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11/04/2010
Giuseppe Verdi : Il Trovatore

Piero Cappuccilli (le Comte de Luna), Raina Kabaïvanska (Leonora), Fiorenza Cossotto (Azucena), Plácido Domingo (Manrico), José van Dam (Ferrando), Maria Venuti (Ines), Heinz Zednik (Ruiz), Karl Caslavsky (Un vieux gitan), Ewald Aichberger (Un messager), Chor der Wiener Staatsoper, Helmut Froschauer (chef de chœur), Orchester der Wiener Staatsoper, Herbert von Karajan (direction et mise en scène), Günther Schneider-Siemssen (décors réalisation)
Enregistré en concert à l’Opéra de Vienne (mai 1978) – 151’23
Arthaus Musik – Wiener Staatsoper Live 107 117 (distribué par Intégral) – Son PCM Stereo – Format 16:9 – Région Code 0





Attention, voici une vidéo légendaire! Elle s’inscrit en effet dans le cadre du retour triomphal (il suffit de voir l’énorme bouquet de roses rouges qui attend le chef sur son pupitre, et qui est emporté par un employé de l’Opéra en livrée avant que les premières notes ne retentissent) fait par Herbert von Karajan (1908-1989) à l’Opéra de Vienne en mai 1978 après en avoir claqué la porte, et de quelle façon, en mai 1964 pour cause de désaccords persistants avec le directeur administratif d’alors, Egon Hilbert (1899-1968). Le chef autrichien, qui s’était replié depuis quelques années sur son fief salzbourgeois pour y donner notamment l’œuvre de Richard Wagner, revint à Vienne avec l’ardent désir d’y monter Les Maîtres-Chanteurs et Lohengrin, productions déjà éprouvées au Großes Festspielhaus. Mais, devant les réticences de son décorateur et proche collaborateur Günther Schneider-Siemssen, Karajan se replia sur trois de ses œuvres fétiches: Le Trouvère, Le Noces de Figaro et La Bohème.


Le Trouvère faisait en effet depuis longtemps partie du paysage lyrique de Karajan, lui qui admirait tant le chant italien et Arturo Toscanini, un de ses légendaires interprètes. Ainsi, dès sa première saison à l’opéra d’Ulm (1931-1932), il le programme pour le diriger de nouveau à Aix-la-Chapelle en octobre 1938. Après l’avoir une première fois enregistré avec les forces de La Scala en juillet 1956 (Maria Callas et Giuseppe Di Stefano) sous la houlette artistique de Walter Legge, il le monte dans une production restée fameuse au Festival de Salzbourg en juillet 1962, dans sa propre mise en scène: Ettore Bastianini, Leontyne Price, Giulietta Simionato et Franco Corelli sont alors les «quatre meilleurs chanteurs du monde», principal élément de la réussite de cet opéra pour reprendre la boutade de Toscanini. C’est ensuite à Vienne que Karajan donne Le Trouvère pour cinq représentations à partir du 24 octobre 1963: cette fois-ci, ce sont Eberhard Wächter (le Comte), Fiorenza Cossotto (Azucena), Franco Corelli (Manrico) et Ilva Ligabue (Leonore) qui chantent l’œuvre avec succès, l’équipe l’ayant il est vrai déjà donnée au Festival de Salzbourg au mois d’août qui précédait.


Herbert von Karajan est donc ici en terrain connu. Comme Gottfried Kraus l’explique très bien, mais malheureusement trop brièvement, tant l’épisode dut être incroyable, dans la notice de l’enregistrement, ce fut périlleux. La radio autrichienne ayant en effet suggéré de diffuser la représentation en direct à la télévision (ce qu’accepta Karajan), les artistes étaient quelque peu tendus; en outre, Franco Bonisolli (qui avait chanté le rôle de Manrico à Salzbourg) fit défection au dernier moment, quittant la scène lors de la générale devant un public abasourdi et un Karajan imperturbable mais qui, peut-on avancer sans grand risque, devait fulminer... Qui pouvait alors chanter le rôle de Manrico? Le choix du chef autrichien se porta sur Plácido Domingo, jeune ténor (il a alors 37 ans) qui avait déjà enregistré le rôle avec succès sous la direction de Knud Andersson et, surtout, de Zubin Mehta dans un enregistrement publié chez RCA (avec Sherrill Milnes dans le rôle du Comte, Leontyne Price dans celui de Leonora et Fiorenza Cossotto dans celui d’Azucena).


