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CD, DVD et livres: l’actualité d’avril
04/15/2013



Les chroniques du mois




Must de ConcertoNet


   Leonardo García Alarcón dirige Bach


   Philippe Herreweghe dirige Dvorák





 Oui!

Laurent Camatte et Géraldine Dutroncy interprètent Jolas
Valery Gergiev dirige La Walkyrie
Michael Gielen dirige Beethoven
Conte prussien de Blacher au Deutsche Oper
La Sonate des spectres de Reimann au Deutsche Oper
Seize opéras de Verdi chez EMI
Sergiu Celibidache dirige le Symphonique de Vienne
Autobiographie de Tedi Papavrami
Ulf Wallin interprète Reger
Benjamin Schmid interprète Reger
Jenůfa à Malmö (2011)
Günter Wand dirige Braunfels
Musique française par Anne Queffélec
Iddo Bar-Shaï interprète F. Couperin
Mélodies russes par Dmitri Hvorotovsky
Eric Le Sage interprète Schumann
Edward Gardner dirige Lutoslawski
Salomé à la Scala (2007)
Rééditions de Tedi Papavrami en solo
Janina Fialkowska interprète Mozart




 Pourquoi pas ?

Œdipe de Rihm au Deutsche Oper
Ziad Kreidy interprète Grieg
Wilhelm Furtwängler dirige Beethoven
Nikolaus Harnoncourt dirige Dvorák
Grzegorz Nowak dirige Brahms
Marek Janowski dirige Janácek
Marko Letonja dirige Weingartner
Hans Rosbaud dirige Mahler
Tugan Sokhiev dirige Stravinski
Kerry Stratton dirige Françaix
I masnadieri de Verdi à Naples (2012)
Michel Piquemal dirige M. Caillebotte




Pas la peine
Le Ring à Hambourg (2008-2010)
Paavo Järvi dirige Schumann
Pelléas et Mélisande à Zurich (2004)
Cornelius Meister dirige Bartók
Marin Alsop dirige Mahler
Hartmut Haenchen dirige Mahler
Christian Ihle Hadland interprète Mozart
Così fan tutte à Glyndebourne (1975)
Turandot à l’Opéra d’Australie






L’entretien du mois



Philippe Herreweghe







Le match du mois


    
Concerto pour violon de Reger: B. Schmid vs. U. Wallin






En bref


Couperin dans le désordre
Hvorostovsky par une nuit de lune en Russie
Mahler: trois chefs pour trois symphonies
Günter Wand célèbre Braunfels
Tugan Sokhiev célèbre Le Sacre
Tedi Papavrami: violon seul, artiste complet
Janowski aborde Janácek
Une Salomé de plus avec Nadja Michael
Turandot aux antipodes
L’alpha et l’oméga de l’orchestre de Bartók
Le Sage dans Schumann: l’Alpha... mais pas l’oméga
Formats mozartiens: normal (Christian Ihle Hadland) et réduit (Janina Fialkowska)
D’honnêtes Brigands
Clap de fin (1): Symphonies de Weingartner
Clap de fin (2): cycle Lutoslawski chez Chandos
Anne Queffélec, Erik Satie & Cie...
Les cordes de Françaix
Jenůfa à Malmö: excellente surprise
Des Symphonies de Brahms ancienne manière
Caillebotte: un frère compositeur
Un Così ronronnant





Couperin dans le désordre





Après Haydn et Chopin, Iddo Bar-Shaï (né en 1977) a enregistré quelques pièces de Couperin puisées dans les vingt-sept Ordres. Le pianiste israélien, qui dédie cet album à la mémoire d’Alexis Weissenberg, en restitue la poésie et la malice avec finesse et minutie. L’écoute en continu peut susciter une légère lassitude mais cette interprétation relevée et élégante possède suffisamment de bon goût et de sensibilité pour vouloir y revenir. Le jeu est vif, assuré et sans manière bien que de temps en temps crispé et droit comme dans «Les Fauvettes plaintives» (Mirare MIR 195). SF




