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CD, DVD et livres: l’actualité de mars
03/15/2014



Les chroniques du mois




 Sélectionnés par la rédaction


   Cantates romantiques par K. Deshayes


   Martha Argerich et Claudio Abbado


   Heinz Holliger dirige Schönberg


   Musique russe par le Trio Wanderer





 Oui !

Louis Lortie interprète Liszt
Dorothee Oberlinger interprète Telemann
The Rake’s Progress à Glyndebourne (1975)
Kitège de Rimski-Korsakov à Amsterdam (2012)
Vincent Larderet interprète Ravel
Le Chœur de la Radio bavaroise chante Schnittke et Pärt
«Bach Père et fils» par David Bismuth
Musique française par Florian Billot
Così fan tutte à Madrid (2013)
Rudolf Kempe dirige Brahms et Wagner
L’Enlèvement au sérail à Glyndebourne (1980)
Yuri Martynov interprète Beethoven transcrit par Liszt
«Autograph» par Alexandre Tharaud
Pelléas et Mélisande à Essen (2012)
Il Giardino Armonico interprète Vivaldi
Herbert Kegel dirige Wozzeck
Critique musicale (volume 7) de Berlioz




 Pourquoi pas ?

Musique sacrée, de cour et d’opéra à Versailles
La Femme sans ombre au Mariinsky (2011)
Jos van Immerseel interprète Mozart
Jue Wang interprète Liszt
La flûtiste (à bec) Bolette Roed
Le flûtiste (à bec) Michael Schneider
Sten Lassmann interprète Eller
Jonathan Powell interprète Kornauth
Stéphane Lemelin interprète Rosenthal
Aldo Orvieto interprète Togni
Œuvres d’A. Tchaikowsky
Lorin Maazel dirige Mahler
Christoph Prégardien chante Le Voyage d’hiver
Jan Kobow chante Le Voyage d’hiver
Herbert Kegel dirige les Gurre-Lieder
Kent Nagano dirige Beethoven
Œuvres de Vijay Iyer
Youri Temirkanov dirige Tchaïkovski
Mariss Jansons dirige Beethoven
Le Trio Osiris interprète Schönberg et Weigl
Yannick Nézet-Séguin dirige Mahler
Iván Fischer dirige Mahler
Rudolf Kempe dirige Mahler, Wagner et Mendelssohn
Vittorio Forte interprète Couperin et Chopin




Pas la peine
Soyeon Kate Lee interprète Liszt
Carolyn Enger Lassmann interprète Rorem
Benjamin Zander dirige Mahler
Gerald Finley chante Le Voyage d’hiver
L’Orchestre de chambre Orpheus interprète Beethoven
Marion Eckstein chante Mahler
Klara Min interprète Chopin
Hélène Tysman interprète Chopin




Hélas !
Luigi Gerola interprète Kalkbrenner
Laurent Wagschal interprète M. Münch
Œuvres de S. Di Stefano
Omo Bello chante Mahler






Le match du mois


         
Le Voyage d’hiver: Finley, Kobow ou Prégardien







En bref


Schnittke a cappella
Berlioz, un compositeur très critique
Alexandre Tharaud signe des autographes
Il Giardino Armonico et Vivaldi: une réédition bienvenue
Così: l’empreinte de Michael Haneke et de Gerard Mortier
Rudolf Kempe vs Iván Fischer: grands écarts mahlériens
Rudolf Kempe à l’image
Les «ténèbres bleues» du Pelléas de Nikolaus Lehnhoff
Temirkanov dirige Tchaïkovski: une publication peu soignée
David Bismuth réunit la famille Bach
Chopin avec Mazurkas: trois pianistes trentenaires
Florian Billot réussit son Paris
Beethoven transcrit par Liszt et servi par Yury Martynov
Beethoven en Blu-ray: Jansons impeccable
Beethoven outre-Atlantique: à front renversé
Vijay Iyer, le jazz et le classique
L’Enlèvement à Glyndebourne
Vincent Larderet: un ton personnel dans Ravel
Lieder de Mahler: Bello, Connolly, Eckstein
Un Wozzeck d’une noirceur incandescente
Le Trio Osiris: pas divin mais quand même remarquable





Schnittke a cappella





Alfred Schnittke (1934-1998), bien que né en URSS, connaît par sa famille les cultes orthodoxe, juif et catholique dont il absorbe les styles musicaux, comme en témoignent en particulier les quatre manières de sa Quatrième Symphonie (1984). C’est dans le style de l’art sacré orthodoxe abordé de façon à la fois libre et rigoureuse qu’il compose en 1984-1985 le Concerto pour chœur, œuvre de grande envergure dont les quatre mouvements s’inspirent de quatre textes tirés du Livre des lamentations du moine arménien Grégoire de Narek (951-1003). L’œuvre est pénétrée d’une profonde spiritualité mais la facture purement musicale reste primordiale, la division des pupitres en contrepoint d’un bel effet jusqu’à la dissonance, en particulier dans le premier chant. Le Chœur de la Radio bavaroise en donne une interprétation engageante – moins «russe» que l’admirable Chœur symphonique de l’Etat de Russie (Polyanski, Chandos), plus charnelle peut-être que l’éthéré intense du Chœur de la Radio suédoise (Kaljuste, BIS) ou la pureté vive du Chœur de la Philharmonie tchèque (Brych, Praga) – mais d’excellente tenue. En double contraste, Peter Dijkstra programme d’une part les Trois Hymnes sacrées (1983), d’un style proche du chant liturgique nettement plus conservateur, et de l’autre la bien plus aventureuse Voix de la nature, brève partition micropolyphonique qui allie les sons cristallins d'un vibraphone discret (Andreas Moser) à dix voix de femmes bocca chiusa, annonçant dès 1972 la transparence irisée encore rare dans son œuvre que Schnittke allait retravailler avec force pour le Concerto. Le chœur chante en russe mais c’est en italien qu’il aborde Dopo la vittoria, habile cantate aux techniques variées qu’Arvo Pärt composa pour la ville de Milan en 1997 pour célébrer le seizième centenaire de la mort de Saint Ambroise. La direction de Dijkstra dynamise le chœur qui interprète l’ensemble du programme avec le raffinement, la maîtrise et la fine justesse essentiels et avec beaucoup de conviction. (BR Klassik 900505). CL