Autant dire que c’était là un coup de maître car Domingo est immense! Au sommet de ses moyens, dégageant une impression de bête fauve tout en puissance, ruisselant parfois de sueur, mais également capable des plus infinies délicatesses, il chante avec une facilité déconcertante et, notamment lors des ensembles, surpasse ses camarades d’une bonne tête. Ce n’est pas un hasard si son air célèbre «Ah ! Sì, ben moi, coll’essere» (acte III, scène 2) est salué par une ovation qui dure une minute et quinze secondes! A l’applaudimètre, Domingo se taille la part du lion avec une Fiorenza Cossotto visiblement elle-même surprise de remporter un tel triomphe. Ce n’est que justice, même si elle chante ici un rôle véritablement fétiche pour elle puisqu’elle l’avait enregistré une première fois dès 1962, sous la direction de Tullio Serafin. Hallucinée par l’horreur du geste fatal qu’elle a jadis accompli, le gros plan de la caméra nous montre une main tremblante surplombant une flamme vacillante puis un visage véritablement ravagé lorsqu’elle chante l’air «Stride la vampa» (acte II, scène 1): quel spectateur peut résister à cette vision splendide, alliée à une voix habitée comme rarement? Le duo entre Fiorenza Cossotto et Plácido Domingo à la fin de la première scène de l’acte II est un moment d’anthologie, les voix se mariant à la perfection dans une grande déclaration d’amour d’un fils envers sa mère, alors que celui-ci est en vérité le frère du Comte de Luna, celui qu’elle déteste tant.


Autant ces deux chanteurs sont des comédiens nés, autant les deux autres jouent davantage sur la réserve. Raina Kabaïvanska est une très belle Leonora, racée, fière, qui cache une sensibilité à fleur de peau. Si sa cavatine («Obliarlo!... Ah! Tu parlasti») est d’une très belle tenue (acte I, scène 2), on admirera surtout son air «D’amor sull’ali rosee» (acte IV, scène 1) où elle jure son amour à Manrico, celui-ci étant alors prisonnier du Comte. Sa scène finale, alors qu’elle est en train de mourir, empoisonnée, est également stupéfiante, rendue plus cruelle encore lorsqu’elle échange ses derniers mots avec Manrico, son amour de toujours. Piero Cappuccilli campe un Comte de Luna plein de noblesse (son air «Il balen del suo sorriso» à la scène 2 de l’acte II) et pallie ses petites faiblesses vocales par une évidente prestance. On appréciera donc à sa juste valeur le magnifique trio de l’acte I «No! Di geloso amor sprezzato». José van Dam, en dépit d’un problème de déglutition dans sa première apparition («E d’un bambino», acte I, scène 1), incarne un fidèle Ferrando sur lequel le Comte sait pouvoir compter, y compris pour ses tâches les plus ignobles et basses...


Les Chœurs de l’Opéra de Vienne sont très bons, préparés avec soin par le fidèle Helmut Froschauer. Quant à l’orchestre, que dire? Karajan est dans son élément (Vienne, la musique italienne) et ça se voit; même si l’on entend quelque lourdeur ici ou là, le chef autrichien dirige un orchestre superbe dont les raffinements sont multiples (les cordes de Vienne...). Le public ne s’y est pas trompé et, en plus d’une rose jetée à la tête du maestro (qui se voit offrir un nouveau bouquet, tout aussi volumineux que le premier) adresse une ovation finale à Herbert von Karajan qui s’apparente à une véritable adulation. On se permettra d’être plus circonspect sur la mise en scène qui, en quelques occasions, s’avère trop statique (le Comte à la scène 2 de l’acte II, Manrico dans la première scène de l’acte III), même si l’on peut comprendre qu’un duo d’amour ne nécessite pas de divaguer sur toute l’étendue de la scène de l’Opéra de Vienne. Les décors, conçus par Günther Schneider-Siemssen, rappellent en plus d’une occasion ceux qu’il a pu faire pour le Ring, jouant sur toute la palette des couleurs sombres; il n’en demeure pas moins que ceux-ci sont absolument somptueux.


On l’aura donc compris: pour les mélomanes admirateurs de Domingo, de Cossotto, de Karajan, ce DVD est indispensable. Pour les autres, il est tout aussi important.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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