Hvorostovsky par une nuit de lune en Russie





Dmitri Hvorotovsky est un homme de scène au jeu théâtral travaillé et à la présence magnétique, mais c’est sa belle voix seule qui porte le récital plus intimiste capté dans la Grande Salle du Conservatoire de Moscou en 2011. La riche acoustique des lieux avantage la noirceur dramatique de son timbre profond, qui sied bien à un programme enténébré, entièrement russe, puisé dans les mélodies encore romantiques de fin de siècle (XIXe). Le baryton sibérien reste un artiste lyrique et crée le climat de chaque mélodie presque comme mis en scène. Ivari Ilya demeure plus en retrait, un parfait soutien à la voix, mais son piano souvent à découvert en prélude, intermezzo ou coda, appuie finement les humeurs et les émois nuancés de ces chants souvent bouleversants. Hvorotovsky communique l’insoutenable tristesse et le profond mal-être du cycle des Six Mélodies de l’Opus 71, que Tchaïkovski composa six mois avant sa disparition, mais le timbre égal et le large vibrato de sa voix apportent peu de nuances au tragique des différents poèmes, à l’exception de «Par cette nuit de lune», momentanément plus lumineuse avant la déchirure finale. Moins intériorisé, plus ouvertement dramatique, fortement traversé de noir, le cycle des Chants et danses de la mort (1875-1877) de Moussorgski convient mieux à son sens du théâtre et sa voix se fait plus souple pour personnifier les quatre faces apocalyptiques de la Mort – calme sinistre, concupiscence sans tendresse, froideur blême, puissance cruelle et sans merci – tout en évoquant l’effroi de la mère et l’euphorie déjantée de l’épouse. La danse est au piano et c’est encore le piano qui dessine les «Stalactites» de l’Opus 26 de Taneïev. Les six mélodies qui ferment cet album proviennent des Romances de l’Opus 17 (1903) et des Poèmes des Opus 26 (1908) et 32 (1911). Séparation, déchirure, menace, nostalgie dominent encore, mais l’âme romantique adoucit la voix de Hvorostovsky qui ne manque cependant, dans «Menuet», ni le style mozartien, ni l’horrible frisson du coup de théâtre final (Ondine ODE 12162). CL




Mahler: trois chefs pour trois symphonies


                       

                 


Trois albums viennent grossir le rayon des publications consacrées à Mahler. Deux live de la Première Symphonie tout d’abord. Le premier capté en septembre 2008 et qui souffre de deux défauts – assez rédhibitoires vu la concurrence discographique: il ne décolle jamais (non pas tant en raison d’une apathie objective que d’une inertie intérieure) et son orchestre ne séduit pas. La faute à Marin Alsop (née en 1956) et aussi au Symphonique de Baltimore (qui n’est pas Chicago), avec ses pupitres ordinaires (les altos!). Si le premier mouvement repose sur une conception intègre et cohérente, l’ensemble reste trop statique – avec des lenteurs et quelques ralentis exagérés. Le deuxième (au pastoralisme volontairement niais?) expose une synchronisation perfectible des pupitres malgré la nonchalance de son tempo, alors que le troisième est d’une grâce sans saveur et tourne à vide. Impeccable Stürmisch bewegt pour finir, mais qui ne suffit pas à modifier l’impression de vacuité (Naxos 8.572207). Grand spécialiste de ce répertoire, Hartmut Haenchen (né en 1943) offre – avec le Philharmonique des Pays-Bas (en novembre 1999) – une Titan concentrée et vive, d’une délicatesse aussi subtile que faussement décorative, mais qu’on aimerait moins léchée et plus riche d’arrière-plans. Le cœur de ce double album réside néanmoins dans une Huitième Symphonie enregistrée en concert le 10 septembre 2002, lors des adieux du chef (fâché par les coupes budgétaires après dix-sept ans à la tête de l’orchestre). Un «Veni creator» très organisé – qui ne se presse pas, presque classique de ton – précède une «Scène de Faust» intimiste – chambriste, oserait-on dire. Pas aidée par un casting de solistes parfois à la peine, cette Symphonie des Mille demeure trop timide pour s’imposer pleinement (ICA Classics ICAC 5094). Enfin, expurgée des archives de la Radio de Cologne, une Cinquième Symphonie enregistrée le 22 octobre 1951 rappelle le souvenir de Hans Rosbaud (1895-1962). Aussi à l’aise dans Sibelius que dans Mahler, le chef autrichien déploie son geste sec et tranchant dans les deux premiers mouvements, exacerbant toute la richesse rythmique du Scherzo. En moins de neuf minutes, l’Adagietto brûle sans s’alanguir, alors que le dernier mouvement s’embrase. Pour passionnante qu’elle soit, cette version – enregistrée quatre ans seulement après la première gravure de l’œuvre (par Bruno Walter en 1947) – reste ternie par une prise de son un peu floue, une exécution orchestrale sans relief particulier (manquant souvent de précision) et, surtout, un contexte discographique permettant d’approfondir ailleurs les voies ouvertes par Rosbaud... par exemple chez Gielen ou Boulez (ICAC 5091).GdH




