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CD, DVD et livres: l’actualité de décembre
12/15/2013


Le meilleur de 2013 en disques, DVD et livres


2013, les disques, DVD et livres des bicentenaires Verdi et Wagner




Les chroniques du mois




 Sélectionnés par la rédaction


   Centenaire du Théâtre des Champs-Elysées


   Ciro in Babilonia à Pesaro


   La pianiste Momo Kodama


   Mariss Jansons dirige Britten




 Oui!

Le Quatuor Sine Nomine interprète Pejacevic
Marcus Creed dirige Hindemith
Idil Biret interprète Hindemith
Gunter Teuffel interprète Hindemith
Sébastien Hurtaud interprète Hindemith
Judith Ermert interprète Hindemith
Herbert Kegel dirige Hindemith
Paul McCreesh dirige Britten
Le Quatuor Béla interprète Ligeti
Guy Van Waas dirige Thésée de Gossec
Les concertos pour violon et violoncelle de Saint-Saëns
Ravel à Glyndebourne (2012)
Leonard Bernstein répète les Variations «Enigma»
Les Grands Chefs d’orchestre du XXe siècle


 Pourquoi pas ?

Zubin Mehta dirige les Gurre-Lieder
Daniil Trifonov en récital à Carnegie Hall
El Nino d’Adams au Châtelet (2000)
The Perfect American de Glass à Madrid (2013)
Musique rituelle maçonnique de Sibelius
L’Ame et la corde d’Ivry Gitlis
Decca rend hommage à Ivry Gitlis
Jean-Philippe Collard interprète Chopin


Pas la peine
Daniil Trifonov interprète Chopin
Christoph Eschenbach dirige Hindemith
Valery Gergiev dirige Szymanowski
Nikolaï Lugansky interprète Grieg et Prokofiev
Tosca à Madrid (2004)
David Galoustov et Caroline Sageman interprètent Beethoven


Hélas!
Moby-Dick de Heggie à San Francisco (2012)
Valery Gergiev dirige Brahms
Thomas Zehetmair dirige Debussy et Ravel





L’entretien du mois



Momo Kodama







Le match du mois


    
War Requiem: Jansons ou McCreesh?







En bref


Première discographique pour Thésée de Gossec
Ligeti et le Quatuor Béla: une heureuse rencontre
Portraits d’I. Gitlis: «L’Ame et la corde», la parole et le son
Des Saint-Saëns de bon sens
(Christian) Merlin et les grands de la baguette
Bernstein en répétition dans les Variations «Enigma»
La force tranquille: Jean-Philippe Collard revient à Chopin
Une Tosca sans voix
Galoustov et Sageman: une intégrale Beethoven de trop
Deux versions de la Musique maçonnique de Sibelius
Gergiev: ni Brahms, ni Szymanowski
Des Ravel à déposer au pied du sapin
Pas de cadeau pour Ravel et Debussy
Lugansky dans Grieg et Prokofiev: une mauvaise surprise





Première discographique pour Thésée de Gossec





Thésée de Gossec, une des œuvres les plus originales et les plus abouties de toutes celles composées à Paris entre Iphigénie en Aulide de Gluck et La Vestale de Spontini, comme l’affirme Benoît Dratwicki dans la notice, n’avait jamais été enregistré. Créée à l’Académie royale de musique en 1782, cette tragédie lyrique en quatre actes repose sur un livret de Quinault (le même que celui du Thésée de Lully) revu par un certain Etienne Morel de Chédeville. Ces presque deux heures de musique s’écoutent avec intérêt. Les amateurs du genre et les curieux prêteront donc à ce beau livre-disque, soutenu par l’incontournable Palazzetto Bru Zane, toute l’attention qu’il mérite. L’interprétation se hisse à un niveau plus que convenable: quelques personnalités dominent une distribution par ailleurs sans faiblesse, comme Frédéric Antoun (Thésée), Virginie Pochon (Eglé) et Jennifer Borghi (Médée), tandis que Les Agrémens, rigoureusement dirigés par Guy Van Waas, déploient une sonorité acérée et facilitent la progression de l’action (Ricercar RIC 337). SF