Berlioz, un compositeur très critique





Prenant la suite de Buchet-Chastel, la Société française de musicologie publie le septième volume d’une excellente édition de la Critique musicale de Berlioz, édité sous la direction d’Anne Bongrain et Marie-Hélène Coudroy-Saghaï. Qualité du papier, de la typographie, des notes de bas de page: le prix se justifie pour celui qui souhaite acquérir ce classique de la littérature dans d’aussi bonnes conditions. Cette plume précise, acerbe et enthousiaste procure bien du plaisir. Presque plus aucun chroniqueur de la vie musicale n’écrit, ou n’ose écrire, de la sorte actuellement, de façon tranchée mais juste, à la première personne du singulier et en s’adressant directement au lecteur. S’il vivait aujourd’hui, Berlioz tiendrait sans doute un blog richement alimenté et volontiers polémique. Lire ces textes permet de se plonger dans une époque durant laquelle la musique ne s’écoute que dans les lieux où elle se joue. Il faut prendre conscience de ce que cela représente en termes d’acquisition de connaissances et de travail critique. Impossible de ne pas comparer les méthodes et les habitudes avec celles d’aujourd’hui: les critiques musicales, en tout cas celles de Berlioz, s’avèrent autrement plus détaillées et copieuses. L’auteur de la Symphonie fantastique n’hésite pas, par exemple, à exposer l’action d’un nouvel opéra dans le menu détail. Sources de documentation précieuses, surtout pour les opéras dont Berlioz relate la création, ces critiques, moins à lire les unes à la suite des autres qu’à consulter au gré des envies, incitent à penser que les chroniqueurs de l’époque prenaient vraiment le temps d’écrire (Société française de musicologie, 711 pages, 55 euros). SF




Alexandre Tharaud signe des autographes





Alexandre Tharaud (né en 1968) met son grand talent au service d’un très éclectique programme de «bis», dans un album de près de 70 minutes intitulé «Autograph» (voir la vidéo promotionnelle). Vingt-trois pièces interprétées avec soin en studio (entre janvier et avril 2013), mêlant des pages très fréquentées – de musclés Prélude en ut dièse mineur (Rachmaninov) et Sonate en ré mineur (Scarlatti), un équilibré Prélude en si mineur (Bach/Siloti), d’incontestables Sauvages (Rameau) et Maillotins (Couperin)... – et d’autres plus inattendues: l’Adiós a Cuba d’Ignacio Cervantes, le Lac de Federico Mompou, la Valse lente de Germaine Tailleferre et même Tourbillon d’Oscar Strasnoy (d’après le thème de Georges Delerue pour le Jules et Jim de Truffaut). Et si tout ne convainc pas également (Sibelius, Scriabine), c’est davantage en raison de la nature même de ce programme «patchwork», où la musique s’enchaîne presque sans interruption, que de l’inspiration d’un artiste dont l’intégrité n’est plus à démontrer (et qui décrit le «bis» comme ce «lâcher-prise de l’après-concert, une certaine connivence avec l’auditeur, un rappel de ce qui a été, d’émotions passées»). Le disque s’adresse certainement aux fans du pianiste français. Mais les autres y trouveront bien du plaisir, tant la finesse du toucher s’accorde à la justesse des intentions musicales (Erato 409712 2). GdH




