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08/25/2012
Frank Scheffer : How to get out of the Cage. A Year with John Cage – Nopera – Ryoanji – Stopera’s I & II
Frank Scheffer & John Cage : Wagner’s Ring
John Cage : Chessfilmnoise

DVD EuroArts 2059168 – 56’ (film) + 92’ (les 5 courts-métrages)
Format NTSC 4.3 (film), 16/9 (courts-métrages) – Son PCM Stéréo – Code région 0 (worldwide) – Sous-titres en allemand, français et japonais – Notice de présentation (en anglais) de Frank Scheffer





Pour célébrer le centenaire de John Cage (1912-1992), le cinéaste Frank Scheffer puise dans ses archives – en particulier celles de l’année 1987 – le matériel d’un portrait sous forme de documentaire de près d’une heure qu’il intitule How to get out of the Cage (2012), titre à la fois plaisant et à résonance multiple, qui, au premier degré, signifie «comment se sortir de la cage». En 1987, Scheffer accompagnait un John Cage jamais avare de paroles lors de ses différents voyages: à Cologne pour le NachtCageTag (vingt-quatre heures de sa musique), à Londres pour Roaratorio en collaboration avec Merce Cunningham, à Los Angeles pour le festival, avec la collaboration du pianiste David Tudor et des images de l’insaisissable Takehisa Kosugi, à New York, son domicile, où il reçut en 1949 les enseignements fondateurs de Daisetsu Suzuki, adepte du bouddhisme zen, et, pour terminer, à Francfort pendant les représentations de deux de ses opéras, réunis sous le titre Europera’s I & II, commandes indirectes de Heinz-Klaus Metzger et Rainer Riehn. Les cinq voyages constituent les cinq chapitres du film. Certaines séquences avaient déjà été utilisées lors du film Time is Music (1988), portrait double de Cage et d’Elliott Carter, mais la différence d’époque, de contexte, de montage et d’angle d’approche leur prête un nouveau relief.


Le film est fait de fruits de riches entretiens, d’extraits fugitifs et décousus de spectacles et de concerts en cours ou en répétition et d’évocations des lieux artistiquement mis en image, caméra fixe ou à l’épaule: accélérés, mises au point floues et très gros plans de détails infimes. Frank Scheffer respecte les unités de lieu et de temps (dans le sens de la durée) pour chaque chapitre à part, mais, hormis les instants ou les intervenants – essentiellement Cage en 1987 – sont nets à l’écran, les images ne viennent que rarement en illustration directe du propos mais restent en contrepoint souvent absolu, comme lors des ballets, tel Roaratorio (1980) où la danse se conduit sans référence à la musique, le lieu et le minutage des séquences étant les seuls lien directs. Le propos est celui de Cage qui s’exprime lentement et clairement dans un style aphoristique. Sa voix domine une bande son faite par ailleurs de bribes de musique ou de sons naturels ou urbains captés avec l’image avant montage. La pensée et les principes philosophiques entendus influent sur la manière – active – de recevoir l’existence en parallèle de tant d’éléments épars, la contingence heureuse, la concomitance fertile, le fortuit provocateur. Le portrait est exact. Le film est à l’image de l’homme.


Par la sélection des séquences, Frank Scheffer souligne les choix de John Cage et les directions qu’il prend. Cage se réfère à ses ainés – Thoreau, Satie, Suzuki, Joyce, Duchamp, Huxley, Fischinger, Beckett et René Char – et il tient comme philosophie de vie le bouddhisme zen et les principes du yi-jing. Les éléments de langage qui reviennent le plus souvent dans son discours sont l’indétermination, l’imprévisibilité, l’aléatoire le hasard, la contingence, la coïncidence, la mutation, l’expérimentation, le questionnement, l’unicité et, dans un sens négatif, l’intention, le contrôle, le jugement, le silence, le linéaire. Il souhaite une beauté créée par la concomitance des événements comme la beauté de l’arbre verglacé filmé en Californie, ou encore une appropriation individuelle des sons pour que l’œuvre musicale soit à chaque fois différente et unique. Ses aspirations à long terme sont pour l’humanité et pour la Terre: elles vont vers un «village global» au centre nerveux collectif et vers la sauvegarde et le partage de la planète grâce à une «anarchie» à son idée, intelligente et responsable, chacun œuvrant pour un bien commun.


Cinq courts métrages expérimentaux accompagnent le film, le style de Frank Scheffer immédiatement reconnaissable. L’indétermination va à l’image. Chessfilmnoise (1988) met en valeur le monde sonore entourant fortuitement un jeu d’échecs. Nopera (1995) trace un projet d’opéra à la Cage. Ryoanji (2011), l’œuvre du compositeur (1985), accompagne les images de style expérimental du jardin zen éponyme. Le bref Stopopera’s (1992) se concentre sur la réalisation des Europera’s I & II (1987). Le plus étonnant reste Wagner’s Ring (1987), le yin en 3 minutes 40 secondes du yang du Ring de près de quinze heures à l’Opéra d’Etat de Bavière en 1987. A l’écran, caméra fixe, la Tétralogie passe en entier, avec quatre rideaux et salut final, grâce à un montage d’une à trois images sur vingt-quatre, sélectionnées à l’aide du yi-jing, ce qui crée un accéléré avec une image toujours bien définie, la bande son réduite à un lent crescendo de crépitements sur pédale grave qui crée une tension extraordinaire. C’est un exploit: l’amateur suit.


Le film de Frank Scheffer et les courts métrages qu’il choisit révèlent un Cage pondéré, méticuleux, aimable et doux, pleinement conscient de l’influence qu’il exerçait sur autrui, influence qu’il ne cherchait pas, en principe, mais qui naissait de la réflexion qu’il provoquait et que saluait l’éclat de son regard. C’était un homme d’une époque d’après-guerre où l’idéalisme était encore de mise et le film permet de saisir l’air de ce temps révolu et l’espoir qu’il portait. En ce sens, c’est un document historique.


Christine Labroche

 

 

 

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