Ligeti et le Quatuor Béla: une heureuse rencontre





Le jeune Quatuor Béla, fondé en 2005, se consacre principalement aux œuvres aventureuses du XXe siècle et aux pages nouvelles parfois composées à leur intention, par exemple de Daniel d’Adamo, Thierry Blondeau ou Garth Knox. Ses deux grandes qualités sont la fine musicalité et la clarté exigeante avec lesquelles il donne vie aux quatuors connus comme à ceux qu’il crée. Ligeti s’impose donc de soi au cœur de leur répertoire. Le Premier Quatuor «Métamorphoses nocturnes» (1953-1954), qui donne son titre à l’ensemble de l’album, peut être abordé aussi bien comme «une œuvre en un seul mouvement que comme une suite de nombreux mouvements brefs qui se fondent les uns dans les autres de manière continue ou, au contraire, s’opposent les uns aux autres de manière abrupte» (Ligeti). Le Quatuor Béla semble faire les trois à la fois tant les modes de jeu hardis, les tempi, les rythmes et la dynamique sont adroitement mais fermement contrastés alors que la transition est aisée, le phrasé fluide et la logique musicale clairement établie. Si ce Premier Quatuor s’inscrit dans un prolongement de la tradition à la suite de Bartók, le Second (1968) est en rupture, privilégiant l’évolution du son et des textures sur le développement thématique et la recherche timbrale sur la note à l’instar de compositions contemporaines tels le statique Lontano ou les Aventures, plus fragmentées. En cinq mouvements audacieux, l’un après l’autre nerveux, calme, mécaniquement précis, brutalement tumultueux et délicatement vif, le Quatuor déferle avec énergie ou subtilement se déploie grâce à l’adresse, la prouesse technique, la précision et l’expressivité violente ou poétique des quatre musiciens. En complément, Luc Dedreuil propose la Sonate pour violoncelle seul de la période dite «hongroise» de Ligeti, respectant le caractère opposé des deux mouvements, le premier, «Dialogo» de 1948, lyrique et lumineux, le second, «Capriccio» de 1953, vigoureusement virtuose. Les versions enregistrées de ces trois œuvres abondent, mais le souffle du Quatuor Béla constitue un atout indéniable (aeon AECD 1332). CL




Portraits d’Ivry Gitlis: «L’Ame et la corde», la parole et le son


        


Un livre et cinq disques pour rendre hommage à Ivry Gitlis (né en 1922) – c’est toujours bon à prendre tant le musicien israélien est une figure attachante et familière. Seconde édition de L’Ame et la corde d’abord, ses mémoires publiés en 1980 et complétés par un chapitre assez émouvant («Les années ont passé, avec cette terrifiante marche vers cette fin à la fois prévisible et imprévisible – imprévisiblement prévue, pourrait-on dire») où le violoniste résume quelques moments de vie et commente divers sujets (la séparation de son couple, les musiciens juifs, Martha Argerich, le Japon...) – c’est très décousu mais sincère, assurément touchant pour les fans de l’artiste (Buchet Chastel). Publication par Universal d’un élégant coffret qui fait la part belle au Paganini intensément tzigane de Gitlis, reprenant les Caprices parisiens de 1976 – une version «pas pleinement satisfaisante d’un point de vue technique, de l’aveu même du violoniste israélien, mais animée par une gourmandise et un appétit de jouer tout à fait réjouissants» (lire ici). Il faut aimer, dans le Premier Concerto capté dix ans plus tôt, ce brio en mal de justesse – franchement déridant par son anticonformisme débridé (acoustique de boîte de conserve, malheureusement). Du coup, le Concerto en si mineur, bien plus sage et de facture classique, intéresse moins. Dans le troisième disque, l’Orchestre national de Monte-Carlo ne fait pas d’ombre au geste superbement fougueux et lyrique de Gitlis, amoureusement virtuose dans les Concertos de Wieniawski (avec Casadesus en 1969), idéalement romantique dans les Deuxième et Quatrième de Saint-Saëns (avec Eduard van Remoortel en 1968). Le disque suivant (deux concerts parisiens) est le plus sérieux... celui aussi où le style de Gitlis semble le plus incongru. D’un toucher débridé et approximatif dans le Double Concerto de Brahms en février 1971(avec Tabachnik et le National – pas brahmsiens pour un sou), formant un duo téméraire mais très instable avec le violoncelle de Maurice Gendron. Plus attendrissant malgré un certain manque de rigueur (et une tendance au larmoyant) dans le Concerto «A la mémoire d’un ange» de Berg (avec le National toujours, dirigé par Fritz Rieger en juillet 1967). Quant au dernier disque, il réunit une brochette de sucreries et de bis «favoris» (de la Méditation de Thaïs au Liebesleid), des enregistrements datant des années 1980 et 1990 – qui viennent parfois un peu tard (comme ces Six Danses populaires roumaines de Bartók avec Shuku Iwasaki au piano, en 1995). Mais l’ensemble forme un hommage réussi et fidèle au violoniste israélien (Decca 5346246). GdH