Il Giardino Armonico et Vivaldi: une réédition bienvenue





Créé en 1985, l’ensemble italien Il Giardino Armonico fait partie des orchestres baroques qui, à l’instar d’Europa Galante dirigé par le violoniste Fabio Biondi ou, de l’autre côté des Alpes, du Musica Antiqua Köln de Reinhard Goebel, ont véritablement révolutionné la manière de jouer ce répertoire. L’allégement instrumental, le parti pris d’arêtes tranchantes, de sons âpres, de fulgurances inattendues restent leur marque de fabrique et ont servi de modèle à plusieurs autres ensembles créés au début des années 1980. Depuis cette époque, Il Giardino Armonico s’est affirmé comme étant l’un des incontestables spécialistes de la musique de Vivaldi sous la houlette de son chef, le flûtiste Giovanni Antonini, et de son violon solo, Enrico Onofri; c’est en 1990 qu’il enregistre les Concerti da camera, publiés à l’époque sous l’étiquette Teldec/Das Alte Werk. Les notices accompagnant le coffret de quatre disques (dont les jaquettes étaient alors illustrées chacune par un tableau de Canaletto) étaient signées Ingeborg Allihn mais, même si un trompe-l’œil de Cornelis Norbertus en guise d’illustration et un exposé plus concis de Michael Talbot ont remplacé l’ancien habillage, ce sont bien ces mêmes joyaux qui nous reviennent aujourd’hui. On bénéficie tout d’abord des superbes concertos pour flûte à bec de l’Opus 10, parmi lesquels figurent les célèbres concertos «La notte» RV 104 et «Il gardellino» RV 90: la fraîcheur de l’interprétation, la vivacité des tempi et le sens de l’improvisation des instrumentistes font merveille. On retrouve également avec non moins de plaisir des concertos qui n’avaient jusque-là jamais été publiés, notamment le Concerto pour flûte traversière RV 91. Et que dire des véritables petits bijoux que sont le Concerto RV 107 (où flûte, hautbois, violon et basson s’entremêlent délicieusement) et la Sonate n° 12 en ré mineur construite sur le fameux thème de La Follia? L’allégement de la texture surprend toujours l’auditeur près de vingt-cinq ans plus tard, le caractère festif et délicat de la musique de Vivaldi n’en ressortant qu’avec plus d’évidence. Le reste de cette somme offre un autre visage du compositeur italien puisque ce sont des œuvres de petite envergure qui nous sont proposées, généralement dévolues à quatre ou cinq instruments: la vivacité et la luxuriance instrumentales ne sont pas toujours au rendez-vous mais témoignent ainsi de la diversité des styles cultivés par Vivaldi. Ce coffret est donc à acquérir en priorité autant pour ceux qui ne l’auraient pas encore que pour ceux qui auraient l’ancien coffret, l’épaisseur de l’ensemble passant de 4,5 centimètres à seulement 1,5 (coffret de quatre disques 2564 64662-0). SGa




Così: l’empreinte de Michael Haneke et de Gerard Mortier





Alors que la nouvelle de la disparition de Gerard Mortier vient de frapper le monde lyrique, le Così fan tutte qu’il a confié, après un retentissant Don Giovanni à Bastille début 2006, à Michael Haneke, créé au Teatro Real en février-mars 2013 (puis repris à La Monnaie trois mois plus tard), paraît chez C Major. Dans une transposition contemporaine qui n’en fait pas moins référence au XVIIIe, entre salon moderne et terrasse classique, entre perruques et costumes actuels, le cinéaste autrichien use du regard aiguisé d’un maître du septième art: le moindre geste et le moindre regard sont chargés de signification, mettant à rude épreuve Hannes Rossacher, le réalisateur de cette captation. Une Despina inquiétante et omniprésente, formant avec Don Alfonso le troisième couple de cet opéra; une analyse perfectionniste et minutieuse des relations entre les personnages, notamment au travers des récitatifs, très soignés (et accompagnés au pianoforte); le poids conféré aux silences, tout contribue à une fidélité constructive au livret tout en ouvrant sans cesse de nouvelles perspectives. Une réussite rare qui ne trouve hélas son équivalent ni dans la fosse, où Sylvain Cambreling retient ce qui se fait de moins bien à la fois chez les chefs «traditionnels» (lenteur et lourdeur) et chez les baroqueux (sécheresse et raideur), ni dans une distribution qui ne comporte pas de réels points forts: Fiordiligi (Anett Fritsch) et Dorabella (Paola Gardina) non sans tempérament mais sans grand panache pour autant, Despina excellente comédienne mais vocalement approximative (Kerstin Avemo), Ferrando nasillard (Juan Francisco Gatell), Don Alfonso bien fatigué (William Shimell) – c’est en fin de compte Andreas Wolf, Guglielmo subtil, moins truculent qu’à l’ordinaire, qui l’emporte par défaut. Cette publication est complétée par un bonus de 22 minutes faisant comme de coutume alterner entretiens (sous-titrés en français et en anglais) avec les protagonistes (principalement Haneke) et brefs extraits du spectacle (album de deux DVD 714508 ou un Blu-ray 714604). SC




