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CD, DVD et livres: l’actualité de septembre
09/15/2013



Les chroniques du mois




Must de ConcertoNet


   Renaud de Sacchini


   Œuvres complètes de Boulez




 Sélectionnés par la rédaction


   Alexeï Grynyuk interprète Liszt


   Pascal Dubreuil interprète Bach






 Oui!

Claudio Abbado répète le Requiem de Verdi
Ian Hobson dirige Martinů
A travers chants de Berlioz
Œuvres de René Leibowitz
Attila de Verdi au Mariinsky (2010)
La Tétralogie à Amsterdam (1999)
Raphaël Pichon dirige Bach
Marek Janowski dirige La Walkyrie
Jean-François Heisser interprète Albéniz
Stravinski dirige ses œuvres à Cologne
Jean-Efflam Bavouzet interprète Haydn
Daria Gloukhova interprète Haydn
Olivier Greif. Le Rêve du monde
Le violoncelliste Yan Levionnois
Vasily Petrenko dirige Chostakovitch
Saint-Saëns et Fauré par l’Orchestre de chambre de Paris
Gerd Albrecht dirige Schreker
Marie Vermeulin interprète Messiaen
Edition 2013-2014 de Musique et Opéra autour du monde
Wozzeck à Berlin (1994)




 Pourquoi pas ?

La Tétralogie à Francfort (2012)
Kotaro Fukuma interprète Albéniz
Dima Slobodeniouk dirige Holmboe
Bo Holten dirige Riisager
Cristina Ariagno interprète Hahn
Rumon Gamba dirige d’Indy
L’Amateur de Jérôme Pernoo
La guitariste Zsófia Boros
La soprano Teodora Gheorghiu
Des extraits du Ring à Bayreuth (2008)
Wolfgang Holzmair chante Schubert
Musique de chambre de Korngold
Vladimir Jurowski dirige Mahler
Sebastian Weigle dirige La Défense d’aimer de Wagner




Pas la peine
Michelle Makarski et Keith Jarrett interprètent Bach
Beaucoup de bruit pour rien de Korngold
Guennadi Rojdestvenski dirige Chostakovitch
Sebastian Weigle dirige Les Fées de Wagner




Hélas!
Paul Verona interprète Albéniz
Christoph Poppen dirige Eichberg
José Manuel Montero chante Schubert
La Musique. Retenir l’essentiel
Don Giovanni à Aix (2010)






Le match du mois


         
Iberia d’Albéniz: Fukuma, Heisser ou Verona?







En bref


En attendant une monographie d’Olivier Greif
Les nouvelles couleurs de l’Orchestre de chambre de Paris
Tour du monde de la saison 2013-2014 en deux tomes
Haydn au piano: Bavouzet continue, Gloukhova surprend
La «carte de visite» peu banale de Yan Levionnois
Korngold: beaucoup de bruit pour rien?
Nouvelles du Danemark (1): Knudåge Riisager
Nouvelles du Danemark (2): Vagn Holmboe
Nouvelles du Danemark (3): Søren Nils Eichberg
Le piano de Reynaldo Hahn
Sebastian Weigle dirige le jeune Wagner
L’Amateur, celui qui aime
Marie Vermeulin et Messiaen: des affinités particulières
Schreker de retour chez Capriccio
Stravinski à Cologne
Les camées Art Nouveau de Teodora Gheorghiu
Huitième volume de l’intégrale Chostakovitch de Petrenko
Bribes de Ring par Christian Thielemann
L’ailleurs de Zsófia Boros
Winterreise: Montero déraille, Holzmair décante
Un vadémécum musical qui étreint mal à force de trop embrasser
Un Wozzeck indispensable mais...
D’Indy en Islande
Chefs russes au London Philharmonic
Michelle Makarski et Keith Jarrett: un Bach prudent
Le morne Don Giovanni de Tcherniakov en DVD





En attendant une monographie d’Olivier Greif





Voici un ouvrage qui complète le coffret de douze DVD récemment consacré à Olivier Greif (1950-2000). Olivier Greif. Le Rêve du monde offre une compilation bien pensée de textes de musiciens, de musicologues et de proches de ce compositeur inopinément disparu. Les contributions éclairent sur l’homme, complexe et attachant, et sur sa musique, reconnue pour sa puissance expressive. Parmi les plus intéressantes figurent tout d’abord la biographie empreinte d’une pudique émotion d’un des frères du musicien, les analyses pénétrantes de Brigitte François-Sappey et Jean-Michel Nectoux, en charge tous deux de la direction de l’ouvrage, et le témoignage sensible du violoniste Alexis Galpérine. L’étude de l’œuvre par Benoît Menut s’attarde, exemples musicaux à l’appui, sur le langage singulier de celui qui s’est fait appeler Haridas durant sa retraite spirituelle – à ce titre, quelques contributeurs ne masquent pas leur doute quant à cette démarche qui semble s’être achevée sur une (relative) déception. Les extraits du journal du compositeur – une belle plume – et les photographies de ce dernier attisent le regret de n’avoir pas connu personnellement un musicien qui affirmait «Je suis un tragique, jamais un pessimiste» et dont la voix, agréable, et l’articulation, précise, peuvent être appréciées au moyen du disque qui accompagne ce livre. Preuve supplémentaire du sérieux de l’entreprise, les annexes comportent une discographie qui encourage à (re)découvrir cette musique et un catalogue qui témoigne de la soif de composer de cette personnalité singulière, surtout à la fin de son existence trop tôt abrégée. Une excellente solution de repli, dans l’attente de la grande monographie de référence consacrée à Olivier Greif, qui reste encore à écrire (Aedam Musicae, 354 pages, 24 euros). SF