Des Saint-Saëns de bon sens





Selon le même principe que pour l’intégrale des Concertos pour violon de Vieuxtemps parue il y a deux ans chez Fuga Libera, des jeunes musiciens en résidence à la Chapelle musicale Reine Elisabeth se partagent les œuvres orchestrales pour violon et pour violoncelle de Saint-Saëns, cette fois chez Zig-Zag Territoires. Il s’agit d’une réussite équivalente, encore que les interprétations, toutes impeccablement stylées et techniquement justes, manquent parfois d’audace. Néanmoins, ces trois disques pleins à ras bord se caractérisent par une qualité d’exécution constante: les violonistes et les violoncellistes, qui développent sans exception une sonorité absolument remarquable, restituent l’élégance de cette musique sans exprimer plus que ce qu’elle contient. Augustin Dumay et Gary Hoffman, maîtres en résidence à la Chapelle, peuvent manifester de la fierté à l’égard de leurs protégés: les citer tous serait fastidieux, en nommer certains, injuste envers les autres, mais cette publication légitime et soignée constitue une excellente opportunité de découvrir des artistes talentueux qui, pour la plupart, s’épanouiront encore davantage s’ils mènent leur parcours professionnel avec sagesse. Sous la direction de Christian Arming, l’Orchestre philharmonique royal de Liège affiche autant de sveltesse, de transparence et de vigueur que dans les Vieuxtemps. Un reproche à formuler mais de nature non musicale: la minceur des caractères d’imprimerie utilisés dans la notice en rend la lecture fatigante (ZZT 335). SF




(Christian) Merlin et les grands de la baguette





Après les violonistes, les chanteurs et les pianistes (voir ici), Buchet Chastel recense Les Grands Chefs d’orchestre du XXe siècle. Qui mieux que Christian Merlin, déjà auteur d’un encyclopédique et passionné Au cœur de l’orchestre (Fayard), pouvait traiter le sujet? Bien que fourmillant de connaissances, anecdotes et références, cette série de biographies se révèle d’une lecture tout à fait aisée et plaisante mais gagnera sans doute à ne pas être abordée d’une traite, vu le caractère répétitif de l’exercice (principales étapes de la vie et de la carrière, puis évocation du style et de la personnalité). De Toscanini à Rattle, on pourra évidemment chipoter sur la sélection des cinquante élus – dont douze vivants – mais c’est inhérent à ce type d’entreprise, d’autant que l’auteur a visiblement parfois eu pour parti pris de retenir certains noms au moins autant pour ce qu’ils représentent que pour leur talent proprement dit – tout est relatif! Un chapitre intitulé «Notices biographiques» offre toutefois un repêchage d’une à deux pages à vingt-cinq autres chefs de la trempe de Dorati, Krips, Talich ou Weingartner. Comme de coutume dans cette collection, l’ouvrage est complété par un disque dont la compression au format mp3 permet de présenter, en plus de 9 heures de musique, le témoignage de l’art de trente-sept de ces chefs, dans leur répertoire de prédilection et, parfois même, dans des œuvres intégrales, comme L’Ile des morts de Rachmaninov avec Koussevitzky, la Quatre-vingt-huitième de Haydn avec Szell, La Mer de Debussy avec Munch ou la Sinfonietta de Janácek avec Kubelík (421 pages, 23 euros). SC




Bernstein en répétition dans les Variations «Enigma»





