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12/01/2006
Wolfgang Amadeus Mozart : L'Enlèvement au sérail
Laura Aikin (Constance), Valentina Farcas (Blonde), Charles Castronovo (Belmonte), Dietmar Kerschbaum (Pedrillo), Franz Hawlata (Osmin), Chœur des Opéras de Vienne, Orchestre du Mozarteum de Salzbourg, Ivor Bolton (direction). Mise en scène : Stefan Herheim.
Enregistré à Salzbourg en août 2006 - 156’.
Decca (2 DVD) 074 3156. Format : 16:9. Region code : 0 (worldwide).


Salzbourg 2006 ou « Mozart 22 ». Autrement dit les vingt-deux opéras du génie salzbourgeois, jusqu’aux tout premiers, jusqu’aux inachevés. Peter Ruzicka, pour la dernière année de son mandat et celle du deux cent cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur, voulait relever le défi, quitte à donner des reprises et à proposer des coproductions. Une belle gageure, à laquelle personne ne s’était risqué jusque là, même à l’époque de l’âge d’or du festival. Reste à savoir s’il fallait faire un tel sort, par exemple, à tous les opéras de jeunesse. Peut-être, à condition d’atteindre partout un niveau d’excellence digne de Salzbourg. Tout le monde pourtant s’accorde à le dire : ce fut loin d’être le cas et les premières productions mozartiennes destinées à l’année 2006, suscitèrent d’emblée, il y a quelques années, un certain scepticisme. Or voici que l’ensemble de ces spectacles se trouve désormais disponible sous forme de 33 DVD – 350 euros environ l'ensemble, mais ils sont aussi disponibles séparément: « Mozart 22 » passe ainsi à la postérité grâce aux efforts conjoints de Deutsche Grammophon et Decca. Cela en valait-il la peine, alors que tant de productions du passé sont cent fois plus intéressantes ?
On peut en douter, surtout si l’on en juge par L’Enlèvement au sérail, une des pires choses vues à Salzbourg ces dernières années (lire ici et ici). L’Enlèvement, à vrai dire, a disparu, le jeune metteur en scène norvégien Stefan Herheim ayant trafiqué les dialogues et supprimé le Pacha. La turquerie se mue en une allégorie fumeuse sur les misères de la vie sexuelle, conjugale et familiale, Osmin devenant un curé pervers aux airs de don Camillo, qui chante « Alleluia » au lieu de « Tralalera ». C’est grossier – Belmonte se fait traiter de « merdeux, lèche-cul, fils de pute » - faussement provocateur, artificiellement branché, avec des trucs usés depuis un certain temps : le côté sitcom, le côté névrosé, parfois un rien sado-maso, Adam et Eve nus au début, l’échangisme sexuel, on a déjà donné. C’est surtout incohérent : à force d’aller dans tous les sens, cela n’a plus aucun sens. On pouvait certes jouer sur l’ambiguïté des sentiments, s’interroger sur la méchanceté faussement bonhomme d’Osmin. On a préféré faire table rase du Singspiel mozartien en le transformant en une espèce de revue tragi-comique où l’on manie le fer à repasser et le couteau de cuisine au milieu des cadeaux de mariage. Un assassinat tristement ridicule, qui ne nous convainc pas plus en 2006 qu’en 2003, où il avait suscité un scandale mémorable.
Musicalement, les choses ne se sont guère améliorées. A la tête d’un orchestre du Mozarteum sans grande séduction, Ivor Bolton reste vif mais prosaïque, manquant cruellement de subtilité, n’aidant pas des chanteurs dont certains paraissent souvent à la limite de leurs moyens. Laura Aikin, par exemple, peine dans les redoutables vocalises de Constance, se montre stridente et courte dans le suraigu, a une émission assez raide qui l’empêche de galber ses phrases avec raffinement. La Blonde de Valentina Farcas connaît les mêmes difficultés, faute de la légèreté requise : comme on regrette Diana Damrau, sa virtuosité, son abattage de vraie Koloratur à l’allemande – qui fut cette année une éblouissante Reine de la nuit dans La Flûte enchantée et un Faune parfait dans Ascanio in Alba. Quant à Charles Castronovo – bien meilleur à Bastille récemment en Nemorino -, son émission engorgée ne saurait le prédestiner à Belmonte, dont il n’a ni le charme ni l’élégance, et le condamne à rater « Ich baue ganz ». On se dit du coup, comme en 2003, en écoutant le Pédrille délié et stylé de Dietmar Kerschbaum – exemplaire Sérénade – qu’on aurait presque pu troquer le valet contre le maître. Et l’on apprécie à sa juste valeur l’Osmin tout aussi stylé de Franz Hawlata, qui arrive à sauver lui aussi, malgré ce que lui impose le metteur en scène, l’honneur du chant mozartien, même si on doute un peu de la profondeur réelle de ses notes les plus graves.
Le titre de gloire de Peter Ruzicka, c’est moins ce « Mozart 22 » un peu fou que ces opéras « dégénérés » - Le Roi Candaule de Zemlinsky en 2002, Les Bacchantes de Wellesz en 2003, La Ville morte de Korngold en 2004, Les Stigmatisés de Schreker en 2005, dont le DVD vient de paraître chez Euroarts - ou ces Strauss méconnus - L’Amour de Danaé en 2002, Hélène d’Egypte en 2003 - qu’il s’est patiemment attaché à ressusciter.


Didier van Moere

 

 

 

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