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01/06/2010
Georg Friedrich Händel : Orlando, HWV 31

Marijana Mijanovic (Orlando), Martina Janková (Angelica), Katharina Peetz (Medoro), Christina Clark (Dorinda), Konstantin Wolff (Zoroastro), Orchestre « La Scintilla » de l’Opéra de Zurich, William Christie (direction), Jens-Daniel Herzog (mise en scène), Felix Breisach (réalisation)
Enregistré à l’Opéra de Zurich (2007) – 155’
Arthaus Musik 101 309 (distribué par Intégral) – Son PCM Stereo – Format 16:9 – Region Code 0






Le destin est joueur: alors que le public commençait à prétendre, vers la fin de l’année 1732, que Georg Friedrich Händel (1685-1759) avait épuisé son talent, voici que le compositeur saxon achève le 20 novembre un pur chef-d’œuvre, Orlando, opéra en trois actes tiré une fois encore du célébrissime Orlando furioso de l’Arioste. Comme à son habitude, Händel (et son librettiste Carlo Sigismondo Capece) a gommé les aspects politiques pour s’en tenir essentiellement à la trame amoureuse du récit. Orlando, qui ne sait que choisir entre l’amour et les exploits militaires, aime Angelica qui, malheureusement pour lui, est amoureuse de Medoro. Pour simplifier la situation, celui-ci est par ailleurs aimé de la jolie Dorinda, un personnage attachant auquel Händel a confié un rôle fondamental dans l’opéra. Orlando, averti de la trahison d’Angelica, décide de se venger en tuant celle qu’il aime: cette folie meurtrière donne lieu à une aria de toute beauté qui fait sans conteste figure de pierre de touche au sein de l’ouvrage. Or, comme souvent chez Händel, tout se finit bien puisque, magnanime, Orlando permet à Angelica de vivre son amour avec Medoro, Dorinda renonçant pour sa part à aimer ce dernier et lui souhaitant également une vie heureuse…


Jens-Daniel Herzog a choisi de planter l’action au début des années 1920, Orlando étant habillé en soldat anglais de la Première Guerre mondiale, les autres protagonistes étant vêtus à la mode de l’époque (Angelica habillée en garçonne et coiffée à la Louise Brooks…). Quant à la scène proprement dite, elle illustre soit une chambre, lieu des amours interdites et des chagrins étouffés, soit une sorte d’hôpital où officie Zoroastre, à la fois médecin et conscience morale pour l’ensemble des personnages. Si l’on doit apprécier de ne pas supporter les excès de mise en scène de certains de ses confrères, le choix de Herzog pose néanmoins parfois quelques difficultés de projection: il faut en effet faire preuve d’un minimum d’imagination lorsqu’on voit Angelica s’adresser aux plaines et aux arbres alors qu’elle se tient dans une chambre, vêtue en tailleur! La mise en scène est par ailleurs plutôt convenue, le jeu des chanteurs se limitant généralement à quelques allées et venues entre la scène et les coulisses, certains passages étant néanmoins joués résolument le mode de la comédie (la «bataille de coussins» entre Angelica et Dorinda au troisième acte). On aurait pu imaginer jeu plus alerte, plus imaginatif mais, là encore, c’est la sobriété qui domine même si cela n’empêche pas certaines scènes d’être parfaitement sensuelles (l’aria de Medoro à la scène 7 de l’acte I) ou certains chanteurs de parfois se permettre un peu plus de liberté que les autres (Dorinda par exemple).


Sur le plan musical, nous avons là une interprétation tout à fait exemplaire: les cinq chanteurs campent avec conviction leur personnage et font preuve de remarquables qualités vocales. A tout seigneur tout honneur, Marijana Mijanovic est un très bel Orlando, tiraillé dès le début entre deux tentations qui ne se réconcilieront qu’à la fin («avide de gloire mais tourmenté par l’amour» clame-t-il dans son aria à la scène 2 de l’acte I). Si l’on peut regretter un jeu de scène parfois trop statique, on ne peut qu’admirer sa ligne de chant qui passe de la plus grande douceur («Non fu già men forte Alcide», scène 3, acte I) au volontarisme guerrier («Fammi combattere», scène 10) ou au désir de la plus noire vengeance («Cielo! Se tu il consenti», scène 3, acte II). Martina Janková campe une Angelica sans vergogne, parfaitement consciente d’être une manipulatrice hors pair (ainsi que l’illustre son aria «Se fedel vuoi ch’io ti creda», scène 9, acte I), prête à tout pour vivre son amour avec Medoro (Katharina Peetz). L’une et l’autre sont excellentes, notamment dans un parfait numéro de machiavélisme au détriment de la pauvre Dorinda, lorsqu’elles essaient (sans grande conviction) de consoler cette dernière du fait que, contrairement à ce qu’elle peut ardemment souhaiter, Medoro ne l’aime pas (fin de la scène 12 de l’acte I).


Là se situe d’ailleurs la révélation de cette soirée: Christina Clark, qui incarne le personnage de Dorinda, est absolument renversante. Apparemment «simplette», elle est en réalité parfaitement clairvoyante, sachant dire à Medoro qu’il lui ment lorsqu’il lui clame son amour («O care parolette, o dulci sguardi!» scène 8, acte I), étant également capable de tenir tête à Angelica, tout en trahissant sa faiblesse lorsqu’elle croit voir partout le visage de Medoro alors qu’elle sait pertinemment que celui-ci ne lui sera jamais promis («Se mi rivolgo al prato», scène 2, acte II). Christina Clark sait toujours trouver le ton juste, disposant pour ce faire d’une excellente technique et d’un visage aussi expressif qu’attendrissant: l’ovation qui la salue à a fin est amplement méritée! «Tendre» n’est sûrement pas le bon mot pour qualifier le faciès de Zoroastre (Konstantin Wolff): si ses interventions sont plus rares, force est de constater qu’elles sont toutes du plus haut niveau, notamment dans le très beau «Combatti per la gloria» (scène 2, acte I).


Qui a dit que William Christie ne savait diriger que Lully ou Campra? Depuis longtemps, le chef des Arts florissants est un familier de Händel et, mieux que personne, sait rendre à la moindre parole tout son sens, notamment lorsque l’orchestration (comme c’est souvent le cas ici) n’est pas très luxuriante. Signalons néanmoins que la simplicité peut donner des résultats absolument miraculeux: il suffit par exemple d’écouter le violon qui accompagne Medoro dans son aria «Se’I cor mai ti dirà» (scène 7, acte I). Entraînant l’excellent orchestre«La Scintilla» de l’Opéra de Zurich, William Christie est naturellement un des principaux artisans de cette soirée dont le DVD a parfaitement su préserver le caractère exceptionnel et qui, sans nul doute, doit être signalé comme un des plus recommandables pour visionner l’œuvre lyrique de Händel.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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