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10/20/2006 Airs d’opéras de Verdi, Puccini, Donizetti, Mozart… Tamar Iveri, Isabel Bayrakdarian, Michèle Crider, Edda Moser, Claudia Rohrbach (sopranos), Vivica Genaux, Regina Richter (mezzos), Saimir Pirgu, Neil Shicoff (ténors), Thomas Quasthoff, Carlos Alvarez (barytons)
Chœur de l’Opéra de Cologne, Orchestre du Gürzenich Cologne, Markus Stenz (direction)
Enregistré à l’Opéra de Cologne (2 juilet 2005)
1 DVD Arthaus Musik 101105 – 125' (zone 0)
Dans le cadre de la lutte contre le sida, l’Allemagne organise tous les ans des galas lyriques rassemblant les plus grands chanteurs de la planète. L’opéra de Cologne a ainsi accueilli, le 2 juillet 2005, Carlos Alvarez, Vivica Genaux, Neil Shicoff, Wagner, Donizetti, Puccini et bien d’autres encore… pour une soirée exceptionnelle, autant humaine que musicale.
La soirée s’ouvre avec le baryton Thomas Quasthoff qui interprète la Romance à l’étoile de Tannhäuser. Son chant est absolument poignant car il varie à l’infini les nuances et les couleurs: il chante en mezza-voce et avec des notes sombres voluptueuses les quelques phrases qui précèdent le début de l’”air”. Il revient ensuite avec un extrait de Zar und Zimmermann de Lortzing “O sancta justitia” où il prouve ses qualités expressives en insistant sur l’humour du personnage: la vocalise, par exemple, qui descend dans les profondeurs corsées de sa voix et qui s’achève sur une note longuement tenue, la mobilité de son visage, etc…
Isabel Bayrakdarian chante “Bel raggio” de Semiramide avec brio mais il faut reconnaître que la voix est parfois un peu acide. En revanche elle montre une voix agile dans les vocalises et elle ne manque pas de sensibilité musicale.
Tamar Iveri est nettement plus convaincante avec un “E Susanna non vien” vécu et intense. La voix n’est pas toujours superbe notamment sur les aigus (pas très justes…), mais il est indéniable que la musicienne met toute son âme pour décrire l’inquiétude de la Comtesse et sa volonté de retrouver son amour perdu. En revanche “Chi il bel sogno di Doretta” manque de simplicité…
Michèle Crider chante avec musicalité “Pace, pace” de La Forza del destino mais la voix ne suit pas toujours: vibrato prononcé, problèmes de justesse… “Summertime” de Porgy and Bess est bien plus saisissant avec des notes à peine murmurées et un rythme envoûtant.
Vivica Genaux offre son inoubliable “Nacqui all’affanno” de la Cenerentola: les vocalises sont toujours aussi parfaites, les aigus rayonnants et brillants… L’interprétation est fine et sensible dans le début de l’air car la chanteuse met en relief certains mots, en souligne d’autres… Elle ne peut s’empêcher toutefois de rajouter de multiples variantes, pour le plus grand bonheur du public! Elle revient pour un extrait de La Tempranica de Gimenez où elle est époustouflante: elle peut mettre à profit sa longue expérience de Rossini pour les phrases exécutées sur un tempo vif. Son chant est dans la plus pure tradition espagnole: on croirait entendre Raquel Pierotti!
Neil Shicoff apparaît pour deux extrais de Tosca. L’interprétation est toujours aussi forte et aussi bouleversante malgré une voix qui peut parfois être assez laide, mais c’est la signature de cet immense artiste! Il adopte un tempo très lent pour “Recondita armonia” ce qui donne à cet air une coloration presque tragique: Cavaradossi sait déjà que son amour n’aura pas d’avenir. Dans “E Lucevan le stelle”, il nuance sa voix avec des notes désespérées et très douces (“sur langure carezze”) et comme toujours il tient à l’extrême les aigus. Un grand moment!
Le ténor Saimir Pirgu est une véritable découverte, car s’il a déjà chanté à Vienne, Pesaro et dans de grandes salles, il est (presque) inconnu en France. Agé de seulement 24 ans au moment du concert, il apporte toute sa naïve jeunesse à Nemorino dans L’Elixir d’amour et son enthousiasme à Non ti scordar di me. Son “Una furtiva lagrima” est de haute tenue notamment dans les dernières notes, car il ne cède pas à l’effet facile de multiplier les aigus pour le plaisir, mais bien au contraire de les nourrir d’une intention dramatique. La voix est très claire, limpide et agile: il sera sûrement très à sa place dans du Rossini ou du Donizetti.
Carlos Alvarez met sa chaleureuse voix au service de Donizetti pour un extrait de La favorite “Léonore, viens”. Son chant est d’une grande humanité grâce à des respirations pleine de noblesse, mais ce qui ne l’empêche pas pour autant de se détendre dans la cabalette et d’adopter un tempo plus vif. Dommage que l’on ne comprenne pas un traître mot de son texte… Il achève le concert avec “Bless your beautiful hide” de Gene de Paul où il se laisse prendre au jeu avec humour.
Claudia Rohrbach, Regina Richter et la grande Edda Moser se rejoignent pour le trio final du Rosenkavalier. La mezzo Regina Richter est un nom à retenir car elle possède un solide instrument et une justesse expressive. Edda Moser n’a plus la voix de ses vingt ans mais quelle présence! Quels aigus solaires dans les dernières notes, quelle élégance vocale dans “Hab’ mir’s gelobt”.
Tous les chanteurs, à l’exception de Thomas Quasthoff, Neil Shicoff et Edda Moser, s’unissent pour un Tonight final plein d’allégresse!
Markus Stenz est un accompagnateur soucieux des chanteurs mais pas forcément très musicien: l’entrée des invités de Tannhäuser ressemble plus à du Verdi qu’à du Wagner… Mais ce n’est un détail tant il rend justice à tous les autres compositeurs notamment à la finesse de Puccini dans le début de “E lucevan le stelle”.
Ce concert aura permis de réunir quelques-unes des plus grandes voix actuelles de l’opéra. Il faut particulièrement retenir les interventions de Thomas Quasthoff, de Neil Shicoff ou bien encore de Vivica Genaux qui donnent un sens à ce gala et à ce DVD.
Une remarque s'impose: Konrad Beikircher commente le gala en annonçant les airs et les chanteurs mais aussi en racontant des anecdotes qui semblent bien drôles puisque le public allemand rit à plusieurs reprises. En l’absence de sous-titres en français, les spectateurs français risquent d’avoir du mal à saisir tout le sel des plaisanteries…
Manon Ardouin
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