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02/24/2009 Johann Strauss fils : «Eine Nacht in Venedig» (Ouverture) – Märchen aus dem Orient, opus 444 – Annen-Polka, opus 117 – Schnellpost-Polka, opus 159 – Rosen aus dem Süden, opus 388 – Freikugeln, opus 326 – «Der Zigeunerbaron» (Ouverture et Marche d’entrée) – Schatz-Walzer, opus 418 – Alexandrinen-Polka, opus 198 – Unter Donner und Blitz, opus 324 – Eljen a Magyár!, opus 332 – So ängstlich sind wir nicht!, opus 413 – An der schönen, blauen Donau, opus 314
Joseph Hellmesberger jr. : Valse espagnole
Johann Strauss père : Zampa-Galopp, opus 62a – Radetzky-Marsch, opus 228
Josef Strauss : Sphärenklänge, opus 235
Joseph Haydn : Symphonie n° 45 «Les Adieux» (dernier mouvement)
Ballett der Wiener Staatsoper und Volksoper, Eleven der Balletschule der Wiener Staatsoper, Vladimir Malakhov, Lukas Gaudernak (chorégraphies), Wiener Philharmoniker, Daniel Barenboim (direction), Brian Large (réalisation)
Enregistré en public à Vienne (1er janvier 2009) – 130’37
DVD Decca 074 3317 (distribué par Universal) – Format 16:9 – Region code: 0 – Son LPCM/DTS 5.1 Surround
Une fois de plus, Decca a réalisé la prouesse consistant à éditer le Neujahrskonzert de l’Orchestre philharmonique de Vienne moins de deux semaines après qu’il a été donné, aussi bien en audio qu’en vidéo. Les amateurs de kitsch opteront sans hésiter pour le DVD, dans une réalisation de Brian Large tirée au cordeau, car il offre en bonus non seulement les habituelles chorégraphies sucrées et crémeuses des ballets des opéras de Vienne, sur la Valse du trésor (1885) et Eljen a Magyár! (1869), mais aussi un dépliant touristique de plus de vingt minutes autour de «Linz, capitale européenne de la culture». Pas moyen d’échapper en revanche aux cartes postales de Carinthie, de Styrie et de Haute-Autriche durant les valses Roses du sud (1880) et Musique des sphères (1868), ni aux vignettes biographiques venant illustrer le bicentenaire de la mort de Haydn au beau milieu du finale de sa Quarante-cinquième symphonie «Les Adieux» (1772).
Au travers du maître de chapelle des princes Esterházy, le programme fait honneur à la Hongrie, certes jamais (musicalement) éloignée de Vienne: outre la polka Eljen a Magyár! déjà mentionnée, trois extraits de l’opérette Le Baron tzigane (1885) ont été retenus (l’Ouverture, la «Marche d’entrée» et la Valse du trésor). Hormis ces hommages plus ou moins directs à Haydn, la notice (en allemand, anglais et français, dans une traduction assez médiocre) de Clemens Hellberg, violoniste du rang et président du conseil d’administration de l’orchestre, met en exergue une autre nouveauté: la première invitation de Daniel Barenboim à cette manifestation de prestige. Après la domination des «trois M» (Maazel, Mehta, Muti) au cours des années 1990, la diversification entamée au cours de la présente décennie se poursuit donc, grâce à des personnalités aussi différentes que Harnoncourt (2001 et 2003), Ozawa (2002), Jansons (2006) ou Prêtre (2008).
Guère associé jusqu’alors à ce répertoire, le directeur musical de l’Opéra d’Etat de Berlin – ville où fut créée l’opérette Une nuit à Venise (1883), dont il donne l’Ouverture en début de concert et la polka Nous ne sommes pas si inquiets! en bis – prend très au sérieux cette musique, dont il assombrit et densifie la texture, sans toutefois l’alourdir, hormis de curieux ralentissements dans Roses du sud. Le choix de la valse Contes d’Orient (1892) et des vœux d’une digne sobriété («paix dans le monde et justice humaine au Moyen-Orient») témoignent aussi des engagements politiques du cofondateur de l’Orchestre du divan occidental-oriental.
Pour le reste, il faut relever, au sein de la famille Strauss, la prépondérance de Johann fils, que ce soit par ses pages les plus connues – les polkas Anna (1852), Sous le tonnerre et les éclairs (1868) et Balles libres (1869) – ou au contraire par des pièces qui n’avaient pas encore été jouées un 1er janvier, comme la polka rapide Courrier express (1855), la polka française Alexandrine (1858) et les Contes d’Orient. Johann père n’est représenté que par son Galop de «Zampa» (1832), sur des thèmes de l’œuvre éponyme de Hérold, récemment reprise à l’Opéra Comique, tandis que Josef, plus en faveur au cours des précédentes éditions, est réduit à la portion congrue – encore que la Musique des sphères puisse être tenue pour l’une de ses meilleures inspirations. Comme c’est souvent le cas, des épigones viennois sont également admis au festin: un strapontin est ainsi concédé à Joseph Hellmesberger fils (1855-1907), dont la brève Valse espagnole (en français dans le texte) fait appel à de fort prévisibles castagnettes.
Pour le gag sans lequel un Neujahrskonzert perdrait de sa saveur, il faut attendre la conclusion du programme officiel: pendant le dernier mouvement des Adieux, Barenboim se livre à force mimiques pour s’étonner du départ de ses musiciens et tenter – en vain – de les retenir, finissant par battre la mesure devant un orchestre fantôme. Dès lors, toutes les traditions sont respectées et on n’y déroge – durant Le Beau Danube bleu (1867), six élèves de l’école de ballet du Staatsoper, après avoir investi les escaliers du Musikverein, déboulent en direct au parterre de la salle dorée – que pour mieux y revenir. Dès lors, les Philharmoniker concluent bien évidemment sur la Marche de Radetzky (1848) et ils ont auparavant lancé au public leur joyeux «Prosit Neujahr!», comme un seul homme, et ce presque au sens propre, puisqu’on peut toujours compter les membres féminins sur les doigts d’une seule main, même si le Konzertmeister Rainer Küchl est ici assisté d’Albena Danailova, premier violon de l’Opéra d’Etat depuis septembre dernier.
Rendez-vous en 2010, où c’est Georges Prêtre qui reviendra, deux ans après une première apparition remarquée (voir ici et ici).
Simon Corley
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