Les nouvelles couleurs de l’Orchestre de chambre de Paris





L’Ensemble orchestral de Paris célèbre sa dynamique nouvelle sous son nouveau nom, l’Orchestre de chambre de Paris, par un premier enregistrement sous cette appellation, enregistré en septembre 2012 et faisant honneur par la même occasion à son chef principal et conseiller artistique, le violoniste Thomas Zehetmair (né en 1961), ainsi qu’à Deborah Nemtanu (née en 1983), violon solo super soliste de l’orchestre. Le programme lumineusement romantique réunit des oeuvres pour la plupart célèbres de Saint-Saëns et Fauré, son élève protégé. Deborah Nemtanu défend avec conviction le Premier Concerto (1859) du jeune Saint-Saëns. Elle en révèle l’élan rhapsodique et la liberté ailée des lignes mélodiques alors qu’elle laisse moins naturellement s’épanouir celles de la délicate Berceuse (1879) d’un Fauré presque aussi jeune. La violoniste attaque avec une autorité de bon aloi la maîtrise formelle de l’Introduction et Rondo capriccioso (1863). Son interprétation, peut-être plus sensible que celles brillamment extériorisées souvent entendues, ne manque pourtant pas de panache. La Romance, plus tardive (1874), reste assez pâle. C’est Fauré qui offre à l’orchestre l’occasion de montrer ses fines couleurs. Thomas Zehetmair dirige avec beaucoup de délicatesse la suite symphonique Pelléas et Mélisande, à l’origine une musique de scène, pour une production de la pièce de Maeterlinck à Londres que le compositeur remania avec grâce en 1898, intensifiant le mystère impalpable et la poésie étrange qui imprègnent ce drame symboliste (Mirare MIR 193). CL




Tour du monde de la saison 2013-2014 en deux tomes





Mélomanes de tous les pays, réjouissez-vous! Succédant à la dix-septième édition, la version 2013-2014 de Musique et opéra autour du monde se présente en deux volumes: l’un – nécessairement austère – est un calendrier exhaustif recensant, au fil des mois, la programmation de plus de quatre cents salles de concert et d’opéra en Europe et ailleurs; l’autre – plus illustré et orignal – s’attarde sur une cinquantaine d’institutions (dont il fournit coordonnées, spectacles, tarifs, plan des salles, photos...), agissant comme un guide de voyage spécialisé dans le classique! Ce second volume offre également une récapitulation des concerts d’une soixantaine d’interprètes de renom: vous souhaitez suivre à la trace Martha Argerich ou Hélène Grimaud? Connaître les engagements d’Esa-Pekka Salonen, Gustavo Dudamel ou Riccardo Muti? Savoir dans quelles salles se produiront Rolando Villazón, Jonas Kaufmann et Cecilia Bartoli? Cette publication est faite pour vous. Riches en couleur et édités dans un format de taille partition, les deux tomes sont volumineux et pas forcément accessibles à toutes les bourses (une offre spéciale permet néanmoins de se les procurer pour 79 euros au lieu de 97, hors frais de port). Mais l’édition est soignée et s’adresse plus particulièrement aux mélomanes itinérants – une espèce protégée... (Le Fil d’Ariane, 500 pages). GdH




Haydn au piano: Bavouzet continue, Gloukhova surprend


        


Les Sonates pour clavier de Haydn ont encore bien des choses à nous dire: voici en effet deux nouveaux albums qui leur sont consacrés et qui, bien que tous deux au piano, offrent des angles de vue tout à fait différents sur ce corpus. Jean-Efflam Bavouzet (né en 1962) poursuit à un rythme soutenu son intégrale, entamée fin 2009 chez Chandos (voir précédemment ici). Eclairé comme de coutume tant par le gai savoir de Marc Vignal que par une note d’intention de l’interprète, le cinquième volume comprend six sonates: trois en trois mouvements – les Douzième (vers 1755, d’attribution douteuse), Quinzième (vers 1760) et Trente-septième (1773) – et trois en deux mouvements, plus tardives (1784) – les Cinquante-quatrième, Cinquante-cinquième et Cinquante-sixième. On y retrouve la même fidélité constructive à l’esprit du texte: d’un côté, le pianiste français demeure dans les limites du classicisme, tout en demeurant à chaque instant vivant et inventif; de l’autre, toujours fasciné par l’univers haydnien, il y apporte une touche éminemment personnelle – si, dans le précédent volume, il avait choisi une cadence de Kocsis pour l’Andante central de la Trentième Sonate, cette fois-ci, il propose la sienne propre pour le Vivace assai de la Cinquante-sixième; et, dans une plage supplémentaire intitulée «Epilogue...», il offre une alternative étrangement lente pour le Trio du Menuet de la Douzième (CHAN 10736). Face à une telle réussite, donnait-on cher de l’album «Hommage à Haydn» de Daria Gloukhova (née en 1986)? Force est d’avouer que non, d’autant que la photo de couverture, révélant que les bras de l’interprète sont tatoués au nom et aux armoiries de Hummel, laisse quelque peu perplexe. Mais il se faut toujours se méfier des a priori, car si elle ne possède pas (encore) l’évidence et le naturel hors du temps de son aîné, si son jeu – peut-être aussi desservi par l’instrument – paraît plus raide et affirmatif, plus explicitement inquisiteur, moins séduisant et soucieux de raffinement, la pianiste russe ne manque en tout cas pas d’idées. Présentées dans l’ordre chronologique inverse, les quatre sonates de son programme témoignent en effet d’une approche très personnelle: la magnifique Cinquante-deuxième (1780) déjà beethovénienne, la célèbre Quarante-septième en si mineur (1776) à la fois fulgurante et glaciale, et la Quarante-sixième (1776) impertinente mais jamais superficielle. Quant à la Douzième, elle incite nécessairement encore plus à la comparaison avec Bavouzet, entre aspérités, d’un côté, et plus grande linéarité, de l’autre. Une nouvelle illustration éclatante de leurs différences est fournie par le Onzième Concerto (et son fameux final «à la hongroise») qui complète l’album, avec Pavel Gerstein dirigeant vigoureusement un orchestre innommé: quand Gloukhova écrit une cadence, elle s’aventure en plein romantisme, tandis que la fantaisie de Bavouzet ne s’écarte jamais de l’équilibre classique (Centaur CRC 3268). SC




