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03/05/2007 Gioacchino Rossini : Tancrède Raúl Giménez (Argirio), Daniela Barcellona (Tancrède), Marco Spotti (Arbazzano), Darina Takova (Amenaide), Barbara di Castri (Isaura), Nicola Marchesini (Roggiero). Orchestre et Chœur du Mai musical florentin, Riccardo Frizza (direction), Pier Luigi Pizzi(mise en scène)
Enregistré au Teatro Communale de Florence (21 octobre 2005) – 155’
TDK DVWW-OPTANC. Format : 16:9. Region code : 0 (worldwide) (distribué par Intégral)
Un décor néoclassique antiquisant, avec colonnes, bas-reliefs, autel : on reconnaît bien les goûts de Pier Luigi Pizzi, qui, pour les costumes, joue sur les couleurs - blanc et noir pour les factions syracusaines réconciliées, rouge pour Tancrède et ses compagnons. Aussi à l’aise dans les grands ensembles que dans les scènes intimistes, le metteur en scène sert d’abord la musique, sans refuser la convention d’un pathétique parfois un peu grandiloquent mais jamais outré : épées brandies, bras levés vers le ciel, etc. Et ce fond bleu très méditerranéen, avec un olivier, sur lequel se détachent, au dernier acte, des silhouettes vêtues de noir, est bien joli. Bref, le spectacle – une reprise du festival de Pesaro - fonctionne très bien et rend toute justice au premier opera seria de Rossini.
Musicalement, tout satisfait ou presque. Daniella Barcellona, sans avoir dans le timbre le cuivre d’une Marilyn Horne ni son insolence dans la vocalise, est, on le sait, une des meilleures représentantes du chant rossinien aujourd’hui. Du fameux « Di tanti palpiti » au finale, le contralto musico séduit par l’homogénéité des registres, la pureté de la ligne dans le cantabile, l’assurance dans le canto fiorito, ne sacrifiant jamais l’émotion à l’effet, Tancrède plus sensible que conquérant, moins héroïque que Horne, toujours noble et émouvant. De son côté, Darina Takova, soumise à moins rude épreuve que dans Sémiramis, n’est pas Joan Sutherland, mais elle fait preuve, elle aussi, des mêmes qualités, s’appariant parfaitement avec la voix de sa partenaire – ce qui, pour les duos rossiniens, est si essentiel -, un tantinet timide au début, s’investissant de plus en plus au fil de la représentation, notamment dans la cavatine du début du second acte, où la maîtrise du souffle assure la qualité du cantabile.
Malgré un timbre blanchi par les années, contraint à une certaine prudence, Raúl Giménez, un des grands ténors rossiniens de la décennie précédente, n’a rien perdu de son raffinement, même s’il semble parfois contraint à une certaine frilosité dans l’expression. Distribuée dans un rôle à la mesure de ses moyens, Barbara di Castri, convainc tout à fait, elle qui sera l’année suivante dépassée par Arsace au Théâtre des Champs-Elysées (voir ici). On se demande, en revanche, s’il était justifié de confier Roggiero à un contre-ténor, quels que soient ses mérites, Nicola Marchesini manquant malgré tout d’abattage dans les vocalises et d’aisance dans l’aigu. Marco Spotti, enfin, très belle voix pleine de santé au demeurant, noircit trop son Orbazzano, l’assimilant à un style plus tardif.
Au pupitre, Riccardo Frizza confirme ses affinités avec Rossini, dont l’orchestre vit pleinement ; très attentif aux timbres, le jeune chef soigne particulièrement les passages instrumentaux, il a seulement ici ou là tendance à oublier le théâtre, un rien languissant dans le finale du premier acte. A noter qu’il a préféré le finale tragique à la version avec lieto fine.
Didier van Moere
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