strindberg, Ionesco... La musique de La Wally est superbe mais le texte est plus «mince» que ceux qu’ont produits ces auteurs. Comment abordez-vous cette œuvre? Cela vous donne-t-il plus de libertés? Faut-il oublier le texte et faire autre chose, faut-il faire des compromis?
C’est une question intéressante à laquelle il est difficile de répondre. Le livret de La Wally pose surtout un problème de langage; les mots, le lexique sont très simples. Les mots manquent de poésie et il n’y a pas d’«illumination» dans le texte. Ce qui est plus intéressant par contre est la structure dramatique de la pièce. Il s’y passe beaucoup d’événements qui se déroulent avec une grande violence de sentiments. Je me fie donc à la structure dramaturgique du texte qu’il ne faut surtout pas modifier. J’ai cherché par contre à transformer le réalisme de La Wally, son vérisme, en quelque chose qui soit plus riche en expressions et symboles. L’opéra commence de façon simple avec une idylle dans un village. J’ai voulu qu’elle soit représentée comme l’auraient fait des peintres du XIXe. Mais lentement, cette idylle devient destructrice. Il y a, au quatrième acte, une avalanche en montagne; il faut voir dans la dialectique entre cette hauteur et ce vide, cet abîme, le cœur de la personnalité de Wally.


L’œuvre est-elle d’inspiration verdienne?
L’œuvre commence avec une situation typique du XIXe siècle et de Verdi: il y a un père qui dit à Wally qu’elle doit épouser Gellner. C’est un thème récurrent dans de nombreuses œuvres de Verdi pour qui l’autorité du père est un thème fondamental. Le drame de nombreux opéras de Verdi vient du développement de la confrontation avec ce père. Mais il se passe ici quelque chose de différent, Wally dit non à son père, ce que les figures féminines de Verdi ne peuvent dire. Le père réagit comme une figure verdienne: «tu dois faire ce que je te dis» et Wally se réfugie dans la montagne. Tout cela se passe au premier acte.
Mais il y a quelque chose de nouveau ici, le père meurt; le cortège funèbre du père est un passage important dans l’œuvre. Wally change de position. Elle hérite de son père qui était le chef du village et c’est elle qui devient la «patronne». Le drame qu’a voulu Catalani, c’est le drame de la jeunesse. Wally a tout, elle est très riche, très belle et très jeune, comme ces autres personnages, Gellner et Hagenbach. Wally est libre avec la disparition de son père mais cette figure revient avec une grande force, son souvenir l’empêche de reconnaître et de vivre ses sentiments. Elle est victime de son désir qui la travaille et l’empêche de trouver un équilibre. Le père a disparu mais il est toujours là et son image revient au troisième acte.


Ce que vous évoquez, est-ce dans le texte ou est-ce votre travail et votre apport?
J’ai défini la respiration dramatique de l’œuvre, ce qui se passe entre les personnages. La mise en scène demande encore une transformation de la respiration dramaturgique en respiration poétique. C’est cette étape qui permet aux spectateurs de prendre du recul pour comprendre l’œuvre. Là se trouve l’un de mes apports à ce spectacle.


Comme les références à Magritte dans La Cenerentola?
Exactement.


Comment travaillez-vous avec les chanteurs? Est ce qu’il y a un travail particulier avec un chanteur par rapport à un acteur du théâtre parlé?
Tout d’abord, j’aime beaucoup l’opéra. Je ne comprends pas mes collègues qui y restent étrangers et qui préfèrent se consacrer uniquement à la comédie, au théâtre. Pour moi, le concept du personnage et les relations entre eux sont très importants. Si on comprend et on respecte ces relations et que cela fonctionne, il n’est nul besoin de revenir aux grands gestes ampoulés auxquels on peut associer l’opéra. C’est important de travailler ce qu’on appelle la Personenregie en Allemagne.
Le rôle de la musique est fondamental pour comprendre ces relations. La vraie dramaturgie de l’opéra se fait par la musique. C’est elle qui décide tout et le texte est moins important. C’est particulièrement vrai dans La Wally, où le texte est d’une grande banalité. C’est un avantage si on parle français ou allemand et qu’on ne comprend pas l’italien. Mais à travers la musique de Catalani, on comprend tout ce qui se passe entre les personnages et cela dicte ce que font les chanteurs sur scène. Au final, c’est la musique qui décide.


[Propos recueillis par Antoine Leboyer]

 

 

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