La «carte de visite» peu banale de Yan Levionnois





Premier prix aux concours André Navarra et «In Memoriam Rostropovitch», Yan Levionnois (né en 1990) a enregistré un programme qui change de toutes ces «cartes de visite» aussi banales les unes que les autres. L’écoute en continu révèle l’enchaînement naturel des œuvres sélectionnées. Outre quelques courtes compositions plus ou moins intéressantes (Dolmen de Maratka, Klingende Buchstaben de Schnittke, Ghirlarzana d’Ibert), ce récital retient la Sonate pour violoncelle seul (1953) de Prokofiev, page inachevée, tardive et méconnue, ainsi que celle de George Crumb (1955) qui vaut d’être découverte. La Deuxième Suite (1967) de Britten complète ce bref panorama de la musique pour violoncelle seul du siècle dernier. Peu de réserves à formuler: la sonorité est d’une grande finesse, la technique impressionnante, sur le plan de la précision et des nuances notamment, mais la perfection et la pondération du jeu de Yan Levionnois tendent à amoindrir l’impact émotionnel de ces pièces ramenées au rang de beaux objets. L’éditeur a jugé utile d’adjoindre un second disque plus adapté, comme l’indique la notice, aux écoutes sur baladeur, ordinateur et en voiture. On n’arrête pas le progrès (Fondamenta FON-1210010). SF




Korngold: beaucoup de bruit pour rien?


        


Ces dernières années, Korngold a retrouvé quelque succès au disque et même à la scène (notamment La Ville morte) sinon au concert (hormis son incontournable Concerto pour violon), mais quelques aspects de sa production restent encore à découvrir. Ainsi de la musique écrite pour les représentations données en 1920 à Schönbrunn puis au Burgtheater de Vienne de Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare, dont Toccata Classics, éditeur d’une curiosité exemplaire, s’emploie à offrir le premier enregistrement intégral. Pour ce faire, les petits plats ont été mis dans les grands: les quatorze numéros de l’œuvre intégrale, dont l’esprit n’est pas très éloigné du Bourgeois gentilhomme illustré par Strauss huit ans plus tôt, ont été reconstitués à partir des sources originales (partition annotée du chef, matériel d’orchestre, correspondant à un effectif réduit à dix-neuf musiciens, et enregistrements réalisés par le compositeur), et la direction en a été confiée à John Mauceri (né en 1945), grand spécialiste du compositeur autrichien. Malheureusement, non seulement l’Orchestre symphonique de l’Ecole des arts de l’Université de Caroline du Nord (UNCSA) est à la peine, non seulement il faut subir l’accent américain des comédiens de cette école dans les passages associant texte et musique (dont une version purement instrumentale est toutefois offerte en fin de disque), mais on se rend surtout compte que la quintessence de cette partition, plus encore que pour Le Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn, se trouve déjà dans les cinq parties de la Suite d’orchestre que Korngold en a lui-même tirée (et dont il a également réalisé une version pour violon et piano). Le présent enregistrement n’apporte donc de nouveau qu’un court lied, des bribes éparses de pages purement instrumentales (certes plaisantes, mais d’une durée très brève – souvent à peine une minute – ou reprenant largement des extraits des cinq pièces de la Suite), et, en fin de compte, la «version originale» pour ensemble de chambre de ces cinq pièces (TOCC 0160). Moins soucieux de rareté, le programme publié sous l’étiquette Phil.harmonie manque de véritable cohérence. Dans un premier temps, Daniel Gaede (né en 1966), ancien Konzertmeister du Philharmonique de Vienne (1994-2001), et Xuesu Liu (qui forment avec le violoncelliste Julius Berger le Trio Cécile) semblent s’acheminer vers une intégrale de l’œuvre pour violon et piano: la Suite de Beaucoup de bruit pour rien ainsi que quatre courtes pièces – la Sérénade du ballet-pantomime Le Bonhomme de neige (1909), le «Caprice fantastique (Le Lutin)» tiré des Contes de fées (1910), dans un arrangement de Rozsika Revay, et les airs de Marie et de Pierrot extraits de La Ville morte (1920) – mais il y manque la pièce maîtresse, à savoir la Sonate opus 6. Cela étant, le violoniste allemand ne manque pas de charme et la prise de son est somptueuse... révélant un aigu pas toujours très au point. Dans un second temps, le Sextuor (1916), confié au Sextuor à cordes du Philharmonique de Berlin (Bernhard Hartog, Rüdiger Liebermann, Wolfram Christ, Walter Küssner, Georg Faust et Ansgar Schneider), vient justifier la publication de cet album chez un éditeur qui se consacre aux activités chambristes des musiciens berlinois, lesquels donnent ici une version dynamique et instrumentalement séduisante de cette contribution importante à un répertoire de qualité (Brahms, Tchaïkovski, Dvorák, Strauss, Martinù, Schulhoff...) mais qui reste assez étroit (PHIL. 06013). SC




