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02/18/2008
The Opera Gala
Airs, duos et scènes de Bellini, Donizetti, Rossini, Verdi, Puccini, Saint-Saëns, Delibes, Bizet, Chapi et Lehar


Anna Netrebko (soprano), Elina Garanča (mezzo-soprano), Ramon Vargas (ténor)et Ludovic Tézier (baryton), Orchestre Symphonique du SWR Baden-Baden et Freiburg, Marco Armiliato (direction)

Concert enregistré au Festspielhaus de Baden-Baden (juillet 2007) – 138’
DVD Deutsche Grammophon 00 440 073 4377


Initialement ce Gala fut annoncé comme une manifestation exceptionnelle autour d’Anna Netrebko et Rolando Villazon, couple glamour qui remplit stade et zéniths en Allemagne avec autant de sûreté qu’un groupe rock au sommet de sa popularité. Mais l’ambition du Festspielhaus de Baden-Baden était aussi de dépasser ce simple projet grand public, en privilégiant un vrai concept artistique dans une ambiance de manifestation classique cohérente. Question box-office, le résultat fut immédiatement soufflant (les 7000 places disponibles pour trois soirées se sont vendues en moins de trois heures !). Restait ensuite à se montrer à la hauteur d’une attente fébrile, surtout après plusieurs désistements imprévus (on est passé en quelques mois d’un concert Anna Netrebko, Rolando Villazón, Elina Garanča et Mariusz Kwiecien à un concert Netrebko, Vargas, Garanča, Tézier, affiche non moins séduisante pour les connaisseurs, mais certainement moins people).


A l’heure du bilan rétrospectif, commençons par la valeur sûre qui monte : Ramon Vargas. Certes ce ténor mexicain n’a vraiment rien d’une star juvénile pour midinettes. Ni son physique rondouillard, ni la relative gaucherie de ses mouvements n’attirent d’emblée l’attention. Mais on ne peut lui dénier un vrai tempérament d’artiste, qui lui permet d’ailleurs en ce moment, d’une maison d’opéra prestigieuse à l’autre, de consolider une carrière indispensable. Le timbre est chaleureux, la diction sûre (y compris en français, où les voyelles restent curieuses mais l’intelligibilité ne fait pas défaut) et surtout la technique est éprouvée, avec une émission solide sur toute la tessiture (qui autorise même un Quando le sere al placido de Luisa Miller assez élégant). Non, inutile de trépigner, rien ne poussera ce tempérament placide à jouer les torches brûlantes. Mais après tout on connaît le devenir actuel de certaines voix qui brûlent par tous les bouts…


Pour Ludovic Tézier, même si là le physique s’avère plus conforme aux incarnations scéniques à assumer, ce problème d’engagement est encore plus patent : un chant parfait, souverain, mais assez rarement l’étincelle qui met le feu aux poudres. Tant pis, car c’est quand même avec Tézier et Vargas que ce Gala de circonstance conquiert ses lettres de noblesse : notamment au cours d’un sublime duo des Pêcheurs de perles et d’un très beau duo de Don Carlo, encore que ce dernier paraisse un rien plus conventionnel. Même s’il fait actuellement du Marquis de Posa son rôle en or, on continue à trouver Ludovic Tézier trop réservé pour donner sa juste envergure à ce personnage de grand passionné romantique (une mort du héros qui manque un peu de tripes et de latinité dans l’élan de la phrase en atteste ici clairement). En revanche l’air Ah ! per sempre io ti perdei des Puritains par le même Tézier est une pure merveille d’élégance et de bon goût.


Côté dames, la blonde Elina Garanča nous paraît gagner petit à petit en maturité, du moins si l’on en juge par rapport au deux récitals discographiques déjà parus au cours de la jeune carrière de la mezzo lettone. Le timbre est corsé, la ligne intelligemment menée, et Mon cœur s’ouvre à ta voix de Samson et Dalila fonctionne ici à la perfection : un air qui sied décidément comme nul autre aux mezzos-vamps pleines d’avenir.


Que dire enfin de l’étoile indiscutée de la soirée, si ce n’est que les incarnations d’Anna Netrebko nous laissent toujours aussi dubitatif. Un chant riche, corsé, bien rond de partout, un physique irréprochable, pas vraiment desservi par une mimique passe-partout et un regard qui ne brille pas par sa pugnacité, et puis… rien d’autre. On attend en vain l’once de vraie personnalité, le petit rien de chien qui ferait décoller le tout. En l’état la plupart des airs abordés laissent de marbre, et tout particulièrement une incursion prolongée dans un rôle de Norma appréhendé sans aucune idée apparente de ce qu’un tel challenge peut représenter. Ce n’est qu’au fil de la soirée qu’il finit par se cristalliser quelque chose dans cette sauce trop lisse, à compter d’un pulpeux duo de Lakmé avec Elina Garanča, et surtout des quelques ensembles conclusifs où l’on pressent sous le vernis un vrai talent de pilier de troupe. A l’heure des bis la belle Anna décide tout à coup de verser dans tous les excès, dans un Meine lippen die Küssen so heiss de Lehar allumeur comme jamais. C’est joyeusement histrionique, et en même temps bien fait, bien chanté, bien dansé : un talent exceptionnel, mais qui attend encore son pygmalion.


Très bel emballage cadeau autour : un Orchestre Symphonique du SWR Baden-Baden et Freiburg d’une sûreté parfaite, correctement coaché par un chef sans génie mais toujours présent quand il s’agit de bien soutenir les chanteurs. Visuellement la disposition de l’orchestre dans une sorte de conque circulaire qui tasse un peu les pupitres fait assez spectacle de variétés haut de gamme, les éclairages muticolores aussi, mais on parvient à s’y habituer, de même que qu’à des mouvements de caméra parfois excessivement rapides. En l’état un Gala copieux et roboratif, qui laisse une impression indéniablement favorable, à défaut de provoquer de constants grands frissons.



Laurent Barthel

 

 

 

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