Rudolf Kempe vs Iván Fischer: grands écarts mahlériens


        
Ces nouvelles parutions illustrent – s’il en était besoin – les grands écarts que permettent l’interprétation de la musique de Mahler. A mi-parcours de son intégrale avec son Orchestre du Festival de Budapest, Iván Fischer (né en 1951) livre ainsi une Cinquième Symphonie (enregistrée en septembre 2012) aucunement redondante dans une discographie pourtant saturée d’enregistrements et de références. Le premier mouvement est un intéressant et percutant mélange de sécheresse et de volupté instrumentales. Une certaine langueur viennoise se love dans cette Marche funèbre, séduisante et sans mièvrerie, où l’on aimerait parfois davantage d’épaisseur symphonique et des tempos plus virtuoses. Par ses couleurs dépressives, le Stürmisch bewegt est une réalisation subtile (remarquable finesse des accents) mais assez endormie: on aimerait que Fischer bouscule davantage ce mouvement auquel il imprime une légèreté troublante, qui assoupit également le Rondo-Finale. Avec grâce et pointillisme, le Scherzo est le mouvement qui gagne le plus à ce traitement tout en nuances, alors qu’en plus de 10 minutes, l’Adagietto retrouve la mélancolie du deuxième mouvement (SACD hybride Channel Classics CCS SA 34213). Cinquante-cinq ans plus tôt, Rudolf Kempe (1910-1976) enregistrait une Quatrième Symphonie aux antipodes du Mahler léché d’Iván Fischer. Cette version de studio de mai 1957 souffre d’une prise de son lointaine (et avec du souffle), qui n’empêche pas de goûter à un symphonisme agile, rempli de rythmes, de couleurs et de joie. On ne s’ennuie guère dans ce Mahler très latin de style, assez iconoclaste et pourtant sans faute de goût. Plein de vie et de tension positive, le premier mouvement sourit à la vie comme le chef sur la pochette de l’album. Diffusant un sentiment général de légèreté et d’assurance, le deuxième présente les mêmes caractéristiques rythmiques (... mais aussi quelques approximations) et aucune timidité dans l’expressivité. Grâce à une battue aux inflexions multiples, la grande souplesse des lignes musicales du Ruhevoll séduit, malgré un Orchestre de la BBC pas tout à fait irréprochable (mais idéalement malléable pour le chef). Enfin, la voix frêle et timide de la soprano Joan Alexander laisse pleinement s’exprimer, dans le Sehr behaglich, les gazouillis printaniers d’un accompagnement orchestral étonnement allégé (quoique trop fugitif). Outre un beau Prélude de Parsifal (Wagner) enregistré en 1965 en studio, cette Quatrième de Mahler fort originale est complétée par une Ouverture de Ruy Blas (Mendelssohn) où Kempe met le feu au Royal Festival Hall de Londres, en 1967 avec le London Symphony (ICA Classics ICAC 5117). GdH




Kempe à l’image





Trop tôt disparu, Rudolf Kempe (1910-1976), moins connu en France qu’en Allemagne et en Grande-Bretagne, où il a fait l’essentiel de sa carrière, est néanmoins resté dans les mémoires comme un grand spécialiste du répertoire germanique, en particulier de Wagner et Strauss. Dans une publication bien courte (un peu moins d’une heure), ICA Classics, qui sort par ailleurs un disque consacré à Mahler, Wagner et Mendelssohn, permet de le retrouver dans son répertoire d’élection, au travers de la première édition en DVD de deux extraits de concerts qu’il a dirigés en 1973. En janvier, dans l’acoustique très réverbérée de la salle du musée allemand de Munich, ville dont Kempe dirigea la Philharmonie de 1967 à sa mort, c’est – curieusement – la Radio de Brême qui capte, sous l’œil de caméras assez peu inspirées, une Deuxième Symphonie de Brahms claire et lumineuse. D’un geste sûr, jamais exagéré, le chef saxon fait sans cesse avancer le propos, à la tête d’une formation qu’il connaissait depuis de nombreuses années et dont Jochum était alors le Chefdirigent, l’Orchestre symphonique de Bamberg, ici plus savoureux que précis. Le son est de meilleure qualité quatre mois plus tard au Royal Festival Hall avec l’Orchestre philharmonique royal, où l’on ne trouvera pas davantage de musiciennes qu’à Bamberg et dont Kempe fut associate conductor en 1960 puis, succédant à Beecham, principal conductor en 1961, music director en 1962 et conductor for life en 1970, laissant place à Dorati en 1975: les caméras de la BBC filment de manière moins approximative mais à peine plus dynamique qu’à Munich une Ouverture de Tannhäuser vivante et conquérante, allant droit à l’essentiel (ICAD 5119). SC




Les «ténèbres bleues» du Pelléas de Nikolaus Lehnhoff





Les «ténèbres bleues» de la grotte souterraine envahissent l’ensemble de la dramaturgie du Pelléas et Mélisande de Nikolaus Lehnhoff présenté en 2012 à l’Aalto-Theater d’Essen, les lignes strictes tout en diagonales anguleuses du décor unique de Raimund Bauer se prêtant à tous les tableaux grâce aux hautes ouvertures mobiles, seules sources de lumière directe et souvent closes ou réduites à un fil. Le bleu intense s’offre seul au regard des spectateurs pendant les interludes éloquents mais à l’écran s’y superpose un résumé en anglais de l’action à venir, détournant l’attention d’un orchestre déjà capté en retrait par rapport aux voix. Stefan Soltesz dirige les Essener Philharmoniker avec une conviction tellurique, peut-être plus postwagnérienne que debussyste mais on regrette l’équilibre manqué de la prise de son. Vincent Le Texier domine la distribution par la justesse de sa voix et la finesse de son jeu. Golaud en acquiert une autorité extraordinaire, dans la brutalité comme dans le tourment et la souffrance, la dimension psychologique subtilement établie. La présence très physique et la voix de mezzo de Michaela Selinger imposent une Mélisande moins diaphane, moins poétiquement enfantine qu’attendu mais sa prestation reste tout à fait crédible. Malgré son accent, sa diction fluide contraste avec la diction imprécise de Jacques Imbrailo qui, peu aidé par un costume lourd et mal seyant, livre de sa voix légère un Pelléas flou, plus faible que Mélisande et bizarrement naïf. Le récitatif mélodique de Debussy octroie au texte une valeur conductrice et, si par leur plastique les autres protagonistes passent, leur accent les freine, Wolfgang Schöne plus encore que Doris Soffel (Geneviève), sa voix plus de baryton que de basse sapant, de surcroît, l’autorité d’Arkel confronté à la force de Golaud. Lehnhoff conduit bien le déroulement du drame et l’évolution des personnages, malgré la difficulté non surmontée de la scène de la chevelure. Toutefois, la seule prestation de Vincent Le Texier donne une importance accrue à la parution en DVD de cette version (Arthaus Musik 101 686 ou Blu-ray 108086). CL