Le piano de Reynaldo Hahn





La musique de Reynaldo Hahn retrouve depuis quelques années les honneurs du concert et du disque, mouvement que renforcera sans doute le retour triomphal de Ciboulette en février dernier à Favart. Ses œuvres pour piano seul demeurent toutefois méconnues, bien que nombreuses: bien que d’une durée de plus de quatre heures vingt, les quatre disques gravés par Cristina Ariagno (née en 1962), familière des répertoires français plus ou moins rares – elle a déjà enregistré L. Aubert, L. Boulanger, Debussy, Ibert, Ravel, Satie et le Groupe des Six –, n’en offrent pas (tout à fait) l’intégrale. Les deux premiers disques sont consacrés aux pièces regroupées sous le titre Le Rossignol éperdu (1899-1910), soit un ensemble de cinquante-trois «poèmes»: les trente premiers forment une «Première Suite», les trois autres sont répartis entre «Orient», «Carnet de voyage» et «Versailles». De 40 secondes à plus de 9 minutes, Hahn y déroule paisiblement, au-delà d’un exotisme de pacotille, le fil de ses souvenirs de voyages et, au-delà de la simple pièce de genre, y affiche son goût de l’ancien, peu étonnant de la part de l’auteur d’A Chloris et du Bal de Béatrice d’Este. Les deux autres disques témoignent d’une inspiration tout aussi variée, avec les quatre Portraits de peintres (1894) destinés à accompagner la lecture de poèmes de Proust, les onze Premières Valses (1898), la Sonatine en ut (1907) et le Thème varié sur le nom de Haydn (1909), pour un hommage au compositeur auquel Debussy, Dukas, d’Indy, Ravel et Widor avaient également pris part. Le troisième disque débute par douze très brèves pièces inédites dont la pianiste italienne a retrouvé les manuscrits et que Heugel a publiées depuis lors sous le titre «Pièces d’amour et autres inédits»; il contient, de même que le quatrième disque, d’autres premières discographiques: la valse L’Inspiration (1883) – Hahn n’a alors que neuf ans –, les onze pièces du «conte en musique» Au Clair de lune (1892), un arrangement de la mélodie D’une prison (1892), les six Juvénilia (1893), deux pages liées à Sarah Bernhardt – Pavane d’Angelo (1905) pour le drame d’Hugo et Avant l’hommage des poètes (1914), à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur à l’actrice –, une quasi ravélienne Bacchante endormie (1905) et un «Prélude en musique» pseudo-debussyste pour l’ouvrage parodique La Création du monde (1912). Non incluses dans le programme, les Deux Etudes de 1927 marquent la fin du catalogue pour piano seul de Hahn, qui s’intéressera ensuite au caractère concertant ou chambriste de l’instrument. Sans prétendre accéder aux sommets de Fauré (même s’il n’est pas beaucoup plus «salonard» que lui), Debussy (qu’il ne prisait guère) ou Ravel (la comparaison, par exemple, des deux Sonatines, quasi contemporaines, ne laisse pas de place au doute), cette musique de caractère souvent intimiste, ne recherchant pas la virtuosité, s’inscrit avec succès dans la descendance de Saint-Saëns ou Massenet. Le coffret est complété par un DVD présentant Le Piano de Reynaldo Hahn, documentaire de 56 minutes réalisé par Jean-Christophe Etienne, par ailleurs auteur de la notice (Concerto Box 2015). SC




Sebastian Weigle dirige le jeune Wagner


        


Avec ces deux nouveautés captées à l’opéra de Francfort (des live de mai 2011 pour Les Fées et mai 2012 pour La Défense d’aimer), Sebastian Weigle (né en 1961) s’impose comme l’un des acteurs majeurs de l’année Wagner (voir ici). Les deux opéras de jeunesse de Wagner sont présentés par Oehms avec un soin particulier (les livrets ne sont malheureusement pas traduits en français). Pour ce Wagner encore bourgeonnant (qui sent fort le romantisme allemand), la direction de Weigle allie une baguette légère et souple à des dynamiques abondantes – même si le geste manque de punch par comparaison avec Sawallisch (dont le coffret Orfeo réunissant ces deux opéras, ainsi que Rienzi, reste préférable). Les Fées (1834) s’appuie sur une équipe vocale d’une réjouissante fraîcheur, avec des voix d’une veine mendelssohnienne, d’un format modeste (notamment le chœur) et sans vrai frisson (de bien timides Ada et Arindal par Tamara Wilson et Burkhard Fritz) – malgré quelques belles surprises dans les seconds rôles, comme la Lora charmante de Brenda Rae ou l’auguste Gernot de Thorsten Grümbel (Triple album OC 940). Si les voix restent inégalement épanouies, la mayonnaise prend mieux dans La Défense d’aimer (1836) avec une distribution engagée et pimpante, dominée par l’Isabella – précise et sans chichis – de Christiane Libor (triple album OC 942). Un Rienzi par la même équipe francfortoise est prévu pour 2014 (voir ici un compte rendu en anglais de La Défense d’aimer). GdH




L’Amateur, celui qui aime





Jérôme Pernoo (né en 1972), accueilli par un couple d’artistes de Châtellerault, a animé pendant dix ans des stages informels dans leur demeure au bord de la Vienne et c’est cette expérience qui lui a inspiré un «roman d’éducation musicale» intitulé L’Amateur, réédité chez Symétrie. Au fil des saisons, durant deux années, on suit, davantage que les parcours des huit adolescents et jeunes adultes (quatre filles et quatre garçons) réunis une fois par mois au moulin du Bien Nourri – personnages modérément attachants en ce sens qu’ils incarnent des stéréotypes d’étudiants –, la pédagogie originale déployée par Arsène, violoncelliste comme l’auteur, mais qui ne saurait pour autant être totalement identifié à lui. Autrement dit, plus que le «roman», c’est l’«éducation musicale» qui retient l’attention. Par «amateur», il faut entendre non seulement la modestie revendiquée de l’enseignant, qui se laisse entraîner dans cette aventure alors qu’il n’a pas d’élèves par ailleurs, mais surtout une invitation, aux musiciens comme aux mélomanes, à aimer la musique, par-delà les efforts et les désillusions – chacun des week-ends se conclut par un moment de partage, sous la forme d’un concert offert par les stagiaires. Incitant sans cesse à chercher, Arsène, par une maïeutique très socratique à base de questions/réponses simples, de pratique, d’exemples concrets (la mousse au chocolat) et d’activités parfois inattendues (l’aïkido), insiste sur plusieurs notions essentielles: l’articulation et la conciliation, tel le jeu du marionnettiste et de sa marionnette, entre le «monde intérieur» – en particulier la nécessité, à chaque instant, de chanter et de faire vivre la musique par un «sous-texte» imagé – et le corps – à partir d’un travail sur la présence, la respiration, le geste et la fluidité: l’unité des deux se fait en maîtrisant les notions d’énergie, de concentration, d’attention, de jugement de soi et de trac. Et, une fois ces méthodes acquises et assimilées, il ne reste qu’à «tout oublier», ce que le maître est bien marri d’oublier lui-même à ses dépens le temps d’une répétition générale... Au-delà de la seule musique, les «étudiants-chercheurs» mais aussi le «professeur-amateur», qui ne se résigne pas à quitter lui-même le statut d’étudiant-chercheur, explorent des champs et disciplines plus moins éloignés (peinture, philosophie, méditation, relaxation...), recevant et dispensant en même temps une véritable leçon de vie – et ce, sans se prendre au sérieux, comme en témoigne par exemple un joli florilège de contrepèteries musicales. Le style est délibérément simple, le propos est sympathique et chacun pourra probablement en faire son miel à des degrés divers. Toutefois, cette façon de cultiver une approche instinctive – sans évidemment dénier la part revenant au travail – laisse également affleurer, au détour de considérations sur le «plaisir sophistiqué», «cérébral», «intellectuel» et «snob» et sur l’opportunité qu’il y aurait à écrire aujourd’hui le Requiem de Mozart (ou Les Fleurs du mal), des affinités avec la pensée – contestable et contestée – du fidèle partenaire de Pernoo, le pianiste et compositeur Jérôme Ducros, sur la musique contemporaine (424 pages, 32 euros). SC