Günter Wand célèbre Braunfels





Le 19 décembre 1952, jour de son soixante-dixième anniversaire, Walter Braunfels reçoit un hommage à Cologne, sa ville d’adoption: Günter Wand (1912-2002), Generalmusikdirektor de 1946 à 1974, et l’Orchestre symphonique de la Radio (WDR) interprètent ses Apparitions fantastiques d’un thème d’Hector Berlioz, qu’il enregistreront de nouveau l’année suivante, et son immense Te Deum (1920-1921), qui a déjà fait l’objet il y a plusieurs années du volume 15 de l’édition que Profil consacre au chef allemand. Créé trente ans plus tôt au Gürzenich sous la direction d’Abendroth et en présence de l’Oberbürgermeister Adenauer, qui, dès 1925, invita les deux hommes à codiriger la Hochschule für Musik nouvellement érigée en institution publique, le Te Deum évoque de prestigieux antécédents – Berlioz (le rythme obsédant du «Judex crederis» ne se retrouve sans doute pas ici fortuitement), Bruckner – mais aussi le «Veni Creator» initial de la Huitième Symphonie de Mahler. Bien que «remastérisé», le son de ce concert anniversaire demeure assez précaire, avec un souffle important et une mono frustrante: de ce point de vue, l’enregistrement récent de Manfred Honeck (Orfeo) peut évidemment être préféré. Mais Wand, les choristes du Gürzenich et les musiciens, sans doute stimulés par la solennité du moment, s’impliquent avec une passion d’une inlassable générosité. En revanche, les deux solistes, la jeune Leonie Rysanek (1926-1998) et le ténor Helmut Melchert (1910-1991), s’ils s’engagent tout autant, se révèlent hélas franchement décevants et horripilants par leur style daté et leurs approximations vocales (Acanta 233670). SC




Tugan Sokhiev célèbre Le Sacre





Tugan Sokhiev (né en 1977), qui vient par ailleurs de prendre la succession d’Ingo Metzmacher aux fonctions de directeur musical de l’Orchestre symphonique allemand de Berlin (ex-RIAS), et son Orchestre national du Capitole de Toulouse publient leur cinquième album chez Naïve: Stravinski est à l’honneur, en raison du centenaire du Sacre du printemps, au programme également d’un DVD bonus capté en concert au début de la saison 2011-2012. Le chef russe paraît presque trop sage et parfois même manquer un peu de punch: pas de débauche de décibels ni même de couleurs, mais une subtilité, une sveltesse, une finesse et une précision qui font ressortir davantage les qualités instrumentales de l’orchestre que la portée révolutionnaire du propos. Ce disque bien trop court aurait gagné à être complété par le ballet intégral de L’Oiseau de feu plutôt que par la version de 1919 de la Suite, même si la performance technique et interprétative se maintient au même niveau (V5192). SC




Tedi Papavrami: violon seul, artiste complet





A l’occasion de la publication de son autobiographie, Zig-Zag Territoires met en boîte Tedi Papavrami (né en 1971) – violoniste précieux et artiste complet. ConcertoNet ayant rendu compte de tous ces disques (enregistrés entre 1997 et 2010), on se contentera de renvoyer à la lecture des chroniques publiées lors de la première parution des Sonates et Partitas de Bach, des transcriptions de Scarlatti, des deux versions des Caprices de Paganini et enfin de l’album Bach-Bartók. Partout, un musicien subtil et intègre, un jeu puissant et sans fioritures ni atermoiements. La seule nouveauté figurant dans le coffret est une Deuxième Sonate d’Ysaÿe qui a fière allure (gravée dans le cadre d’une publication prévue pour l’automne 2013): une interprétation hautement recommandable (coffret de six disques ZZT320). GdH




Janowski aborde Janácek





Marek Janowski et l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin, dont il a été nommé en 2008 directeur artistique à vie, donnent chez PentaTone Classics un programme exclusivement consacré à Janácek, avec la Messe glagolitique, dans sa version originale reconstituée en 1994 par Paul Wingfield (où, notamment, l’Intrada, ouvre et ferme la marche), et la rhapsodie Tarass Boulba. On reconnaît sans peine le chef allemand dans la qualité du travail orchestral aussi bien que dans un élan dramatique (Intrada) qui devient parfois précipitation (Introduction). Se confirme également qu’avec le temps, il n’hésite pas à soigner la couleur instrumentale et à cultiver le registre expressif (Kyrie), même si, de ce point de vue, Tarass Boulba en reste au niveau du récit objectif et descriptif plus que de l’épopée visionnaire et enflammée – difficile de ne pas se dire que la Sinfonietta lui aurait mieux convenu. L’orgue est fort bien tenu par Iveta Apkalna, mais souffre d’une sonorité artificielle assez laide, tandis que le quatuor soliste (Aga Mikolaj, Iris Vermillion, Stuart Neill et Arutjun Kotchinian) fait ce qu’il peut avec des parties souvent très tendues. Globalement, l’album ne démérite donc pas, mais la concurrence est particulièrement rude, avec par exemple Mackerras et Chailly, et sans compter évidemment les Tchèques (Bakala, Ancerl, Neumann)... (PTC 5186 388). SC