Temirkanov dirige Tchaïkovski: une publication peu soignée


            


Régulièrement, le Théâtre des Champs-Elysées accueille l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg pour des séries dédiées le plus souvent à la musique russe. Ainsi, début décembre 2007, d’un cycle Tchaïkovski, chacun des programmes comprenant l’une des trois dernières symphonies associée à une pièce concertante (et en outre, pour le troisième, l’ouverture Roméo et Juliette). Trois DVD BelAir Classiques rendent compte aujourd’hui de ces concerts: davantage que leur qualité artistique, c’est l’entreprise éditoriale qui surprend. Pourquoi ce délai de six ans entre les enregistrements et leur publication, au moment même où sortent sous la même étiquette les mêmes symphonies (et Manfred) par Vladimir Fedosseïev et son Orchestre symphonique Tchaïkovski? Pourquoi les caméras d’Andrey Torstensen sont-elles souvent si mal placées et parfois dirigées avec si peu de précision, pour livrer une réalisation laborieuse et datée, succession de plans sous des angles parfois malcommodes, avec des spectateurs éclairés comme en plein jour? Pourquoi la présentation est-elle aussi sommaire et bâclée – absence de notice et de menu, génériques erronés, édition à la serpe, les mouvements se succédant quasi attaca? Pourquoi le Concerto pour violon avec Vadim Repin n’est-il pas repris, à la différence des deux autres pages concertantes, de telle sorte que le deuxième volume ne dure que 46 minutes et que les trois ensemble dépassent à peine 3 heures 30? Cela étant, retrouver le Tchaïkovski de Youri Temirkanov ne manque évidemment pas d’intérêt: sans baguette et avec une gestuelle très personnelle, le chef russe ne relâche jamais la tension et livre une interprétation tranchante et expressive mais dépourvue de pathos. Cordes puissantes et homogènes, bois colorés, cors levant bien haut le pavillon et trompettes paraissant près d’éclater: le caractère russe de l’orchestre s’affirme à chaque instant, de même que sa mécanique bien huilée, d’une cohésion époustouflante dans le Finale de la Quatrième. Pour ce qui est des deux solistes, la seule véritable surprise du Premier Concerto avec un Denis Matsuev lisztien réside dans le nombre relativement importants de scories dans le jeu du pianiste, tandis que l’arrangement pour flügelhorn (à quatre pistons) des Variations sur un thème rococo va, avec un musicien de la trempe du trompettiste Sergei Nakariakov, au-delà du seul défi (BAC086, BAC087 et BAC088). SC




David Bismuth réunit la famille Bach





Après avoir enregistré en 2009 des transcriptions d’œuvres de Jean-Sébastien Bach, David Bismuth consacre de nouveau un disque à ce compositeur, toujours chez AmeSon mais en réunissant cette fois-ci autour de lui, sous le titre «Bach Père et fils», trois de ses fils, Wilhelm Friedemann (Sonate en la mineur FK nv8, enregistrée de toute évidence pour la première fois au piano), Carl Philipp Emanuel (Sonates en si mineur Wq. 55/3 et en fa mineur Wq. 52/4) et Johann Christian (Sonate en ut mineur opus 5), le père étant représenté par la Toccata BWV 914 et la Fantaisie BWV 906. Le pianiste s’emploie à clarifier la texture, à chanter les voix intermédiaires et à articuler nettement, avec vivacité mais sans précipitation. Il développe un toucher d’une grande finesse et une sonorité de qualité supérieure. Le disque de ce musicien clairvoyant dure, certes, un peu moins d’une heure mais il s’avère fort stimulant (ASCP1325). SF




Chopin avec Mazurkas: trois pianistes trentenaires


                       

         