Marie Vermeulin et Messiaen: des affinités particulières





Marie Vermeulin (née en 1983), au-delà de sa compétence technique, crée pour chaque pièce qu’elle interprète un univers spécifique empreint de poésie et de logique musicale. Sa carrière de concertiste annonce une interprète capable de révéler la musicalité, l’âme et le caractère universel de la musique de notre temps, que ce soit celle de Messiaen, de Boulez ou de Jérôme Combier. Formée en partie par Roger Muraro, lauréate du Concours Olivier Messiaen (2007) et contribuant régulièrement au Festival Messiaen au pays de la Meije, elle révèle par les nuances et le relief de son jeu une affinité particulière pour les phrasés et les sonorités singulières de ce grand maître. Pour son premier enregistrement en soliste, elle construit un programme qui touche aux deux extrémités de la création pianistique du compositeur, reliées avec cohérence grâce à deux volets des Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus (1944) qui expriment les «ordonnances multicolores» des Huit Préludes (1928-29) plus impressionnistes d’un Messiaen jeune, tout en laissant chanter les oiseaux qui animent ses compositions plus tardives dont la toute dernière pour piano seul, les Petites Esquisses d’oiseaux de 1985. La pianiste française, coloriste au diapason des climats messiaenniques, met en lumière par un jeu sensible les titres poétiques des Préludes son toucher vif et taquin ou aérien et fluide, les voix secondaires remarquablement différenciées. Les chants d’oiseaux sonnent comme en accompagnement du sobre «Regard du Fils sur le Fils» alors que des rythmes pénétrés de joie irradient le «Regard de l’Esprit de Joie» comme une ivresse divine. Evitant l’artificialité de chant qui peut gêner dans certaines interprétations des Petites Esquisses d’oiseaux, Marie Vermeulin propose un ensemble de microcosmes peuplés coulant de source, cohérents, gracieux et pleins de vie. Sa prestation ne pâlit pas devant les plus grands (Paraty 612118). CL




Schreker de retour chez Capriccio


                 


Il y a une vingtaine d’années, au moment où les opéras de Braunfels, Goldschmidt, Korngold et Schulhoff retrouvaient droit de cité grâce à la collection «Musique dégénérée» de Decca, Gerd Albrecht (né en 1935) a contribué, chez Capriccio et Orfeo, à la redécouverte du postromantisme germanique resté dans l’ombre de R. Strauss: il a ainsi servi notamment Busoni, Gurlitt, Krenek, Schoeck, Schulhoff, Wellesz et Wolf mais aussi Franz Schreker (1878-1934), dont il avait donné Les Stigmatisés dès 1984 à Salzbourg (Orfeo). Capriccio réédite les deux opéras du compositeur autrichien figurant à son catalogue sous la direction d’Albrecht, Le Son lointain (1910), dédié à Bruno Walter, et le Le Chercheur de trésors (1918), de durée sensiblement voisine (2 heures 20 minutes, bien que comptant non plus trois mais quatre actes, un prologue et un épilogue) et lui aussi créé à l’Opéra de Francfort (auquel il est même dédié), également sous la baguette de Ludwig Rottenberg. L’orchestre et les voix ne sont pas exempts de faiblesses, qui ressortent moins dans le capiteux et ensorcelant Son lointain, enregistré en studio en octobre 1990 avec l’Orchestre radio-symphonique de Berlin, que dans Le Chercheur de trésors, capté en public un an plus tôt durant des représentations données à Hambourg, où le chef allemand venait de commencer son mandat de Generalmusikdirektor (1988-1997). Mais ces publications n’en continuent pas moins d’être extrêmement précieuses, d’autant que s’il existe deux autres versions du premier (Naxos et Ars Produktion), c’est toujours la seule existante pour le second et qu’elles sont présentées dans une édition économique. Il faut certes se contenter en contrepartie d’une notice se limitant à un résumé assez détaillé de l’action (en allemand et en anglais), mais l’absence de livret est compensée, du moins pour les germanophones, par une diction irréprochable, emblématique du chant soigné et idiomatique de l’ensemble des deux distributions, certains chanteurs faisant d’ailleurs partie de l’une et de l’autre, à commencer par la soprano Gabriele Schnaut. Albrecht cimente le tout avec un impeccable professionnalisme, faisant rutiler ces deux ouvrages et ce travail accompli voici plus de vingt ans n’est sans doute pas étranger à ce qu’ils aient retrouvé la scène au cours des dernières années – ainsi, ne serait-ce qu’en 2012, Le Son lointain à l’Opéra du Rhin et Le Chercheur de trésors à l’Opéra des Pays-Bas. On trouvera par ailleurs sur cette page du site un compte rendu en anglais du Son lointain (C 5178 et C 5175). SC




Stravinski à Cologne





En octobre 1951 à Cologne, Stravinski, à la tête de l’Orchestre radio-symphonique de la cité rhénane, dirige trois de ses œuvres d’avant-guerre: un double album Acanta (d’une heure et demie seulement) restitue ce concert, qui débute avec les seules cordes pour Apollon musagète puis les seuls vents pour les Symphonies d’instruments à vent. Le compositeur donne des inflexions inattendues, d’une grande souplesse, presque straussiennes, au ballet, mais ne fait guère de concessions dans la pièce écrite à la mémoire de Debussy. Dans Œdipus Rex, sept mois avant l’enregistrement public au Théâtre des Champs-Elysées avec Léopold Simoneau en Œdipe et Cocteau en récitant, autrefois publié chez Montaigne, une distribution de rêve est réunie autour d’un orchestre chauffé à blanc par Stravinski: Peter Pears (1910-1986), qui, ayant surmonté quelques difficultés initiales, s’impose ensuite dans le rôle-titre, Martha Mödl (1912-2011), égale à elle-même dans une incarnation hallucinée de Jocaste, Heinz Rehfuss (1917-1988), parfait Créon (et, bien que non crédité, également Messager), Otto von Rohr (1914-1982), Tirésias aux graves somptueux, et même l’excellent Helmut Krebs (1913-2007) dans le petit rôle du Berger. Le récitant, Werner Hessenland (1909-1979), en fait moins que Cocteau – ce n’est pas difficile – et le Chœur de la Radio de l’Allemagne du nord-ouest (NWDR) est remarquable (233694). SC




