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04/30/2011
Cole Porter : Kiss Me Kate
Brent Barret (Frederic C. Graham), Rachel York (Lilli Vanessi), Nancy Anderson (Lois Lane), Michael Berresse (Bill Calhoun), Orchestra and Chorus of the Victoria Palace Theatre, Paul Geminiani (direction)
Enregistré au Victoria Palace Theatre de Londres (2002) – 146’
DVD Arthaus Musik 107211 (distribué par Intégral)





On peut toujours trouver sur Broadway l’une ou l’autre salle qui accueille pour quelques saisons un revival, appellation consacrée pour la reconstitution d’un show plus ancien. Une forme de théâtre de répertoire, à laquelle on consacre des moyens importants et surtout une méthodologie scrupuleuse en vue de remettre la pièce d’origine en scène avec une authenticité maximale. Même si cette fidélité n’exclut pas la modernisation des techniques utilisées, le terme de relecture n’a jamais droit de cité dans ce genre d’entreprise : c’est bien au musée de Broadway que l’on est convié, encore que sans aucune sensation d’empoussiérage à la clé.


Malheureusement, alors que la moindre production d’opéra ambitieuse a droit aujourd'hui à son archivage automatique en DVD, la comédie musicale américaine reste très en retard quant à sa représentativité audio-visuelle, en partie en raison de l’épineuse gestion des droits d’auteurs. La plupart de ces revivals passe donc irrémédiablement à la trappe après quelques années de représentation (à moins que finalement les caméras arrivent, mais parfois trop tard, face à des distributions de fin ce cycle qui paraissent essoufflées). C’est donc avec empressement que l’on pourra faire honneur à l’immortalisation de Kiss Me Kate, considérable succès de Cole Porter créé en 1948 au New Century Theatre, dont cette reconstitution tournée cinquante ans plus tard donne un brillant aperçu.


Ce n’est pas l’excellent revival new-yorkais de 1999 qui a été filmé (près de 900 représentations au Martin Beck Theatre) mais la production londonienne qui l’a suivi immédiatement et qui lui ressemble beaucoup (les maîtres d’oeuvre sont les mêmes). Par rapport au souvenir gardé du spectacle de Broadway l’espace disponible au Victoria Palace de Londres paraît un peu plus réduit et limite la liberté des danseurs, les caméras semblant aussi avoir quelques difficultés à prendre du champ. Mais la sensation d’électricité particulière des passages chorégraphiés a été bien respectée (le prodigieux Too dam hot, suite de décharges motrices extraordinaires, mérite le détour). En fosse, à la tête d’une poignée de musiciens astucieusement amplifiés (les dosages sont parfaits), l’inusable Paul Geminiani se porte garant d’une véritable authenticité.


Bien évidemment la mise en scène paraît archi-conventionnelle, mais qu’importe. C’est la loi du genre et tout le monde s’agite avec tant d’énergie et de bonne humeur qu’aucun grain de poussière n’a le temps de se déposer. De toute façon le livret de Samuel et Bella Spewack est un véritable modèle, théâtre dans le théâtre particulièrement efficace, représentation de La Mégère apprivoisée de Shakespeare perturbée par les dissensions amoureuses du couple d’acteurs principaux, les réactions colériques de l’héroïne dans sa véritable existence se superposant aux poses de virago qu’elle doit adopter dans la pièce. Point culminant à la fin de la première partie, avec une fessée magistrale dont les séquelles empêchent ensuite durablement la star de s’asseoir ! Quelques imbroglios secondaires savoureux, dont l’irruption d’une paire de gangsters enrôlés malgré eux dans la pièce de Shakespeare, costumés en spadassins impayables… Inutile de préciser qu’ici, pendant plus de deux heures de spectacle (durée obligatoire d’un show à Broadway), on ne s’ennuie jamais. Les ficelles sont parfois un peu grosses, de même que dans beaucoup de nos opérettes françaises d’ailleurs, mais là aussi c’est la loi du genre.


Musicalement on n’est pas moins à la fête, avec en tête d’affiche l’excellent Brent Barret dans le rôle lourd de Petrucchio -tessiture de ténor ou de baryton aigu relativement exigeante- dont la plupart des airs nous sont bien connus, Kiss Me Kate constituant un réservoir de pépites dans lequel nos grands chanteurs d’opéras en mal de swing puisent volontiers. On retrouvera ainsi avec plaisir en seconde partie l’excellent Where is the life that late I led ?, dont Thomas Hampson s’est fait longtemps une spécialité. Dans le rôle de Lilli Vanessi la jeune Rachel York paraît manquer d’un rien de classe mais défend ses prérogatives d’amante frustrée avec beaucoup d’abattage. Luxueuse brochette de seconds rôles, dont l’étonnant Bill Calhoun de Michael Berresse, aussi remarquable chanteur et comédien que gymnaste d’exception.


En complément du Kiss Me Kate de Georges Sidney, avec Kathryn Grayson et Howard Keel , incontournable classique hollywoodien qui reprend le musical de Cole Porter de façon relativement fidèle, ce DVD techniquement plus moderne et d’une valeur réellement patrimoniale est donc à recommander particulièrement.


Laurent Barthel

 

 

 

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