Trois trentenaires abordent Chopin de différentes manières, mais tous en retenant certaines de ses Mazurkas.
La pianiste coréenne Klara Min (née en 1975) en sélectionne dix-sept. Du beau piano, bien ciselé mais rectangulaire. D’un côté, la netteté des accords et la sobriété du style (à l’image de l’élégance subtile de la Quarante-cinquième). De l’autre, la crudité du son et le manque de moelleux (comme dans une Quarante-septième aux trilles squelettiques ou une Quarante-neuvième sans épaisseur). Les notes sont là – pas les «arrière-notes». Bref, le résultat manque singulièrement de chaleur (Delos DE3443). Hélène Tysman (née en 1982) ne retient que quatre mazurkas mais, en comparaison de son décevant premier disque Chopin, sa sélection rassure sur ses affinités avec le compositeur polonais, dont est travaillée l’image de révolutionnaire de la forme et du son. Riches en rebondissement, les quatre Ballades présentent, en revanche, quelques raideurs et des accents déroutants (pas toujours bienvenus). En complément de ce double album (dont la notice comporte un dialogue imaginaire – et d’une franche niaiserie – entre Chopin et Tysman), une Barcarolle qui se traîne quelque peu, une Polonaise-Fantaisie (14 minutes) et un Nocturne en si majeur (8 minutes) qui s’étirent en longueur (Oehms Classics OC 894).
Quant au pianiste italien Vittorio Forte (né en 1977), il a sélectionné dix mazurkas, toutes interprétées avec beaucoup de personnalité (... quitte à chahuter certains tempos ou bousculer un tantinet le bel canto). Un disque («Affinités retrouvées. De la mélancolie au zal») qui fait dialoguer Chopin avec Couperin, dont dix pièces s’intercalent entre chaque mazurka – avec pour point commun d’être toutes écrites en mode mineur («il est important de souligner que le choix de croiser deux personnalités comme celles de François Couperin et de Frédéric Chopin réside dans le besoin et l’envie d’exprimer un sentiment, tel la mélancolie, au travers de deux langages différents»). Une association plutôt réussie, qui établit de troublantes correspondances (entre les arrière-plans de la Treizième Mazurka et ceux des Fauvettes plaintives, entre la rythmique des Roseaux et celle de la Onzième Mazurka...). Belle prise de son de René Gambini (SACD Lyrinx LYR 2283). GdH




Florian Billot réussit son Paris





Conçu comme un récital, le dernier disque de Florian Billot (né en 1981), intitulé «Paris 1884-1959», regroupe quelques œuvres de compositeurs ayant vécu dans la capitale: ce n’est pas très original mais ce programme s’écoute avec davantage de plaisir qu’un précédent album paru en 2012 (Loreley). Cultivant une belle sonorité, le pianiste exécute un Prélude, Choral et Fugue de Franck articulé sans sécheresse, diversifie sa palette dans L’Isle joyeuse de Debussy et délivre une Sonate de Dutilleux impressionnante de maîtrise. Trop mécanique, la Pavane pour une infante défunte de Ravel convainc moins. Cet album s’achève sur la Quinzième Improvisation «Hommage à Edith Piaf» de Poulenc (Aparté AP076). SF




Beethoven transcrit par Liszt et servi par Yury Martynov





Après les Deuxième et Sixième «Pastorale» puis les Première et Septième, Yury Martynov (né en 1969) poursuit chez Zig-Zag Territoires son intégrale des Symphonies de Beethoven transcrites par Liszt. Compte tenu d’un choix de couplages un peu étrange, ce troisième album compte deux disques, consacrés respectivement à la Troisième «Héroïque» et à la Huitième. Renonçant à l’Erard de 1837 pour un Blüthner plus jeune de trente ans – exactement l’époque où Liszt mettait la dernière main à ces transcriptions – et restauré en 2012-2013 par Edwin Beunk, le pianiste russe, dans l’acoustique un peu trop généreuse de l’église mennonite de Haarlem, impressionne toujours par son culot, son panache et sa force d’expression – le développement de chacun des deux premiers mouvements est phénoménal – quitte à déraper assez souvent dans des coquetteries pas toujours bienvenues, notamment dans la Huitième. Mais il est difficile de résister à l’inventivité, au plaisir digital et à la puissance orchestrale de Martynov, même s’ils sont parfois assez loin de l’original, de telle sorte que l’impatience est grande d’entendre les Quatrième, Cinquième et Neuvième, encore à venir (ZZT336). SC




Beethoven en Blu-ray: Jansons impeccable





Vendre une intégrale des Symphonies de Beethoven en Blu-ray n’est pas une chose aisée, tant la plus-value de l’image doit résider dans une réalisation habile (celle de Hisao Tonooka est impeccablement professionnelle) et, surtout, dans une baguette expressive. Celle de Mariss Jansons (né en 1943), irréprochable et charismatique, n’est pourtant pas la plus «parlante» en vidéo... et l’on est enclin à penser que l’art du chef letton s’apprécie davantage au disque, tant est grand le contraste entre la relative sobriété corporelle et la richesse folle de son interprétation. Alors que le coffret CD de cette intégrale Jansons avec la Radio bavaroise (BR Klassik) associait des concerts à la Herkulessaal de Munich et au Suntory Hall de Tokyo, ces live de 2012 ont tous été filmés au Japon (lors d’un «marathon» parcouru du 26 novembre au 1er décembre). Ils constituent de superbes témoignages de la rigueur sobre des instrumentistes du Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (qui connaissent leur Beethoven), auxquels Jansons diffuse vivacité et emballement dans une veine très Sturm und Drang. Allégeant les lignes, le résultat convainc davantage dans sa dimension apollinienne (avec une superbe Pastorale et une fière Septième notamment) que dionysiaque. Offertes en bonus, les répétitions de la Troisième (montées comme un documentaire, avec des interviews de musiciens) déçoivent quelque peu par le conformisme de l’approche – trop orientées vers l’œuvre et pas assez vers l’interprétation (coffret Arthaus Musik de trois Blu-ray 107536 ou trois DVD 107537). GdH




Beethoven outre-Atlantique: à front renversé


        