Les camées Art Nouveau de Teodora Gheorghiu





Après un premier enregistrement en solo, bien accueilli qui célébrait la cantatrice Anna de Amicis, Teodora Gheorghiu (née en 1978) – sans lien familial avec Angela – se tourne vers le lied et la mélodie. Son admiration pour Richard Strauss l’a portée vers des compositeurs de la même génération, nés entre 1864 et 1879, et, puisqu’en parallèle naissait le mouvement paneuropéen de l’Art Nouveau, elle s’en inspire pour bâtir un récital qui, tout d’amour et d’eau fraîche, exalte la nature, le bucolique, la verdure et les fleurs de manière artistiquement symbolique. Mädchenblumen (1888) s’imposait. Le personnage d’Ophélie n’y étant pas étranger, les Drei Lieder der Ophelia (1918), si émouvants, s’y enchaînent avant les charmantes Walzer Gesänge nach toskanischen Volksliedern (1898) de Zemlinsky. En toute logique viennent ensuite, de Ravel, les Cinq Mélodies populaires grecques (1904-1906), la mélismatique Tripatos (1906) et trois mélodies à la fragrance française, l’ensemble à la fois d’essence populaire et tout à fait ravélien. L’archaïsme connoté de Deità silvane (1917) de Respighi clôt ce récital qui, par son originalité, ne peut manquer d’attraits. La partie de piano, élaborée pour chaque recueil, plante le décor et dessine l’intériorité des sentiments. Le pianiste israélien Jonathan Aner (né en 1978), coloriste sensible et élégant accompagnateur, s’en acquitte avec maîtrise. En dépit de son désir d’interpréter Strauss, la voix de la soprano roumaine ne semble pas en avoir l’ampleur: le timbre reste froid, le vibrato large et les aigus acides, hormis un touchant «Sie trugen ihn auf der Bahre bloss». Les lieder plus délicats lui permettent de mieux éviter la tension vocale et de mettre en valeur ses talents d’interprète. Malgré le français, ce sont les mélodies de Ravel qui révèlent la souplesse de sa voix – la ligne du chant nuancée, les aigus satinés et les tenues filées avec art, souvent en demi-teinte expressive (Aparté AP054). CL




Huitième volume de l’intégrale Chostakovitch de Petrenko





Vasily Petrenko (né en 1976) et l’Orchestre philharmonique royal de Liverpool, dont il est le principal conductor depuis 2006 et le chief conductor depuis 2009, poursuivent leur intégrale des Symphonies de Chostakovitch (voir par ailleurs ici): quatre manquaient encore, les Quatrième, Treizième, Quatorzième et Septième «Leningrad». C’est cette dernière, la plus longue des quinze, qui constitue le huitième volume, atteignant presque les 80 minutes fatidiques de durée d’un disque, notamment en raison d’un premier mouvement pris avec une lenteur qui en souligne le caractère à la fois grotesque et effrayant. Tout au long de la partition, Petrenko, qui prend cette saison la succession de Jukka-Pekka Saraste au Philharmonique d’Oslo, adopte ainsi des partis pris dramatiques toujours défendus avec une grande intelligence, une cohérence sans faille et un orchestre fidèle à défaut d’être toujours parfait (8.573057). SC




Bribes de Ring par Christian Thielemann





De la Tétralogie montée à Bayreuth en 2008, Opus Arte nous livre deux généreuses heures et demi d’extraits bien choisis, intelligemment découpés et mis en valeur par un livret soigné (avec le texte – en allemand et en anglais – correspondant aux passages retenus). Toujours est-il qu’on bute sur l’intérêt limité d’un best of, à l’heure où des Ring entiers sont disponibles pour une bouchée de pain. On apprécie pourtant la direction idéalement équilibrée de Christian Thielemann (une «Entrée au Walhala» splendide, des «Adieux de Wotan» d’une poignante ostentation, un Crépuscule déchaîné), alternant douceur rhapsodique et débauche de couleurs dans l’accompagnement, jouant à fond de l’acoustique lissée et ronde si spécifique à Bayreuth, s’appuyant sur un orchestre dont la familiarité virtuose avec la partition rayonne de bout en bout. Par comparaison avec le souvenir des représentations de La Walkyrie, de Siegfried et du Crépuscule des dieux de 2008, les extraits retenus donnent une image plutôt flatteuse du Siegfried très mâle de Stephen Gould et de la Brünnhilde professionnelle de Linda Watson. Ils donnent, en revanche, une image déplorable de l’Alberich d’Andrew Shore (voix forte en caractère mais pénible à écouter, déjà essoufflée lors du vol de l’or, exsangue et poussée à bout par la malédiction), du Loge hors sujet d’Arnold Bezuyen, du Siegmund timide et pâle d’Endrik Wottrich... surtout face à la Sieglinde féminine et frémissante d’Eva-Maria Westbroek! Et au jeu du florilège, c’est l’Erda de Christa Mayer (au chant noble et beau) et surtout l’admirable Wotan d’Albert Dohmen (auguste et très en voix) qui empochent la mise (double album Opus Arte OA CD9011 D). GdH




