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Entretien avec Henk Swinnen et Florence Notter
04/29/2014

Henk Swinnen assure depuis début février 2013 la direction générale de l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR). Quelques mois plus tard, Florence Notter, quant à elle, a succédé à Metin Arditi à la présidence de l’OSR.
Un an après leur prise de fonctions, ils font tous deux le point avec ConcertoNet.



H. Swinnen (© Philippe Christin)


Voici un an que vous êtes tous deux dans vos fonctions. Quel bilan tirez-vous de cette première année?
Henk Swinnen. Une année passe plus vite pour une personne que pour un orchestre. Nous avons lancé de nombreuses initiatives qui seront encore plus claires à partir de la saison 2015-2016. Je ne veux pas trop révéler mais il y a aura dans la programmation des thématiques précises. C’est déjà le cas pour la prochaine saison comme le fait de jouer les Symphonies «Parisiennes» de Haydn, ce qui est un souhait de notre directeur musical et artistique Neeme Järvi qui veut travailler sur la transparence et la précision, ce que ces pièces permettent de faire. Nous allons également fêter Richard Strauss pour son anniversaire et approfondir Sibelius et le répertoire scandinave, ce que nous continuerons l’année suivante.
Nous avons en outre entamé les premières actions pour nous rapprocher du public. Nous avons organisé des rencontres entre public et musiciens à Genève et à Lausanne. Les retours sont très positifs et nous allons continuer à multiplier ces occasions de partage. Nous ouvrons les coulisses et montrons la vie de nos musiciens pour que notre public puisse venir à nos événements et s’identifier à eux. Ceci a guidé le visuel que nous avons adopté pour les publications de la saison prochaine et nos affiches les montreront en train de travailler afin que le public puisse venir «vivre avec nous».
J’ai enfin consacré beaucoup de temps pour discuter avec les musiciens. L’ambiance a beaucoup changé: nous sommes tous alignés dans la même direction et partageons une même vision. Je ressens une énorme envie d’avancer avec une dynamique très forte au sein même de l’orchestre.


Florence Notter. Il y a maintenant une vraie dynamique entre la Présidente, le Bureau, les musiciens. Il y a un plus grand dialogue pour aller de l’avant ensemble. Plus de 70% du budget de fonctionnement de l’orchestre vient de subventions et l’Orchestre sait qu’il est au service des citoyens et qu’il est ancré dans la ville et dans le canton de Genève. Ceci modifie la manière dont notre public perçoit la musique qui est faite et c’est normal: on partage bien plus d’émotions avec quelqu’un que l’on connait.


Les saisons précédentes étaient-elles déjà programmées quand vous êtes arrivé?
Henk Swinnen. La saison 2014-2015 était programmée à 60%; en particulier les concerts avec des œuvres de Haydn et Strauss.
J’ai quand même pu faire venir quelques nouveaux noms comme Ilych Rivas, un jeune chef de 21 ans qui vient de faire ses débuts avec l’Orchestre philharmonique de Londres. C’est un talent incroyable et il est important de présenter à Genève des jeunes artistes. Nous aurons l’an prochain la venue de Markus Stenz, que je connais très bien. Je lui ai demandé de jouer John Adams qui n’avait pas encore été donné à Genève et il connaît très bien ce répertoire. Le programme qu’il va diriger est exemplaire avec Siegfried-Idyll de Wagner, le Concerto pour violon de Sibelius et Harmonielehre d’Adams. Il y a une filiation dans ces œuvres qui est très claire et auquel le public sera sensible. C’est typique de la manière dont je veux développer le répertoire.


La saison 2015-2016 sera donc à 100% la vôtre?
Henk Swinnen. Oui. Un autre exemple, j’avais demandé à Osmo Vänskä de venir cette saison. Il a déjà pu diriger l’orchestre lorsque Neeme Järvi était indisponible cette année et c’est très positif qu’il revienne.


Florence Notter. C’était absolument remarquable et le courant est très bien passé avec les musiciens. Nous avons beaucoup travaillé avec Henk pour que de grands chefs reviennent. C’est le cas pour Semyon Bychkov, qui reviendra l’an prochain, pour diriger le Requiem de Verdi, et, nous l’espérons, la saison suivante.


Henk Swinnen. Il est important de présenter de nouveaux chefs dont je connais la qualité. C’est une occasion pour «oxygéner» les musiciens et apporter une conscience artistique nouvelle à l’orchestre.


Est-ce toujours possible qu’il y ait à partir de la saison 2015-2016 un hiatus, faute de directeur musical?
Henk Swinnen. Oui, mais à nouveau, ceci est rafraîchissant puisque nous pourrons ainsi présenter huit nouveaux chefs qui viendront pour la première fois à Genève.


Est-il facile de faire venir des chefs prestigieux qui n’ont jamais dirigé l’OSR?
Henk Swinnen. Je dois vous dire qu’avant que je ne sois arrivé à Genève, j’ai contacté des chefs ou ai été approché par certains qui connaissaient mon travail pour qu’ils puissent venir à Genève. Osmo Vänskä était l’un de ces chefs ainsi que Jonathan Nott. Markus Stenz est dans le même cas. Ce sont des chefs que j’ai connus en tant que hautboïste sous leur baguette et en tant que manager d’orchestre. Ils ont confiance en moi et sont curieux de ce qui se passe à Genève.


Par rapport à d’autres régions, trouvez-vous que la Romandie est un lieu où la musique est importante?
Henk Swinnen. Certainement, et cela se caractérise par la largesse de l’offre qui est proposée et qui est bien suivie. A chaque fois que j’assiste à des concerts, les salles sont bien remplies. Il y a le Grand Théâtre, l’Orchestre de chambre de Genève, les nouvelles initiatives proposées par David Greilsammer qui attirent un tout autre public, lequel, du coup, viendra chez nous. Il y a une dynamique très complémentaire. C’est également le cas de l’agence Caecilia qui fait venir des grandes phalanges internationales dont la présence est un défi pour nous.