Davantage que les enregistrements (tous deux en public) en eux-mêmes, c’est la confrontation de deux albums de symphonies de Beethoven récemment publiés outre-Atlantique qui crée la surprise. Méticuleux quoique non exempt de scories, le premier, consacré aux Cinquième et Septième, ne parvient pas à trouver un équilibre satisfaisant entre les pupitres et manque de dynamisme, l’énergie tenant lieu d’élan. Plus propre, souple et tiède, le second, qui réunit les Première et Septième, porte la marque des «baroqueux», jusqu’à un maniérisme inattendu dans le phrasé. Inattendu, car il s’agit de Kent Nagano à la tête de son Orchestre symphonique de Montréal, dans le quatrième volume de leur intégrale (Sony 88843036172). Inattendu, car dans l’autre disque, le premier qu’autoédite l’Orchestre de chambre Orpheus, on n’attend pas du tout l’ensemble new-yorkais qui, depuis sa création en 1972, joue sans chef: sans remonter au Collegium aureum, il n’est pas le premier à «oser» Beethoven de la sorte, mais dans ce même défi et dans ces mêmes deux symphonies (parues successivement en 2010 et 2011), l’ensemble Les Dissonances avait bien mieux réussi (OCO BEE 001). SC




Vijay Iyer, le jazz et le classique





Bien connu en tant que pianiste de jazz, Vijay Iyer (né en 1971) présente un premier programme chez ECM qui met en évidence ses racines classiques par sa récente composition Mutations (2013) alors que les trois brèves pièces qui l’accompagnent restent plus directement reliées au monde du jazz. Pour ce violoniste de formation, le quatuor à cordes reste un univers privilégié et il conçoit Mutations pour quintette avec piano et électronique. Quel que soit le genre de ses compositions, l’improvisation et l’électronique jouent un rôle important et l’élaboration des dix volets de l’œuvre, chacun sur une cellule récurrente ou une dynamique figurée, s’est faite non seulement dès l’écriture mais au fur et à mesure de leur «inscription en temps réel» au cours des exécutions, grâce en partie à l’initiative laissée aux musiciens à l’intérieur de cadres stricts et à la palette sonore créée par ordinateur. Les titres accordés aux dix épisodes tous en mutation révèlent ses intentions: «Air», «Rise», «Canon», «Chain», «Automata», «Waves», «Kernel», «Clade», «Descent», «Time». La volonté et la maîtrise des cinq musiciens – Miranda Cuckson et Michi Wiancko (violons), Kyle Armbrust (alto), Kivie Cahn-Lipma, (violoncelle) et Iyer lui-même (piano et électronique) – tous de formation classique, favorise l’éclosion d’une recherche sonore non négligeable qui ne fuit ni la joliesse ni l’abrasif. Le résultat un peu hypnotique dénote l’influence du jazz et de certaines caractéristiques minimalistes, voire de celle des résonances particulières du sitar. Le pianiste indo-américain interprète seul la pièce la plus ancienne Spellbound and Sacrosanct, Cowrie Shells and the Shimmering Sea pour piano, et les récentes Vuln, Part 2 et When We’re Gone pour piano et électronique, trois miniatures jazziques, finement colorées, limpides et séduisantes (ECM 376 4798). CL




L’Enlèvement à Glyndebourne





Après de bonnes Noces et de plus ternes Don Giovanni et Così, Arthaus poursuit avec L’Enlèvement au sérail, capté en 1980, ses rééditions de représentations mozartiennes données voici plus de trente ans à Glyndebourne. Le festival anglais déploie d’importants moyens – nombreux figurants, volière en allégorie presque trop explicite de la privation de liberté, opulents décors arabisants de William Dudley, qui font découvrir le palais du pacha sous toutes ses coutures, de la façade aux chambres en passant par les cours – autour de la mise en scène de Peter Wood (né en 1927), bien saisie par le réalisateur Dave Heather et dont l’humour léger est nuancé par des images réalistes de l’esclavagisme et de la torture. La Konstanze de Valerie Masterson (née en 1937) a des aigus moins agréables que ceux de la Blondchen de Lilian Watson (née en 1947), mais ne manque pas de vaillance. En Belmonte, Ryland Davies (né en 1943) manque moins de puissance que d’élégance, avec à ses côtés James Hoback, Pedrillo de caractère. Incarnant Osmin sans verser dans la caricature, Willard White (né en 1946) excelle vocalement et fait preuve d’une vis comica qu’on ne lui aurait pas nécessairement attribuée. A la tête d’un Philharmonique de Londres globalement correct, Gustav Kuhn tend parfois à épaissir les textures et à ralentir le tempo, mais on s’est sans doute habitué depuis lors à un Mozart plus vif et allégé. Dommage que le sous-titrage soit trop souvent fantaisiste – décalages, coquilles, libertés avec le texte (102 310). SC