Ce document témoigne de l’unique collaboration entre Leonard Bernstein et l’Orchestre symphonique de la BBC. Le chef américain encourage les musiciens à quitter leur zone de confort lors de la répétition des Variations «Enigma»: le premier violon, qui a joué sous sa direction au Philharmonique de New York, manifeste son incrédulité, les trompettistes leur désaccord. Cela peut se comprendre tellement Bernstein étire les passages lents – au concert, «Nimrod» dure 5 minutes – et privilégie des tempi plus prestes qu’à l’accoutumée dans les variations rapides. Bien qu’une légère tension se perçoive dans les rangs de l’orchestre durant la répétition, il garde le cap avec la décontraction, l’humour et la passion dont il est coutumier – quel charisme. Dans un entretien avec Berry Norman, le chef, assis au piano et clope aux lèvres, n’hésite pas à qualifier Elgar de génie à l’égal de... Sir Arthur Sullivan. Le concert du 14 avril 1982 au Royal Festival Hall se limite malheureusement à ces Variations surprenantes: voyez, par exemple, comme il tranche dans le vif dans la Variation VII et comme il creuse la dynamique dans la conclusion. L’interprétation manque d’unité, de subtilité, de retenue, certes, mais certainement pas d’engagement. L’orchestre n’affiche pas un niveau extraordinaire mais il se montre suffisamment persuasif. Sacré Lenny! (ICA Classics ICAD 5098) SF




La force tranquille: Jean-Philippe Collard revient à Chopin





Une force tranquille. C’est l’impression qui se dégage du Chopin de Jean-Philippe Collard. Le pianiste français (né en 1948) a réenregistré, en avril 2013, le compositeur polonais pour La dolce volta. Un Chopin d’une maturité consommée, à la fois serein et coloré, minutieusement dosé («je cherche à manipuler le son pour modeler la phrase musicale afin que chaque note obtienne son poids spécifique»). Idéalement lovés dans une prise de son chaleureuse, les Préludes sont brossés tout en délicatesse, faits de sentiments pudiques dont les rares emballements sont autant de claques saisissant l’auditeur (le Quatrième Prélude est, à ce titre, un modèle de construction chopinienne). Seules une impression générale un tantinet apathique et, par moments, une articulation déroutante (Huitième) et un toucher engourdi (Seizième ou Dix-Huitième) altèrent quelque peu l’enthousiasme. On est moins emballé par la Deuxième Sonate, qui fait certes l’objet d’un travail très approfondi, mettant en valeur – subtilement mais inexorablement – la main gauche. On bute parfois, en revanche, sur une certaine dureté de la frappe, qui rehausse la douleur de la Marche funèbre mais brutalise un peu le Scherzo. On regrette aussi la brièveté de ce disque de moins d’une heure... (LDV 09). GdH




Une Tosca sans voix





Dans sa série à prix médian (et à notice minimaliste) «The Essential Opera Collection», Opus Arte réédite une Tosca captée les 19 et 22 janvier 2004 à Madrid. La direction d’acteurs de Núria Espert est soignée et inventive, les décors d’Ezio Frigerio et les costumes de Franca Squarciapino sont ce qui se fait de moins poussiéreux, respectivement, dans le genre pharaonique et fidèle (au lieu et à l’époque), l’ensemble est saisi de façon pertinente par les caméras d’Angel Luis Ramírez. Dans la fosse, la baguette exemplaire de Maurizio Benini magnifie le détail sans perdre la ligne dramatique. Ce qui manque simplement à cette production, ce sont les voix, bien que les trois rôles principaux sont confiés à des Italiens. Cardinal à la tête d’une escouade d’ecclésiastiques policiers, Ruggero Raimondi possède une prestance scénique inversement proportionnelle à sa capacité à chanter les notes, ce qui ne surprendra guère. Chez Daniela Dessì et chez Fabio Armiliato, réunis une fois de plus à la scène comme ils sont unis à la ville, l’aigu est aussi puissant que la précision inégale et, surtout, le style trop souvent débraillé, frôlant la facilité et la complaisance. D’un point de vue pratique, le visionnage est fâcheusement interrompu par le fait que le troisième acte figure sur un second DVD, comprenant par ailleurs plus de 50 minutes d’entretiens successifs avec les principaux protagonistes de ce spectacle (Dessì, Armiliato, Raimondi, Benini et Espert, interviewée par Emilio Sagi, alors directeur artistique du Teatro Real), aussi inévitables que prévisibles (album de deux DVD OA MO6002 D). SC




