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12/03/2015
Chagall. La couleur des sons (2015)
Christoph Willibald Gluck : Orphée et Eurydice: Ronde des esprits bienheureux (transcription de Giovanni Sgambati)
Wolfgang Amadeus Mozart : Fantaisie en ré mineur, K. 385g [397]
Richard Wagner : Tristan und Isolde: Mort d’Isolde (transcription de Franz Liszt)
Claude Debussy : Etudes (Livre I): n° 3 «Pour les quartes» & n° 6 «Pour les huit doigts»
Maurice Ravel : La Valse
Mikhaïl Rudy (piano, réalisation), Mathilde Germi (animation)
Le Roman d’un pianiste (2008)
Denis Podalydès (récitant), Andy Sommer (réalisation)
DVD Calliope CAL 1529 (distribué par Socadisc) – Notice de Meret Meyer et Mikhaïl Rudy





Assisté pour la création des animations de Mathilde Germi, infographiste et vidéaste, Mikhaïl Rudy (né en 1953) réalise un film qui correspond à un espoir qu’il conçut et imagina autrefois d’une place au «paradis» de l’Opéra Garnier. Le film anime des détails d’esquisses inédites, de dessins préliminaires, de la maquette définitive et de la toile finale de Marc Chagall (1887-1985) qui orne le plafond de l’Opéra Garnier depuis 1964. Son piano accompagnant la projection du film, Mikhaïl Rudy a donné plusieurs concerts depuis 2013, le dernier en seconde partie d’un programme plus généreux à la Philharmonie de Paris en octobre 2015 dans le cadre de la grande exposition en deux volets, Marc Chagall, le triomphe de la musique et La Petite boîte à Chagall, dont le pianiste français d’origine russe est le directeur musical.


Pour accompagner le film, en direct ou sur la bande-son, Rudy, convaincu que Chagall les appréciait plus particulièrement, choisit d’interpréter des œuvres de cinq des quatorze compositeurs retenus par le peintre russe pour son plafond du fait que leurs opéras ou leurs ballets font partie du répertoire de Garnier. Chagall s’inspira d’une œuvre précise de chaque compositeur à commencer par Orphée et Eurydice (1762) de Gluck ou Tristan et Isolde (1857-1859) de Wagner dont Rudy interprète respectivement la «Ronde des esprits bienheureux» dans la transcription de Sgambati (1878) et la «Mort d’Isolde» dans celle de Liszt (1867). Préférant des pièces directement composées pour le piano, Rudy délaisse La Flûte enchantée pour une Fantaisie en ré mineur (1782) de Mozart, Pelléas et Mélisande pour deux des Etudes (1915) de Debussy et Daphnis et Chloé pour La Valse (1920) de Ravel. Son interprétation sensible de Gluck et de Mozart sonne avec beaucoup de clarté, les notes bien détachées et la résonance mieux contrôlée que dans de son exécution de la transcription de Liszt, ses crescendos progressifs cependant d’une beauté efficace, et la tension structurelle bien maintenue. Il réussit particulièrement bien l’«Etude pour les quartes» et la fluide «Etude pour les huit doigts» dont il fait ressortir non seulement le brillant mais toute la sensibilité poétique. Pour La Valse, il préserve les fréquents instants de grâce tout en soignant le développement du caractère fantasque essentiel à l’œuvre, les rythmes marqués à bon escient, les accélérations menées avec feu et les voix secondaires claires malgré une résonance parfois difficile à éviter.


Meret et Bella Meyer, les petites-filles de Chagall, ont encouragé Mikhaïl Rudy dans son entreprise, lui accordant le droit d’utiliser pour son film tout le travail préliminaire à la réalisation de l’œuvre sur toile, y compris la maquette et des esquisses encore inédites. Rudy a conçu le mouvement, Germi le réalise. L’animation est extrêmement adroite, les personnages isolés par infographie de l’ensemble tout comme les édifices, les traits linéaires de formes indéfinies et jusques aux zones de couleurs qui constituent l’abstraction lyrique des fonds. A partir de ces éléments, Mathilde Germi constitue progressivement des fonds de couleurs ou des marbrures zébrant le blanc, elle construit un décor, l’anime de virevoltants traits colorés, et, toujours suivant la volonté du pianiste, elle fait apparaître et voyager à travers l’écran les personnages articulés comme des pantins qui, à l’occasion, offrent un bouquet ou jouent d’un instrument, les doigts courant sur les cordes. Jamais immobile, l’animation crée ses propres tableaux et ses propres élans ou tourbillons, tout en suivant minutieusement les phrasés ou les rythmes entendus au piano, ou en reliant les temps forts par des mouvements en courbes obliques.


Malheureusement, c’est oublier que les toiles de Chagall ont leurs rythmes propres et un mouvement qui naît sous l’œil grâce aux lignes structurelles, à l’élan des traits et aux correspondances des couleurs. Statiques, ses toiles regorgent de vie et de mouvement. Sans discrimination, le film mêle les esquisses parfois en noir et blanc, aux maquettes et à l’œuvre finale, faussant la vision picturale et ne donnant de ce fait aucune idée nette et précise des tableaux conçus par Chagall ou de la disposition des blocs de couleur, des lignes directionnelles et des groupes de personnages du plafond de Garnier tel qu’il est. Gluck, à dominante verte, sur le petit panneau central, les autres sur l’un des douze panneaux tout autour, Mozart à dominante bleu clair, Wagner à dominante verte, Debussy à dominante bleue et Ravel à dominante rouge n’apparaissent clairement qu’au moment de la très brève vue d’ensemble présentée in fine.


Si le film ne propose pas l’analyse ou la découverte de près du plafond de Garnier, la sincérité d’une démarche qui souhaite rendre hommage au peintre n’est pas à mettre en doute. L’adresse de l’exécution reste entière. Puristes mis à part, le film peut plaire à un large public et permettre peut-être aux plus jeunes de s’ouvrir non seulement à l’art mais à la musique.



Le film d’Andy Sommer part de la courte autobiographie dramatique de Mikhaïl Rudy, Le Roman d’un pianiste (Editions du Rocher), pour la mettre richement en images. Rudy et sa famille y paraissent et s’y expriment, Rudy en russe, en français ou au piano, mais c’est par la voix de Denis Podalydès que l’on découvre des extraits des écrits émouvants d’un pianiste vivant en Russie à l’époque soviétique et ensuite en France.


Christine Labroche

 

 

 

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