L’ailleurs de Zsófia Boros





Après des albums «Evocación» (en duo avec la flûtiste Daniela Lahner) et «Musicbox» (en solo) chez Preiser Records, Zsófia Boros (née en 1980) emprunte au poème de l’Argentin Roberto Juarroz (1925-1995) «Tout commence ailleurs» le titre de son premier récital pour ECM New Series, «En otra parte». De fait sur les onze plages, trois viennent d’Argentine: Te vas milonga d’Abel Fleury (1903-1958), Eclipse de Dominic Miller (né en 1960) et Cielo abierto de Quique Sinesi (né en 1960). Le Cubain Leo Brouwer (né en 1939) est au cœur du programme, avec An Idea et deux versions d’Un día di noviembre. Si l’Amérique latine, avec en outre Canción triste de l’Uruguayen (d’origine espagnole) Francisco Calleja (1891-1950) et Se ela perguntar du Brésilien Dilermando Reis (1916-1977), tient donc une place prépondérante, l’Espagne, avec Callejón de la luna de Vicente Amigo (né en 1967), les Etats-Unis, avec Green and Golden de Ralph Towner (né en 1940), et l’Autriche, avec Ecrovid de Martin Reiter (né en 1978), s’insèrent sans solution de continuité dans cet enregistrement raffiné et suave, à la mélancolie un peu monocolore et à la brièveté problématique – moins de trois quarts d’heure (372 8783). SC




Winterreise: Montero déraille, Holzmair décante


        


Le Voyage d’hiver – encore et toujours. Celui du ténor espagnol José Manuel Montero (né en 1964) d’abord, qui s’aventure dans Schubert – pour malheureusement s’y égarer. Quel mauvais service rendre à ce chanteur que de lui faire enregistrer ce recueil si fréquenté – qui plus est quand la captation est à ce point agressive (une prise de studio de juillet 2010 au Conservatoire de Getafe). De multiples accidents accompagnent le parcours de la voix nasale et éraillée de Montero – à la prosodie exotique, au timbre étranglé, à l’intonation poussive et laide. Seul le piano de Juan Antonio Alvarez Parejo – partenaire de Teresa Berganza comme de María Bayo – apporte un intérêt à l’album (Verso VRS 2104). On est, du coup, bien heureux de retrouver avec Wolfgang Holzmair (né en 1952) un niveau professionnel. Le baryton autrichien connaît bien le cycle schubertien – pour l’avoir déjà gravé avec Imogen Cooper notamment (Philips). Le temps a passé sur cette voix pâle, un peu ombrée et qui souffre dans le grave, mais le velours reste une caresse pour l’oreille. Si les tempos sont souples et souvent alertes, la capacité à émouvoir demeure, et ce d’autant plus qu’Andreas Haefliger (né en 1962) offre un piano serein, attentif et délicat – un peu clair, sans brio particulier, mais pleinement assumé. Un parcours prudent mais résolu sur les pentes enneigées de Wilhelm Müller (Capriccio C 5149). GdH




Un vadémécum musical qui étreint mal à force de trop embrasser





Agréablement présenté et convenablement illustré, La Musique. Retenir l’essentiel s’efforce d’aborder toutes les facettes de la musique autour de six grands thèmes (histoire, instruments, solfège, formes et œuvres, musiques du monde, métiers): un véritable défi compte tenu du volume imparti aux auteurs, Thierry Benardeau, critique musical, et Marcel Pineau, inspecteur de l’éduction nationale. Qui trop embrasse, mal étreint: c’est cette seule considération qui permettra de pardonner une telle accumulation d’imprécisions (la «Tchécoslovaquie» à propos des nationalismes... au XIXe, «les symphonistes français, dont César Franck, respectent le modèle classique»), d’erreurs (Don Juan, Till Eulespiegel [sic] et Don Quichotte parmi les poèmes symphoniques... du XXe siècle, Chopin mort en 1847), de coquilles (Christoph Eischenbach, Isodore Cohen, Jean Mitsler, Concerto champêtre de Poulenc, Gioacomo Puccini, Symphonie des psaumes, Quatuor pour la fin des temps), de considérations hasardeuses (R. Strauss «en marge de tous les courants», Weill et Orff assimilés au néoclassicisme, Glinka et Smetana parmi les principaux auteurs de symphonies, «la plus célèbre musique de film reste le thème écrit et joué à la cithare par Anton Karas dans Le Troisième Homme», respectivement la Première Symphonie de Schubert et Parsifal de Wagner comme recommandation pour une «première approche» de ces compositeurs), de raccourcis (un tableau des «courants contemporains» qui s’arrête en 1980 et où les élèves de Leibowitz sont quatre fois plus nombreux que ceux de Messiaen) et de choix contestables (les sept flûtistes, trompettistes et harpistes cités sont tous français tandis que les trois formations symphoniques «prestigieuses» données en exemple comprennent le Philharmonique de Berlin, le Symphonique de Chicago et... le National de France). On ne recommandera donc pas cet ouvrage au lectorat très large qu’il entend toucher («étudiants en universités, en centres de formation des musiciens intervenants, étudiants en conservatoires nationaux, régionaux, municipaux, étudiants dans les écoles et sociétés musicales ou préparant le concours de l’enseignement, grand public désireux de compléter ses connaissances en musique»). Bien qu’il ne porte que le numéro 45, il est précédé de cinquante-six autres volumes dans la collection «Repères pratiques» chez Nathan, couvrant l’ensemble des champs de la connaissance: souhaitons simplement que ceux, parmi d’autres, consacrés à la fiscalité, à la Bible ou la pratique du sport se révèlent plus fiables (160 pages, 12,20 euros). SC




Un Wozzeck indispensable mais...