Une Salomé de plus avec Nadja Michael





Et une Salomé de plus avec Nadja Michael: ce DVD rejoint en effet celui d’Opus Arte (mise en scène de David McVicar, direction de Philippe Jordan). Dans un décor sinistre et poussiéreux (Erich Wonder), la régie peu originale de Luc Bondy à la Scala en 2007 a le mérite de la cohérence, bien que l’hystérie domine davantage que le souffre – la «Danse des sept voiles», par exemple, pourrait gagner en érotisme. Actrice engagée et chanteuse solide, la soprano allemande campe une Salomé peu juvénile mais sacrément perverse quand elle rapproche de son entrejambes la tête sectionnée de Jochanaan. Le reste de la distribution mérite le détour, en particulier Falk Struckmann (Jochanaan peu charismatique mais, au sens propre du terme, imposant), Iris Vermillion (Hérodiade hautaine et cassante) et Peter Bronder (Hérode extraordinaire). Chauffé par blanc par Daniel Harding, capable aussi d’en tempérer les ardeurs, l’Orchestre du Théâtre de la Scala se montre mordant, sensuel et vénéneux (Arthaus 107 323). SF




Turandot aux antipodes





Opera Australia, institution nationale qui réunit depuis 1996 les opéras de Sydney et de Melbourne, autoédite une production créée dans la capitale des Nouvelles Galles du Sud en 1990 et captée dans celle de l’Etat de Victoria dès 1991 (Opus Arte) et, cette fois-ici, en avril 2012: voilà donc une Turandot qui semble dénoter une solide maison de répertoire, ce que ne dément pas la vision de DVD. Dans une réalisation soignée de Cameron Kirkpatrick, la scénographie, essentiellement en fond de scène, et, surtout, les costumes de Kristian Frederikson évoquent sans excès le péplum sinisant façon Zeffirelli, la part belle revenant sans doute aux éclairages très variés de John Drummond Montgomery. Une certaine perplexité pointe toutefois face à certaines chorégraphies bien guillerettes, un empereur dont seule la tête émerge d’un habit monumental ou la plui de confetti ponctuant la scène finale. La mise en scène de Graeme Murphy, peu aidé par des chanteurs assez médiocres comédiens, met en valeur le chœur comme entité collective et personnage à part entière au travers de mouvements coordonnés. Impossible de le dissimuler au moment des rappels, qui ne sont pas coupés: Liù l’emporte sur Turandot. La Coréenne Hyeseoung Kwon, pas parfaite au I dans «Signore, ascolta!», s’impose au III dans «Tanto amore»; l’Américaine Susan Foster, en difficulté dès «In questa reggia», vocifère avec un timbre acide, passe à côté de trop nombreuses notes mais convainc presque en princesse vaincue. Les rôles masculins, en revanche, sont tous confiés à des Australiens, au premier rang desquels Rosario La Spina, Calaf de bonne tenue mais pas à toute épreuve. Sans éviter quelques accrocs, Andrea Licata, à la tête d’un bon Orchestre du Victoria, adopte une direction allante qui ne manque pas de souffle et évite l’emphase (OPOZ56032DVD ou Blu-Ray OPOZ56033BD). SC




L’alpha et l’oméga de l’orchestre de Bartók





L’idée est simple et intéressante mais sans doute aussi inédite: réunir sur un même album les première et dernière grandes œuvres orchestrales de Bartók. Quarante ans séparent un poème symphonique sous forte influence straussienne, dont le découpage en plages permet de suivre comme dans une musique de film l’histoire tragique du patriote hongrois, et un pilier du répertoire symphonique, emblématique de l’ultime période (américaine) du compositeur. Malheureusement, Cornelius Meister (né en 1980), avec l’Orchestre radio-symphonique de l’ORF (Radio autrichienne) de Vienne, dont il est le directeur musical et artistique depuis 2010, peine à convaincre. L’orchestre, qui montre certaines limites, paraît en outre manquer de corps, peut-être sous l’effet de la prise de son, ce qui nuit à la séduction instrumentale de Kossuth. Quant aux choix interprétatifs du chef allemand, mélange bizarre et peu convaincant de distance et de subjectivité, manquant également trop souvent de fermeté et d’énergie, ils ne rendent pas justice au Concerto pour orchestre. Les increvables Danses populaires roumaines concluent agréablement le programme (cpo 777 784-2). SC




