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07/29/2008 Lorin Maazel : 1984
Simon Keenlyside (Winston Smith), Nancy Gustafson (Julia), Richard Margison (O’Brien), Diana Damrau (Gym instructress, Drunken woman), Lawrence Brownlee (Syme), Jeremy White (Parsons), Graeme Danby (Charrington), Mary Lloyd-Davies (Prole woman), Johnnie Fiori (Café singer), The Demon Barbers: Stephen Douse, Rupert Jennings, Anthony Scales, Jeremy Birchall (Pub quartet), Jeremy Irons (Telescreen voice), Boys from Cardinal Vaughan Memorial School, Girls from New London Children’s Choir, Royal Opera Chorus, Renato Balsadonna (chef de chœur), The Orchestra of the Royal Opera House, Lorin Maazel (direction)
Robert Lepage (mise en scène), Carl Fillion (décors), Yasmina Giguère (costumes), Michel Beaulieu (lumières), Sylvain Emard (chorégraphies), Brian Large (réalisation)
Enregistré à Londres (mai 2005) – 175’03
Deux DVD Decca 074 3289 (distribué par Universal) – Son LPCM stereo/DTS Digital 5.1 surround – Format 16/9 – Region code 0 (Worldwide)
Il n’y a pas de honte à l’avouer: c’est non sans appréhension qu’on a accueilli la sortie en DVD, au moment de sa reprise à la Scala de Milan, de 1984 de Lorin Maazel, en raison d’appréciations mitigées lors de sa création à Covent Garden le 3 mai 2005 (voir ici) mais surtout de fortes incertitudes quant aux choix esthétiques du patron du Philharmonique de New York, capable du meilleur comme du pire.
Il n’y a pas de honte à l’avouer non plus: ce 1984 constitue une réussite, peut-être aussi parce qu’il est difficile de ne pas avoir encore en mémoire une autre toute récente «science-fiction» nord-américaine transposée à l’opéra, La Mouche de Howard Shore (voir ici), et que la comparaison tourne clairement à l’avantage de Maazel. Son site officiel ne recense ses partitions qu’à compter de 1993, mais en 1999, il avait atteint l’opus 16, même si cet aspect de son activité et de sa personnalité n’est pas aussi connu et sans doute pas aussi essentiel qu’il ne l’est évidemment pour Boulez, voire pour Previn ou Salonen.
Son ambition n’est certes pas de révolutionner le genre et il semble donc avoir fait son miel de tout l’univers lyrique du siècle dernier, à peu d’exceptions près, de Puccini à Zimmermann en passant par Bartok, Berg, Chostakovitch, Messiaen, Britten ou Bernstein. Mais contrôler le passé, après tout, c’est l’un des principaux slogans du parti. Au demeurant, non seulement ce caractère hybride est clairement revendiqué, mais il se révèle diablement efficace, sans doute parce qu’il peut ainsi s’adapter avec une grande souplesse à une action qui, elle-même, passe du drame au trivial, du cauchemar au grotesque, du cataclysme au grand duo d’amour. On entendra ainsi tour à tour, ou parfois même ensemble, un faux hymne national, des chansons accompagnées par un accordéon, des comptines, des songs mais aussi des séries dodécaphoniques.
Adapter le roman (1948) de George Orwell n’était pas une mince affaire: les Américains J. D. McClatchy (né en 1945), fort de son expérience passée avec Lowell Liebermann, Ned Rorem ou William Schuman, et Thomas Meehan (né en 1931), scénariste à succès pour Broadway, s’en sortent bien, même s’ils ont nécessairement dû schématiser le propos, en privilégiant l’action au détriment des développements philosophiques et politiques de l’œuvre. Malgré ce resserrement, les onze tableaux, répartis en trois actes d’environ trois quarts d’heure chacun, durent deux heures et vingt minutes. De fait, alourdi par une succession de monologues, le démarrage semble lent, mais n’en contraste que plus violemment avec les scènes de foule, d’une indéniable puissance dramatique.
Dans des décors de Carl Fillion et des costumes de Yasmina Giguère, la mise en scène de Robert Lepage cultive le sordide et la noirceur: le goût du Québécois pour les nouvelles technologies trouve tout particulièrement à s’employer, notamment dans cette image omniprésente d’un Big Brother patibulaire, comme si Bacon avait réalisé le portrait de Lénine. Brian Large filme le spectacle, souvent d’assez près, avec son professionnalisme coutumier.
La distribution est remarquable: s’il n’a pas repris le rôle cette année à la Scala, Simon Keenlyside incarne le héros avec un fascinant souci de vérité et d’exactitude, exactement comme il l’a fait voici quelques mois à Paris dans le Wozzeck conçu par Christoph Marthaler (voir ici). Contrairement à bon nombre de chanteurs, il fait ainsi preuve une nouvelle fois de réelles qualités d’acteur. De ce point de vue, Nancy Gustafson (Julia) et Richard Margison (O’Brien) ont davantage de mal à convaincre, sans que leur prestation vocale ne soit en cause, tandis que Diana Damrau campe deux personnages hauts en couleur avec un abattage contagieux.
Un bonus complète le second DVD, sous la forme d’une introduction de 27 minutes au cours de laquelle Maazel présente son œuvre, alternant exemples musicaux au piano et extraits de la production.
Le site de 1984
Le site de Lorin Maazel
Simon Corley
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