Florence Notter. La Romandie est un terreau où se mélangent les Genevois de souche ainsi que les membres des grandes organisations internationales. Nous avons à Genève une population très cultivée.
Mais nous devons bâtir un nouveau public. Nous avons mis en place un programme, Intermezzo, pour nous rapprocher du public des 25-40 ans qui entrent dans la vie active et ont d’autres priorités que la musique symphonique. Ils se font peut-être d’autres idées sur ce qu’est une bonne soirée. Nous voulons les attirer avec des soirées "clef en mains" qui associent musique et rencontres avec des musiciens de leur âge. Nous pensons dépasser l’année prochaine les 400 membres à travers ce programme. Pour les enfants, nous allons créer des programmes afin de garder le contact avec les jeunes enfants qui viennent aux manifestations que nous organisons pour eux. Nous allons enfin promouvoir une carte pour les moins de 25 ans à 80 francs, qui leur donnera accès le soir du concert à toute place disponible. Enfin, nous avons développé des actions avec des clubs services, des groupes... Nos billets sont ainsi en vente au kiosque de l’ONU, ce qui ne se faisait pas avant.


Henk Swinnen. Nous nous ouvrons beaucoup et je vous donne rendez-vous le 23 juin pour une conférence de presse où nous allons annoncer de nombreuses nouveautés à ce sujet. Je peux déjà révéler qu’à l’été 2015, le concert «Musiques en été» sera en plein air et se fera sur la scène Ella Fitzgerald, qui permet d’accueillir 4000 à 6000 spectateurs. Nous allons ainsi pouvoir aller vers un tout autre public qui ne vient pas encore au à Victoria Hall et n’a probablement jamais entendu d’orchestre classique.


Florence Notter. Nous avons également travaillé sur la région de Lausanne. Pour les Vaudois, l’OSR est un orchestre importé de Genève, ce qui n’est pas le cas. L’OSR a été créé dans le canton de Vaud et les Vaudois doivent se réapproprier leur orchestre. Le Théâtre de Beaulieu est plus rempli et nous allons nous rendre en Romandie au-delà de Lausanne, à Montreux, Fribourg...



F. Notter (© Enrique Pardo)


Pourriez-vous décrire l’accord passé avec le Grand Théâtre?
Florence Notter. Je suis membre du Conseil de fondation depuis plusieurs années. La relation avec le Grand Théâtre a toujours été délicate. Nous avons décidé qu’il fallait faire table rase du passé pour la Ville de Genève, et le canton. Henk Swinnen a fait un travail magnifique avec Tobias Richter et j’ai beaucoup parlé avec Lorella Bertani. Nous sommes arrivés à un accord de collaboration qui va beaucoup apporter à la Ville de Genève, qui offrira à notre futur directeur artistique et musical la possibilité de diriger deux productions par saison dans la fosse du Grand Théâtre. Ceci est important car cela permettra d’attirer des chefs de premier rang qui sont motivés par la possibilité de faire un mélange de productions lyriques et symphoniques.


Henk Swinnen. La nouvelle convention précise que nous aurons la possibilité de discuter sur le choix des chefs, sachant que le Grand Théâtre a son propre budget et que le choix final restera le sien. Mais je peux vous dire que Tobias Richter et moi-même sommes en pleine concertation sur nos projets.


Florence Notter. Nous ferons également une coproduction par an, la première étant le Requiem de Verdi sous la direction de Semyon Bychkov, qui sera donné quatre fois. Tobias Richter est nommé à la commission de sélection de notre prochain directeur artistique et musical. Nous sommes maintenant de vrais partenaires qui travaillons ensemble pour le bien des deux institutions et pour Genève.


Henk Swinnen. Cela ne fait que commencer. Il y a une vraie complémentarité et je trouve que les distributions du Grand Théâtre sont d’un grand niveau pour la saison prochaine.


Revenons sur le répertoire. De nombreux orchestres ont expérimenté des pratiques inspirées des chefs baroques: le London Symphony avec Gardiner, le Philharmonique de Vienne avec Harnoncourt, la Tonhalle la saison prochaine avec Koopman. Jouer du Mozart ainsi que l’a fait le directeur musical de l’OSR, selon un style un peu classique, n’est-il pas aujourd’hui un peu anachronique et passéiste?
Henk Swinnen. Oui et non. Il y a une manière éclectique de les faire. Il ne faut pas être fanatique baroqueux pour faire du Haydn ou du Mozart. Il faut être attentif à une certaine transparence. Le problème est plus culturel. Les orchestres des pays nordiques, dont la Hollande d’où je viens, travaillent beaucoup avec les Brüggen, Koopman ou Herreweghe. Ce n’est pas tout à fait le cas dans le sud de l’Europe et surtout dans le monde francophone, où il y a une barrière entre pratiques baroques et modernes. Mais là aussi, depuis un an et demi, une vingtaine de musiciens volontaires de l’OSR font des ateliers avec un musicien issu du baroque. Ils utilisent même des instruments d’époque pour bien approfondir le style. Nous présenterons leur travail dès la saison prochaine dans le cadre des concerts «Musique sur Rhône» sous la direction de Stephan MacLeod. C’est un travail très remarquable. Il y a beaucoup d’enthousiasme dans ce groupe et je suis persuadé que cette pratique va se développer et que tout sera différent d’ici deux à trois saisons.


Bref, il se passe plein de choses à l’OSR.
Florence Notter. Beaucoup de projets et de développements ont été lancés et nous n’en sommes qu’au début.


[Propos recueillis par Antoine Leboyer]

 

 

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