Le Sage dans Schumann: l’Alpha... mais pas l’oméga





Des vices et vertus du low cost... Après l’intégrale de la musique de chambre avec piano, Alpha propose l’intégrale de la musique pour piano seul de Schumann par Eric Le Sage (né en 1964). On se faisait une joie de retrouver cette somme en un coffret unique tant l’éditeur avait bien fait les choses, publiant chaque volume avec un soin particulier (lire nos comptes rendus des volumes VII, VIII, IX, X et XI). On attendait donc cette réédition à l’image d’une entrée en Pléiade. La déception résulte de la pauvreté de la mise en boîte: un coffret sinistre, un livret réduit à l’énumération des plages et des données d’enregistrement, aucun mot d’accompagnement (les notices ne pouvant être consultées que sur le site Internet de l’éditeur), aucune des illustrations picturales qui faisaient la beauté de l’édition originale. C’est la contrepartie du prix modique de cette anthologie au piano juste et délicat. Tout n’y convainc certes pas absolument (une Fantaisie sans relief, une frappe trop légère pour les Sonates, trop terrienne pour les Etudes symphoniques...). Mais demeure l’essentiel: l’authenticité de la pudeur qui s’exprime, sous-jacente, à chaque emballement. On est loin de l’électrochoc d’un Horowitz ou de l’inexorabilité d’un Richter. Eric Le Sage dessine, par-delà la virtuosité de sa frappe, un univers fragile mais non moins cru, un clair obscur qui nous «emporte dans un monde de fantaisie, montre des visions nocturnes, appelle des personnages surnaturels» (César Cui). Ce musicien intègre et sensible sait faire palpiter le cœur des mélodies schumaniennes sans jamais violenter ni détruire la chair qui les enveloppe (Coffret de treize disques ALPHA 813). GdH




Formats mozartiens: normal (Christian Ihle Hadland) et réduit (Janina Fialkowska)


    


Deux façons d’aborder les concertos pour piano de Mozart. Format réduit pour Janina Fialkowska (née en 1951): assez curieuse pour avoir créé en 1990 le Troisième [sic] Concerto de Liszt, la Canadienne, après les Onzième et Douzième voici cinq ans, s’intéresse, toujours chez Atma et avec cinq des Chambristes du Canada, aux Treizième et Quatorzième, les deux seules autres adaptations – sinon du compositeur, du moins publiées par ses soins – où la partie d’orchestre est dévolue à un simple quintette à cordes. Quelques scories instrumentales ne remettent pas en cause le plaisir que ménage l’écoute de cet album frais et inventif, qui, n’hésitant pas à ornementer et à interpréter le texte, ne se fige pas dans la fadeur, le respect et la prudence qui saisissent parfois les musiciens, même les meilleurs, dans Mozart, et, malgré la modestie de l’effectif, ne sonne jamais étriqué. Le piano et les cordes – dont le violoncelliste, Julian Armour, signe les notes de programme – se séparent pour offrir de généreux compléments, tous deux très populaires, qu’ils jouent dans le même esprit: les Variations sur «Ah vous dirai-je, Maman» et la Treizième Sérénade «Une petite musique de nuit» (ACD2 2532). Le disque de Christian Ihle Hadland (né en 1983) marque non seulement un retour à la confrontation plus habituelle avec l’orchestre grandeur nature mais surtout un atterrissage un peu brutal. Si le pianiste norvégien a le mérite de jouer ses propres cadences dans le Vingt-et-unième – très bêtement désigné ici par le sous-titre évidemment tout à fait apocryphe «Elvira Madigan» – et celles de Britten (anachroniques mais captivantes, faisant résonner le thème du Finale dès le premier mouvement) dans le Vingt-deuxième, son jeu est moins aérien que terne et dépourvu de réelle vision, se contentant ici ou là de quelques inflexions narcissiques. Ce n’est pas une question de tempo – le fameux Andante du Vingt-et-unième file en moins de 5 minutes et demie – mais le Philharmonique d’Oslo a en revanche sa part de responsabilité, trop carré et costaud sous la baguette du Norvégien Arvid Engegård (né en 1963), et non pas non pas de son directeur musical, Jukka-Pekka Saraste, ni même de Vasily Petrenko, qui lui succédera à compter de la saison prochaine (Simax PSC1323). SC