Galoustov et Sageman: une intégrale Beethoven de trop





Encore une intégrale des Sonates pour violon et piano de Beethoven qui passera inaperçue, sauf, peut-être, auprès des personnes qui ont assisté à ces concerts en 2010 et 2011 à La Criée de Marseille. David Galoustov (né en 1980) et Caroline Sageman (née en 1973) en réussissent certaines mieux que d’autres. Trop anguleuse et bousculée, la Cinquième «Le Printemps», par exemple, indiffère, mais la Neuvième «A Kreutzer», solidement charpentée, tient la route. Celles de l’Opus 12 soutiennent l’attention: le duo équilibre les proportions, ne force jamais le trait, y insuffle de la vitalité. En revanche, la Sixième et la Septième déçoivent à cause d’un ton trop uniforme et d’un violon moins séduisant. Les interprètes convainquent davantage dans une Quatrième, une Huitième et une Dixième bien tenues. Il aurait mieux valu en retenir le meilleur sur un seul disque (Lyrinx 2267). SF




Deux versions de la Musique maçonnique de Sibelius





La Musique rituelle maçonnique est la seule parmi les rares œuvres à caractère religieux à laquelle Sibelius attribua un numéro d’opus (113). Commande de la loge maçonnique Suomi Loosi, elle fut longtemps en gestation, allant de 1926-1927 à 1948 et de huit volets (pour ténor et harmonium) à douze ‘pour ténor, chœur d’hommes et orgue, grâce à l’instrument acquis par la Loge en 1946). C’est en 1938 que la décision fut prise de conclure l’œuvre sur une version d’inspiration maçonnique pour chœur d’hommes a cappella de l’hymnique épisode central de Finlandia. Les douze volets, conçus pour les cérémonies de Suomi Loosi, se composent par conséquent de marches, processions et chants de caractère hymnique. Sibelius, freiné, semble ne pas y donner le meilleur de lui-même mais son génie mélodique et sa capacité de toucher, d’inspirer, d’enflammer et d’unir par la musique comme avec le chœur Finlandia, devenu le second hymne national de son pays, restent pleinement opérationnels. BIS avait déjà proposé un enregistrement de cet Opus 113 selon l’édition définitive de 1950. Cette nouvelle parution présente les douze volets dans un autre ordre, celui de la version orchestrée – commande de Suomi Loosi à Jaakko Kuusisto en 2007 – qui l’accompagne. C’est une musique de circonstance et on la reçoit comme telle mais la «Marche funèbre» en particulier contient un thème mélodique aux intervalles sibéliens, et le timbre à l’exotisme nordique de la puissante voix du ténor Hannu Jarmu est à la fois saisissant, coloré et expressif. On l’apprécie tout particulièrement dans «Salem» (n° 6) et et le «Chant de louange» (n° 9). L’organiste Harri Viitanen a opté pour la partition autographe de 1926-1927 pour les huit volets alors en existence, adjoignant aux douze la version révisée (1948) de l’«Hymne d’ouverture» (n° 1) pour orgue seule et la version alternative (1927) sans ténor de «Pensée véritable» (n° 2). Le Chœur d’hommes YL intervient à bon escient, correctement sans plus. Jaakko Kuusisto trouvait inconvenant de chercher à approcher le style du sublime orchestrateur qu’était Sibelius et son orchestration avec orgue (Pauli Pietiläinen), sans «Finlandia», reste peu aventureuse, sa direction de l’Orchestre symphonique de Lahti révélant néanmoins la riche ampleur potentielle de la composition. Le chant est entièrement confié à la voix soliste. Comparée à celle de Hannu Jurmu, la voix de Mika Pohjonen semble plus opératique, le timbre de style plus russe, mais, incontestablement, on doit la joie de l’écoute de cet enregistrement à la prestation convaincue de ces deux ténors captivants (BIS CD-1977). CL




Gergiev: ni Brahms, ni Szymanowski


        


