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08/07/2008
Modeste Moussorgski: La Khovantchina

Vladimir Ognovenko (Prince Ivan Khovanski), Vladimir Galouzine (Prince Andrei Khovanski), Robert Brubaker (Prince Vassily Golitsyne), Nikolai Putilin (Boyard Chaklovity), Vladimir Vaneev (Dossifeï), Elena Zaremba (Marfa), Graham Clark (le Scribe), Nataliya Tymchenko (Emma), Francisco Vas (Kouzka), Orchestre et Chœurs du Gran Teatre del Liceu, Michael Boder (direction)
Stein Winge (mise en scène)
Enregistré à Barcelone (26 et 29 mai 2007) – 192’
Opus Arte OA 0989 D (distribué par Codaex) – Format : 16/9. Region code : 0 (worldwide)





Cette production illustre bien une tendance du moment : le théâtre y sauve l’opéra. Non que la musique y soit sacrifiée. Mais si l’on écoutait un disque, on s’empresserait de dire que ce n’est pas là la meilleure version de La Khovantchina et de recommander, par exemple, la version Abbado. D’autant plus que celle-ci n’est pas totalement intégrale, le metteur en scène justifiant ses coupures par l’inachèvement de l’œuvre ; de plus, pour la fin, il abandonne la version Chostakovitch, trop spectaculaire à ses yeux, au profit de celle de Guerassim Vronkov, « où la musique s’évanouit lentement » - Abbado avait choisi celle de Stravinsky. Michael Boder dirige avec conviction, de façon vivante, mais sans ménagement, une partition dont il veut surtout souligner la dimension théâtrale, sans guère s’attarder ou s’épancher, peu sensible aux timbres, par exemple. Le chœur chante vaillamment mais se trouve parfois à la peine. Les chanteurs sont inégaux. Le vibrato d’Elena Zaremba est tellement envahissant que la ligne devient incertaine et qu’elle chante parfois faux. Khovanski père et Chaklovity semblent bien fatigués, et ce dernier, dans son grand monologue de la prison, s’avère peu stylé, avec des aigus laborieux. On leur préfère le Dossifeï douloureux mais pas très irradiant de Vladimir Vaneev, même s’il ne saurait se mesurer, ni par le timbre ni par le style, aux grandes basses du passé. Robert Brubaker, en revanche, toujours très à l’aise dans les rôles ambigus – on l’a bien vu dans Les Stigmatisés salzbourgeois de 2005) – campe un Golistyne très juste, apeuré et ambitieux, tandis que le vétéran Graham Clark, un des plus fameux Mime des dernières décennies, est formidable de présence en scribe, corrigeant l’usure du temps par son sens de la composition.


On le voit : tout est loin d’être parfait. Mais l’ensemble est d’une telle cohérence qu’on oublie les faiblesses de chacun. Sans doute doit-on cela à Stein Winge, dont la direction d’acteurs atteint un rare degré de précision et d’intelligence, qu’il s’agisse des solistes ou du chœur, si important dans tout opéra russe. La scène où il fait danser un Khovanski plein de superbe avec ses esclaves persanes, est confondante de vérité. Emportés par la marche de l’histoire, des personnalités s’affrontent, qui croient encore ou veulent encore croire, jusqu’à leur chute, à leur liberté et à leur pouvoir. Mais l’histoire russe est cruelle : en mélangeant les costumes d’époque et des costumes plus actuels, en situant l’intrigue dans les années cinquante du vingtième siècle, le metteur en scène veut montrer que, conformément à la prédiction de l’Innocent de Boris Godounov, rien n’a vraiment changé. La soldatesque a toujours violé, on a toujours exécuté, le peuple n’a jamais été éclairé. Les Chlakovity, eux, marchent sur les cadavres : c’est pourquoi Stein Winge a voulu le boyard omniprésent, de la première scène, où l’on ramasse les corps des suppliciés, jusqu’à la dernière scène, où les Vieux Croyants meurent lorsqu’ils soufflent leur bougie. A l’heure où Alexandre Soljenistyne, conscience de la Russie martyre, vient de disparaître, cette production de La Khovantchina s’impose avec plus d’évidence encore.


Didier van Moere

 

 

 

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