D’honnêtes Brigands





C Major édite en DVD tous les opéras de Verdi à l’occasion du bicentenaire de sa naissance. Captés au San Carlo de Naples l’année passée, ces Masnadieri (1847) reposent sur une distribution pleine de mérite. Mince et terne au début, la voix bien centrée d’Aquiles Machado (Carlo) s’échauffe et s’embellit par la suite tandis que celle, authentiquement verdienne, d’Artur Rucinski (Francesco) reste égale durant le spectacle. Giacomo Prestia chante un Massimiliano usé et anémié mais cela peut convenir à ce rôle de patriarche. Disposant d’une voix imposante, corsée et franche, Lucrecia Garcia (Amalia) témoigne d’un remarquable tempérament dramatique. Nicola Luisotti dirige avec fermeté et énergie un orchestre précis et enlevé tandis que le chœur se montre uni et engagé. Inutile en revanche de s’attarder sur la mise en scène sommaire et convenue de Gabriele Lavia (brigands en mafiosi) ni sur les décors renforçant la dimension sinistre de l’ouvrage (graffitis sur les murs). Pour une chronique en anglais, lire ici (722208). SF




Clap de fin (1): Symphonies de Weingartner





Fort logiquement, c’est avec la Septième (1939), créée à Bâle quelques semaines avant sa mort, que cpo met un point final à son intégrale des Symphonies de Felix Weingartner (1863-1942). Comme Beethoven, dont il a été le premier à graver une intégrale des Symphonies, le chef et compositeur autrichien conclut en apothéose sur une symphonie en quatre mouvements, d’une durée d’une heure, avec solistes et chœur, auxquels il ajoute même l’orgue (principalement mis en valeur au début du dernier mouvement). Mais la ressemblance s’arrête là, car les sections chantées (sur des textes de sa cinquième et dernière épouse, Carmen Studer, mais aussi de Hebbel et Hölderlin), c’est-à-dire les deuxième et quatrième mouvements, représentent les trois quarts de l’œuvre, les mouvements impairs tenant, pour l’un, du prélude solennel, et, pour l’autre, de l’intermezzo. Surtout, le style, s’il est certes très imprégné de tradition germanique, évoque davantage Brahms, Bruckner et Reger que Beethoven. A la tête de l’Orchestre symphonique de Bâle (dont Weingartner fut le directeur musical de 1927 à 1934), pas toujours parfait, et du Chœur philharmonique tchèque de Brno, Marko Letonja (né en 1961) illustre avec une grande conviction ce quasi-oratorio extérieurement peu original, mais qui, dans un ut majeur d’une ample respiration, ne se ressentant guère des affres de l’époque, ne manque jamais d’élévation de pensée (777 103-2). SC




Clap de fin (2): cycle Lutoslawski chez Chandos





Un quatrième album de musique symphonique vient clore avec succès le cycle que Chandos a programmé pour marquer le centenaire de la naissance de Witold Lutoslawski et qui comprend par ailleurs un album de musique vocale. Toujours avec l’Orchestre symphonique de la BBC, Edward Gardner (né en 1974), directeur musical de l’English National Opera depuis 2007 et futur chef principal du Philharmonique de Bergen à compter de 2015, a gardé le début pour la fin: éclipsée par les trois suivantes, la Première Symphonie (1947), dédiée à Grzegorz Fitelberg, qui en dirigea la création, est extérieurement plaisante, légère ou ironique, mais son centre en est le poétique deuxième mouvement (Poco adagio), qui dure presque autant que les trois autres. Le langage respire l’air du temps, mais davantage l’air de Paris que celui de Darmstadt, ce qui n’a cependant pas épargné à la symphonie une mise à l’index par les censeurs staliniens: c’est déjà le célèbre Concerto pour orchestre qui s’annonce, exactement contemporain des cinq brefs Préludes de danse (1954), orchestrés l’année suivante et servis ici avec un raffinement très poussé par Michael Collins (né en 1962). Les deux autres œuvres sont également de caractère concertant, mais postérieures de trente ans: Tasmin Little (née en 1965) convainc sans doute moins dans la version orchestrée (1988) de la rugueuse Partita (1984) pour violon et piano, écrite pour Anne-Sophie Mutter, que dans le caractère plus ludique et virtuose de Chain 2 (1985), «dialogue pour violon et orchestre» commandé par Paul Sacher. Une notice très complète d’Adrian Thomas ainsi qu’une belle prise de son, spacieuse et offrant une excellente définition des différents pupitres, contribuent à ce que cette publication soit aussi utile qu’agréable (CHSA 5108). SC




Anne Queffélec, Erik Satie & Cie...