En octobre et décembre 2012, Valery Gergiev et son Orchestre symphonique de Londres ont présenté à Pleyel un cycle Brahms/Szymanowski: curieuse idée, car si les deux musiciens ont chacun écrit quatre symphonies, c’est sans doute à peu près tout ce qu’ils ont en commun. La captation de ces programmes par LSO Live, réalisée en public au Barbican entre octobre 2012 et mars 2013, non seulement ne justifie pas rétrospectivement ce mariage de la carpe et du lapin mais n’honore guère les deux compositeurs, même considérés séparément. Ainsi d’un Brahms d’une germanité caricaturale, puissant mais massif et pesant, laborieux et poussif, privé d’inspiration et abusant des ralentis expressifs: dans la Première Symphonie comme dans la Deuxième, où toutes les reprises sont hélas respectées, mais aussi dans les compléments les Variations sur un thème de Haydn et l’Ouverture tragique, comme dépourvue du moindre enjeu, Gergiev paraît ne pas trouver d’intérêt à diriger cette musique (album de deux SACD LSO0733). Dans Szymanowski, aussi bien celui de la phase «impressionniste» – Troisième Symphonie «Chant de la nuit» (avec le ténor Toby Spence) – que celui de la période «nationale» – Stabat Mater (avec trois solistes en forme assez moyenne) et Quatrième Symphonie (concertante, avec un Denis Matsuev qui se croit encore chez Prokofiev) – le chef russe, volontiers martial, velléitaire et démonstratif, a trop souvent la main lourde (SACD LSO0739). SC




Des Ravel à déposer au pied du sapin





Etrangement, L’Heure espagnole et L’Enfant et les sortilèges de Ravel n’avaient été réunis qu’une seule fois en DVD. Enregistrée l’année passée à Glyndebourne, cette version tombe à point nommé à l’approche de Noël. Laurent Pelly a imaginé un spectacle poétique, drôle et magique: quel plaisir de suivre ce cocasse chassé-croisé amoureux dans cet atelier encombré d’horloges (décor de Caroline Ginet et Florence Evrard) puis de vivre les mésaventures de ce petit garçon dans un monde dans lequel tout est trop grand pour lui (Barbara de Limburg). Dans cette mise en scène malicieuse et ciselée, les personnages et les objets s’animent irrésistiblement. Sous la direction imaginative de Kazushi Ono, l’Orchestre philharmonique de Londres revêt de bien belles couleurs tandis que les deux distributions affichent un niveau vocal sans doute pas exceptionnel mais digne de la réputation du festival. Stéphanie d’Oustrac, vive, piquante et spirituelle, incarne une Concepción tellement parfaite qu’elle laisse ses partenaires dans l’ombre. Les nombreux chanteurs réunis pour l’autre partie du diptyque forment quant à eux une équipe moins brillante mais plus homogène (Fra Musica FRA 008). SF




Pas de cadeau pour Ravel et Debussy





Mieux vaut oublier ce disque qui n’ajoute rien à la réputation, par ailleurs excellente, de l’Orchestre de chambre de Paris (anciennement Ensemble orchestral de Paris). La Pavane pour une infante défunte manque de souplesse et de charme, Le Tombeau de Couperin est raide, empâté («Forlane») et trop saccadé («Menuet»). Dans Tzigane, la finition instrumentale laisse à désirer mais c’est surtout la prestation au violon de Thomas Zehetmair, chef principal de la formation depuis 2012, qui consterne : sonorité moche, traits nerveux, ligne malmenée. Inutile de s’attarder sur la Sarabande et la Danse de Debussy orchestrés par Ravel mais la Petite Suite, à laquelle succèdent de ternes Danses sacrée et profane, procure enfin un peu de satisfaction, encore que la sonorité paraisse étriquée («En bateau») et que le «Menuet» progresse trop précipitamment (Naïve V 5345). SF




Lugansky dans Grieg et Prokofiev: une mauvaise surprise





Pour son troisième album chez Ambroisie/Naïve, Nikolaï Lugansky, passant du récital au concerto, ne renouvelle pas, tant s’en faut, la réussite des deux premiers, consacrés respectivement à Liszt et Rachmaninov. Bien sûr, la technique demeure toujours aussi souveraine, mais, tant dans le Concerto de Grieg que dans le Troisième de Prokofiev, des phrasés chichiteux et une interprétation qui ne renonce à une sorte d’indifférence que pour céder à des tentations grandiloquentes, spectaculaires ou purement virtuoses surprennent de la part d’un musicien aussi accompli et exigeant, même s’il y trouve manifestement des encouragements dans l’accompagnement de l’Orchestre symphonique allemand de Berlin et de Kent Nagano, qui en est le chef honoraire après en avoir été le Chefdirigent et directeur artistique de 2000 à 2006 (AM 210). SC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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