Vincent Larderet: un ton personnel dans Ravel





Encore un disque de musique pour piano de Ravel. Dédiant cet album à Vlado Perlemuter, interprète de référence de ce répertoire, Vincent Larderet sort du lot grâce à une sonorité opulente et un ton personnel. Le pianiste français, qui ne bénéficie pas (encore) de la notoriété qu’il mériterait, restitue remarquablement le profil harmonique, mélodique et rythmique des œuvres choisies. Bien qu’«Ondine» débute trop lentement, choix de tempo, du reste, assumé, Gaspard de la nuit affirme un goût sûr. Cet ancien élève de Carlos Cebro (lui-même élève de Perlemuter) pénètre le mystère obsédant du «Gibet», d’une régularité rythmique impeccable, et conclut sur un «Scarbo» diablement inventif et remarquablement défini. Anguleuse, heurtée, inconfortable, La Valse ne manque pas d’impressionner, de même que Jeux d’eau, caractérisés par des tempi allants, mais la Pavane pour une infante défunte convainc aussi peu que celle de Florian Billot. Ce disque comporte, enregistrés, semble-t-il, pour la première fois, des extraits de Daphnis et Chloé dans la version pour piano de Ravel: celle pour orchestre demeure incomparable mais Vincent Larderet en recrée l’univers poétique et sonore de belle manière (Ars Produktion ARS 38 246, sortie en France le 3 avril 2014). SF




Lieder de Mahler: Bello, Connolly, Eckstein


                       

             


Après de remarquées Deuxième Symphonie avec Zander et Troisième avec Maazel (lire ici), Sarah Connolly (née en 1963) s’impose décidemment comme une grande interprète de la musique de Gustav Mahler. La mezzo anglaise domine Le Chant de la terre de la tête et des épaules, plus spécialement convaincante dans l’«Abschied» (où elle révèle pleinement son incontestable familiarité avec l’univers mahlérien). En regard, Toby Spence – qui n’a pas le format naturel du rôle – force une voix à la justesse irréprochable mais qui agresse souvent, pénible dans ses efforts pour passer l’Orchestre philharmonique de Londres. Yannick Nézet-Séguin apporte sa splendide énergie au service d’une vision aux couleurs un peu claires et trop brillantes. Une baguette trop allègre pour Mahler (London Philharmonic Orchestra LPO-0073). C’est avec une formation chambriste – l’impeccable Ensemble Linos – que Marion Eckstein donne sa vision des Kindertotenlieder (version Schönberg/Riehn). Les tempos retenus aboutissent toutefois à un amollissement général du discours. Surtout, malgré ses qualités objectives, la contralto allemande donne le sentiment de déclamer plutôt que de chanter les poèmes de Rückert. L’intimisme vire souvent à la neutralité de ton, voire à l’ennui profond. Eckstein est beaucoup plus à l’aise avec Berg, apportant une raucité bienvenue et une expression pénétrante aux Altenberg-Lieder. Soulignons d’ailleurs un programme intelligent, où l’enchaînement entre la fin des Kindertotenlieder et le Concerto pour violon de Berg (archet chaleureux de Winfried Rademacher) est du plus bel effet (Capriccio C5135). Un mot enfin sur le Knaben Wunderhorn chanté par Omo Bello (née en 1984). La soprano franco-nigériane est certainement un bel espoir du chant. Elle se fourvoie totalement dans ce Mahler sans style ni tenue. Une voix gazouillante – bien scolaire pour ce répertoire –, une énergie vocale à canaliser, un résultat hors sujet. Seule la version à quatre mains du dernier mouvement de la Quatrième Symphonie (sans grande fantaisie, mais avec du charme) retient l’oreille, Etsuko Hirose se joignant pour l’occasion à Julien Guénebaut (Eloquentia EL1238). GdH




Un Wozzeck d’une noirceur incandescente





Brilliant Classics réédite dans sa très économique «Opera Collection» le Wozzeck enregistré en public le 9 avril 1973 à Leipzig et déjà édité à plusieurs reprises chez Berlin Classics (dernièrement en 2008). Herbert Kegel (1920-1990), dont on ne se lasse décidément pas de redécouvrir l’héritage discographique (que ce soit dans Orff, Hindemith ou, à un moindre degré, Schönberg), avait dirigé les Trois Fragments de l’opéra de Berg sept ans plus tôt avec Hanne-Lore Kuhse et le même Orchestre symphonique de la Radio de Leipzig, dont il a été directeur musical (1960-1978) puis chef honoraire. Mais ici, comme dans l’enregistrement de Mitropoulos (Sony), la prise sur le vif contribue sans doute à expliquer la formidable tension qui y règne de la première à la dernière mesure. Toujours aussi acérée, la baguette du chef allemand met le feu à l’orchestre, avec un plateau vocal remarquablement intéressant et totalement impliqué, qu’il s’agisse de Theo Adam (né en 1926) dans le rôle-titre, de Gisela Schröter (1928-2011) en Marie ou de Reiner Goldberg (né en 1939) en capitaine (album de deux disques 94699). SC




Le Trio Osiris: pas divin mais quand même remarquable





Constitué en 1988, le Trio Osiris a enregistré La Nuit transfigurée dans l’arrangement pour trio avec piano d’Eduard Steuermann (1892-1964), qui a étudié la composition avec Schönberg. Cela vaut la peine de connaître cette adaptation habile et fidèle, pourquoi pas grâce à cette interprétation cohérente et précise, bien que manquant de densité. Les musiciens néerlandais complètent le programme avec un autre compositeur émigré aux Etats-Unis pour fuir le nazisme: Karl Weigl (1881-1949), dont le Trio pour piano (1939) évoque Brahms, Zemlinsky et le jeune Schönberg. Le Trio Osiris livre une exécution convaincante de cette œuvre qui ne manque pas d’intérêt (Challenge Classics CC72614). SF




La rédaction de ConcertoNet

 

 

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