Anne Queffélec porte haut les couleurs de la musique française dans un récital qui présente vingt-neuf pièces formant un programme fluide, solidement bâti sous un petit air improvisé comme le serait le chemin d’un promeneur solitaire au cœur d’un «paysage riche de fantaisie, de rêve, de chemins secrets, de "plaisirs furtifs", de clairs-obscurs, d’émotion...». Ce sont les propres impressions de la pianiste, qui fait de quinze partitions de Satie, vingt-cinq ans après son album monographique paru chez Virgin, pour la plupart célébrissimes, le fil rouge de cette promenade enchanteresse. Ainsi se côtoient sans heurt de brèves pages, souvent extraites de recueils, connues («Clair de lune») ou méconnues («Nonchalante» de Pierre-Octave Ferroud), de compositeurs français tous nés entre 1862 et 1900: Debussy, Koechlin, Schmitt, Séverac, Hahn, Ravel, Dupont, Poulenc et Ferroud. Quelques pièces assez vives, dont trois à quatre mains grâce au concours de son fils Gaspard Dehaene (Fanfare de Ravel, «La valse du mystérieux baiser dans l’œil» et «Cancan grand-mondain», extraits de La Belle Excentrique de Satie), pimentent cet ensemble lumineux à dominance poétique, qui contient les traits d’esprit et les éléments de clarté, de transparence et de délicatesse à l’émotion forte mais enfouie qui caractérisent la musique française. La pianiste allie la maîtrise et la précision à une finesse de toucher prismatique, une musicalité sans faille et une sensibilité tout en retenue. Anne Queffélec dédie son récital à la mémoire de Brigitte Engerer, disparue le premier jour de l’enregistrement, et sa pensée donne une dimension particulière à ce récital remarquable, qui se conclut sur le «Glas» des Musiques intimes de Schmitt (Mirare MIR 189). CL




Les cordes de Françaix





Toujours friand de raretés, l’éditeur Toccata Classics s’intéresse à la musique pour orchestre à cordes de Jean Françaix: la Symphonie d’archets (1948) et, en premier enregistrement mondial, l’un de ses seize ballets, Die Kamelien (1950), «pantomime pour acteurs en six scènes» Balanchine sur un livret de Sonia Korty (1894-1955) d’après La Dame aux camélias, ainsi que la brève Ode sur «La Naissance de Vénus» (1960), commande destinée à illustrer un programme de la RTF consacré au tableau de Botticelli. C’est ici la face tendre, presque ravélienne, du compositeur, plutôt que la verve pétillante et spirituelle qui a fait sa réputation. Sous la baguette du chef canadien Kerry Stratton, par ailleurs directeur musical du Toronto Concert Orchestra qu’il a fondé en 2010, les dix-neuf musiciens hongrois de l’Orchestre de chambre Solti se montrent excellents. L’album, trop court (52 minutes), aurait toutefois pu inclure deux des trois autres partitions que Françaix a consacrées à cette formation, même si elles ont déjà été enregistrées: la Sérénade B E A, les Six Préludes et les Quinze Portraits d'enfants d’Auguste Renoir (TOCC0162). SC




Jenůfa à Malmö: excellente surprise





Quelle excellente surprise que cette Jenůfa captée en 2011 à l’Opéra de Malmö! La mise en scène simple mais juste d’Orpha Phelan repose sur une distribution locale, donc peu connue, mais qui chante aussi bien qu’elle joue. Erika Sunnegårdh parvient à émouvoir dans le rôle-titre auquel elle apporte bonté et pudeur. La différence d’âge paraît minime avec la Kostelnicka remarquablement campée par Gitta-Maria Sjöberg, mais qu’importe. Ingrid Tobiasson incarne une Grand-mère sans surprises – elle épluche des pommes de terre – mais convaincante. Daniel Frank et Joachim Bäckström incarnent quant à eux des Laca et Steva idéalement jeunes et aussi dissemblables que possible. A la tête d’un orchestre investi et discipliné, Marko Ivanovic maîtrise la grammaire du compositeur. Le décor, propre et factice, bénéficie d’une lumière magnifique (Thomas C. Hase). Il est certainement possible de faire mieux et d’apporter un éclairage plus original et moins linéaire sur le drame de Janácek mais cette production constitue un bel exemple du niveau d’excellence que chaque maison d’opéra de province se devrait d’atteindre (Arthaus 101 665). SF