EuroArts réédite l’indispensable Wozzeck de Barenboim/Chéreau. Ce spectacle enregistré en 1994 au Staatsoper de Berlin repose sur une direction d’acteurs experte et d’une grande acuité, qui révèle le formidable talent dramatique de Franz Grundheber (Wozzeck), Waltraud Meier (Marie), Graham Clark (Capitaine), Günter von Kannen (Docteur) et Mark Baker (Tambour-major), tous de surcroît excellents chanteurs. La direction incisive et puissante de Daniel Barenboim constitue un atout considérable, mais le film ne montre ni le chef ni l’orchestre – les saluts sont hélas coupés. La force théâtrale et l’impact musical l’emportent sur le décor décanté et schématique de Richard Peduzzi et l’image, certes un peu passée, renforce le caractère sinistre de l’ouvrage. L’appareil éditorial suscite toutefois quelques regrets: n’était-il vraiment pas possible d’incorporer un bonus autre que ces sempiternels trailers, comme un making off – pour autant qu’il existe, bien sûr – ou un entretien avec les contributeurs de cette production remarquable? (EuroArts 2066758). SF




D’Indy en Islande





Entamée en 2007, l’intégrale du corpus symphonique de Vincent d’Indy chez Chandos met au centre de son cinquième volume la Symphonie sur un chant montagnard français (1886): également connue sous le nom de Symphonie cévenole, l’œuvre, bien qu’ayant progressivement quasiment disparu des salles de concert, demeure sans doute la plus célèbre de son auteur. Rumon Gamba (né en 1972), désormais chef principal de l’Orchestre symphonique d’Aalborg, poursuit cette vaste et courageuse entreprise avec l’Orchestre symphonique d’Islande, dont il fut le chef principal et directeur musical de 2001 à 2010. Est-ce parce que le chef anglais a enregistré pour le même éditeur de très nombreuses musiques écrites pour le cinéma, si excellentes soient-elles, d’Addinsell à Vaughan Williams en passant par Alwyn, Arnold, Auric, Bax, Bennett, Bliss, Herrmann, Korngold, Rawsthorne et Rózsa? Toujours est-il que l’orchestre, très agréable à écouter, tend à verser dans le technicolor hollywoodien et que la direction tend à enfoncer excessivement le clou. Dommage pour le pianiste québécois Louis Lortie (né en 1959), qui joue parfaitement le jeu: ne se mettant jamais indûment en avant, il évite de transformer la symphonie en concerto. Cela étant, dès que le propos devient plus expressément narratif, comme dans le poème symphonique Saugefleurie (1884), «légende» d’après Robert de Bonnières, la baguette de Gamba fait merveille et sert cette musique injustement oubliée, car même s’il n’est pas impossible de trouver au disque le Prélude du premier acte de Fervaal (1893) ou la Suite en cinq mouvements tirée de la musique de scène pour Médée (1898) de Catulle Mendès, cette version moderne offre de grandes satisfactions. Pour la Symphonie cévenole, on en restera en revanche à Casadesus/Ormandy chez Sony, Henriot-Schweitzer/Münch chez RCA ou Collard/Janowski chez Apex (CHAN 10760). SC




Chefs russes au London Philharmonic


        


Le Philharmonique de Londres poursuit l’édition de ses propres concerts, publiant une captation du 30 octobre 1983 au cours de laquelle Guennadi Rojdestvenski dirigeait la Huitième Symphonie de Chostakovitch au Southbank Center. Les musiciens semblent avoir un peu de difficultés à s’adapter à la battue à la fois lente et intense du chef. L’intimidant premier mouvement met également à mal les preneurs de son, lesquels peinent à donner aux différents cataclysmes toute l’amplitude nécessaire. Un troisième mouvement aux cuivres un peu ramollis achève de convaincre que cette version – par ailleurs bien construite et exécutée avec professionnalisme – ne constitue pas un jalon essentiel dans la carrière de Rojdestvenski (LPO 0069). Capté au même endroit mais en décembre 2010, le disque de Vladimir Jurowski, principal conductor depuis 2007, est consacré à Mahler. Enrichie par «Blumine» (le deuxième mouvement retiré par l’auteur, que Jurowski tient pour le chaînon manquant reliant la Première Symphonie aux deux suivantes), cette Titan se hisse à un haut niveau d’excellence instrumentale, le live rehaussant encore la performance (...même si les orchestres londoniens nous ont depuis longtemps habitué à cela). Si l’on admire la logique infaillible de la construction, on déplore néanmoins son excessive rigueur – qui empêche de s’attacher à une interprétation fidèle mais dont la perfection sans arêtes ni fêlures assèche le sentiment... au risque de l’indifférence. Une perfection lisse (LPO 0070). GdH




Michelle Makarski et Keith Jarrett: un Bach prudent





Michelle Makarski, après avoir enregistré avec Keith Jarrett pour ECM New Series voici une vingtaine d’années, retrouve chez le même éditeur le pianiste américain, qui poursuit ainsi son parcours discographique dans l’univers de Bach avec les six Sonates pour violon et clavier (BWV 1014 à 1019). Cet enregistrement tout à fait estimable, qui traduit une excellente entente entre les deux musiciens, n’en laisse pas moins perplexe par son mélange de respect et de prudence, d’une part, de romantisme dans les mouvements lents et de staccato gouldien dans les mouvements rapides, d’autre part (double album 476 4582). SC




Le morne Don Giovanni de Tcherniakov en DVD





ConcertoNet a déjà décrit, lors des représentations aixoises de 2010 de ce Don Giovanni, la trahison que constitue la lecture de Dmitri Tcherniakov, qui détourne le livret de Da Ponte en un Cluedo sans saveur où des protagonistes consanguins évoluent en toute connaissance de cause dans la même pièce de leur maison de famille (au milieu des livres, des fleurs et de l’ennui) mais au fil de jours qui étendent le drame... à n’en plus finir et brisent toute unité de temps. C’est le théâtre mozartien qu’on assassine bien davantage que le Commandeur, d’autant que la distribution n’offre aucun frisson vocal (honnêtes Petersen, Opolais, Ketelsen, Bizic, Kotscherga), mais beaucoup de médiocrité (Skovhus, Balzer, Avemo) sinon de laideur. Évidemment tout cela reste très professionnel (on est à Aix quand même!), tant en termes de réalisation (scénique comme vidéographique... n’était une plagination curieuse et incommode) que d’investissement des protagonistes (à commencer par le jeu d’acteurs et l’accompagnement orchestral subtil et percutant de Langrée avec Fribourg). Mais le gâchis semble tel qu’on renverra plutôt vers la vidéo de l’Eugène Onéguine, capté au Palais Garnier, celui qui souhaiterait découvrir le meilleur des talents du metteur en scène russe (album de 2 DVD Bel Air Classiques BAC080). GdH


La rédaction de ConcertoNet

 

 

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