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Entretien avec P. Réach
03/03/2013
Pierre Réach évoque pour ConcertoNet sa formation, son jeu, son enseignement et ses projets.
P. Réach
Quels ont été vos professeurs et les artistes qui vous ont influencés?
Parmi les très grands artistes que j’ai eu l’immense privilège de rencontrer, il y a eu Arthur Rubinstein avec lequel j’ai travaillé de temps en temps entre 1974 et 1979 ( il m’a fait l’honneur inouï de venir à mon premier concert avec orchestre où j’ai joué le Concerto de Schumann à Paris salle Pleyel) et aussi Alexis Weissenberg qui a eu une grande influence sur moi pendant toute ma jeunesse. Je dois rencontrer prochainement Monsieur Karim Chebbani, qui prépare sur lui un livre et dans lequel je livrerai quelques témoignages et souvenirs.
C’est mon caractère de rester fidèle à tous ces grands artistes et professeurs. Mon premier fut la grande et merveilleuse Yvonne Lefébure, ainsi qu’Yvonne Loriod, Olivier Messiaen – j’avais gagné le premier prix Messiaen en 1971 – et Maria Curcio qui m’avait envoyé travailler avec Alexis Weissenberg.
Comment caractériseriez-vous le style de l’enseignement que vous avez reçu?
Pour répondre à votre question, ce qui caractériserait une école française serait la clarté et une certaine élégance du phrasé, et aussi une certaine précision dans les articulations. Même dans la musique impressionniste française, il faut jouer précis, et même plus que jamais!
Vous avez souvent évoqué le jeu orchestral qu’il est possible d’avoir au piano et que des compositeurs comme Alkan, Liszt ou Messiaen ont tellement développé. Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit?
L’orchestre est une de mes passions. J’adore jouer des transcriptions qui confèrent au piano un rôle extraordinaire de gestion de l’espace et des plans sonores comme la Symphonie fantastique. C’est une œuvre assez spectaculaire que Serge Baudo m’avait «commandée» il y a fort longtemps pour la jouer au festival Berlioz de La Côte-Saint-André, lieu de naissance de Berlioz. Depuis je joue souvent cette œuvre diabolique mais où apparaît tout le génie de Liszt.
Ce jeu orchestral est-il typiquement français?
Le jeu orchestral au piano n’est pas particulièrement français. Le jeu orchestral au piano, c’est donner de l’espace, on peut jouer dans la nuance piano et grand, on peut jouer petit et forte. Donner de l’espace, c’est sentir les distances comme lorsque le bras du chef d’orchestre fait terminer les cordes et «donne le départ» aux vents. Pour cela, il ne suffit pas de battre son entrée, il faut l’«installer» après le discours des cordes. C’est cela, la véritable respiration. J’ai été récemment très impressionné à la lecture des entretiens du grand Sergiu Celibidache et essaye dans mon travail personnel au piano d’aller dans ce sens des plans et de l’orchestre.
Pouvez-vous nous parler de vos activités de pédagogue?
J’ai ma classe au conservatoire de Paris et à l’Ecole supérieure de Catalogne à Barcelone et je partage ma vie entre ces deux villes. Je vais chaque année enseigner au Japon à Kyoto et Tokyo et en Chine. J’ai été en 2005 professeur honoris causa du Conservatoire de Shanghai.
Comment est la vie musicale chinoise? Est-ce l’avenir de la musique classique?
En ce qui concerne la vie musicale en Chine, je ne parlerai que de ce que j’ai vu et entendu à Shanghai, Xiamen et Shenzhen. C’est dans ces trois villes que je me rends régulièrement et je les connais donc mieux. Il est certain qu’il y a un essor extraordinaire, notamment chez les jeunes pour le piano qui est une attraction très forte.
Pour répondre à votre question je pense que les Chinois, surtout les jeunes, ont un grand atout en plus de leur talent extraordinaire fait d’intelligence, d’une mémoire inouïe tant intellectuelle qu’auditive (en grande partie en raison des sonorités de la langue, le même mot prononcé un tant soit peu différemment change totalement de sens). Les jeunes ont beaucoup d’enthousiasme mais surtout une incroyable puissance de travail. Ils travaillent leur instrument huit heures par jour et le travail acharné donne de grands résultats.
Chez nous, les vacances, les ponts entre jours fériés, les siestes, les gâteries et permissions ne peuvent lutter contre cet acharnement au travail. Les résultats se font sentir dans les concours internationaux, où l’on assiste chez les Asiatiques à un déferlement de talents très accomplis et exigeants. Je vais donc répondre à votre première question: oui les Chinois et les Asiatiques vont nous dépasser dans le professionnalisme si ce n’est déjà fait!
Quels sont vos propres projets de concert?
Je m’apprête à partir à Tokyo et Kyoto pour un récital important à la Musahino Hall de Tokyo le 19 mars avec au programme la Sonate «La Tempête» de Beethoven, Carnaval de Schumann et la transcription par Liszt de la Symphonie fantastique de Berlioz. Beethoven, comme Bach, dont je viens de jouer à Paris les Variations Goldberg le 11 février dernier, est ma passion. Je prépare une intégrale des Sonates.
A Kyoto tout de suite après, je serai à l’Académie de musique française, où je jouerai la Sonate de Poulenc avec le violoniste Olivier Charlier, j’accompagnerai les Poèmes de Ronsard et je donnerai aussi une œuvre d’Eric Tanguy.
Je donnerai des récitals le 21 avril à Béziers, invité par le pianiste Jean-Bernard Pommier, et le 5 mai à Berlin (Beethoven, Chopin). Au festival de Blonay, en Suisse, où la pianiste Edith Fischer m’a invité en août, je jouerai les Variations Goldberg.
Pourriez-vous enfin nous parler du concours Paul Badura-Skoda qui vous tient cœur?
J’ai créé en Espagne à Vila-seca le Concours international Paul Badura-Skoda. C’est un ami très proche. Nous organiserons précisément à Xiamen la deuxième édition de ce beau concours du 5 au 12 décembre car il faut aussi aider les jeunes!
Le site de Pierre Reach
Le site du concours Paul Badura-Skoda
[Propos recueillis par Antoine Leboyer]
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