Des Symphonies de Brahms ancienne manière





Encore une intégrale des Symphonies de Brahms, étendue aux Variations Haydn, aux deux Ouvertures et, allez savoir pourquoi, à la seule Première des deux Sérénades, le tout en cinq disques pas très généreusement remplis: c’est celle de Grzegorz Nowak (né en 1951) avec le Royal Philharmonic Orchestra, dont il est le principal associate conductor depuis 2008. Comme dans un programme Chostakovitch précédemment paru mais enregistré un an plus tard (voir ici), l’orchestre, qui est ici aussi son propre éditeur, se montre plus solide que séduisant, mais le chef polonais surprend de nouveau par sa manière de prendre les partitions à bras-le-corps, sans chercher midi à quatorze heures. S’il est parfois plus appliqué et routinier qu’inspiré (Deuxième, Ouverture tragique), si sa direction peut devenir ici ou là grandiloquente ou trop appuyée, il ne manque généralement pas de souffle; et du souffle, il en faut pour malaxer une pâte orchestrale à la générosité très «ancienne manière», que l’épaisseur n’effraye pas. On n’a plus l’habitude ce Brahms d’avant la «nouvelle cuisine» musicale de ces deux ou trois dernières décennies, massif mais passionné, qui évoquerait, quoique sans autant de prétention démonstrative, le style d’un Christian Thielemann. Nowak, quant à lui, va droit au but, avec une particulière efficacité dans les Première et Troisième ainsi que dans la Sérénade (RPO SP 038). SC




Caillebotte: un frère compositeur





Martial Caillebotte (1853-1910), frère du peintre Gustave, a composé une Messe solennelle de Pâques créée le 5 avril 1896 dans la paroisse de Notre-Dame-de-Lorette (Paris, IXe) dans laquelle officiait son abbé de frère, Alfred. L’ouvrage, dont le manuscrit a été redécouvert au début des années 2000, recourt dans cette version (celle de la création) à trois solistes, un chœur, un orgue et un orchestre constitué de cordes, de deux harpes et de cuivres réduits aux trompettes et aux trombones. L’absence de percussion et, surtout, de bois lui confère une coloration particulière. Malgré l’influence perceptible de Wagner, la facture reste française et représentative de cette esthétique fin de siècle charmante mais surannée. Cette musique bien composée mais sans génie en impose par sa vigueur, sa spiritualité et sa grandeur. Nonobstant une réverbération importante, la qualité de l’exécution de l’Orchestre Pasdeloup et du Chœur Vittoria d’Ile-de-France dirigés par Michel Piquemal suffit pour rendre la découverte agréable. Ce disque ne s’avère pas indispensable sauf pour les mélomanes férus de musique française rare (Sisyphe 020). SF




Un Così ronronnant





Arthaus réédite un Così fan tutte déjà précédemment paru en DVD et même en vidéo – c’est que cet enregistrement a près de quarante ans. Le dramma giocoso mozartien est chez lui à Glyndebourne: avec la légendaire production mise en scène par Carl Ebert et dirigée par Fritz Busch, à l’origine du premier enregistrement de l’œuvre, le festival anglais n’a pas peu contribué à lui restituer un rang qu’elle avait perdu durant le XIXe siècle. Quarante ans plus tard (août 1975), ces temps héroïques paraissent bien lointains: Adrian Slack, qui a mis en scène les principaux opéras de Mozart pour le festival entre 1970 et 1976, marivaude très sagement, dans des décors et costumes prévisibles d’Emanuele Luzzati – uniformes et épées, robes et ombrelles, chapeaux et perruques, rien ne manque. Fort bien filmé pour la télévision par Dave Heather, le spectacle a un côté Ponnelle qui a pris un petit coup de vieux, de même que le grain de l’image, avec ses couleurs saturées. Mais au-delà de cette paisible routine théâtrale, la qualité musicale déçoit: la direction plus énergique que subtile de John Pritchard (1921-1989) n’est pas tant en cause que la tenue du chant: la Fiordiligi de la Suédoise Helena Döse (née en 1946), le Ferrando du Néo-Zélandais Anson Austin (né en 1940) et le Don Alfonso du Français Frantz Pétri (né en 1935) rencontrent trop souvent des difficultés. C’est le cas, à un moindre degré, de la Dorabella de la Suédoise Sylvia Lindenstrand (née en 1941) et de la Despina de la Française Danielle Perriers. Thomas Allen (né en 1944) ne sera anobli que vingt-quatre ans plus tard, mais il domine déjà de loin la distribution (102 309). SC




La rédaction de ConcertoNet

 

 

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