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07/22/2007
Philippe Boesmans : Julie
Malena Ernman (Julie), Garry Magee (Jean), Kerstin Avemo (Kristin), Orchestre de chambre de la Monnaie, Kazushi Ono (direction ), Luc Bondy (mise en scène), Vincent Bataillon (réalisation)
Enregistré à Aix-en-Provence en juillet 2005 – 74’
BelAir BAC026 (distribué par Harmonia mundi) – Format : 16/9 – Region free





Après Le Conte d’hiver de 1999, Philippe Boesmans est revenu à la fin de siècle qu’il aime tout particulièrement : adapté de Mademoiselle Julie de Strindberg par Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger, Julie prolonge La Ronde, d’après Schnitzler (1994). Des sujets à la Berg. De fait, le compositeur belge pourrait s’en proclamer l’héritier, ne serait-ce que parce qu’il a, comme son prédécesseur, le sens du théâtre et l’art de la concentration. Son écriture est essentiellement dramatique, rejoignant celle des authentiques compositeurs d’opéras, alors qu’il se contente ici, comme le Strauss d’Ariane à Naxos, d’un ensemble de chambre aussi éloquent qu’un orchestre traditionnel. Toute une tradition revit chez lui, parfois très explicitement : on serait tenté, ici ou là, de rapporter tel ou tel passage à telle ou telle musique familière aux amateurs d’opéra – dans Le Conte d’hiver, on repérait presque des citations de Salomé de Strauss. Philippe Boesmans peut d’ailleurs d’autant plus assumer ces références qu’il n’en reste pas moins lui-même. Références qui, on l'a compris, empruntent surtout aux différents avatars du post-wagnérisme. Et l’on admire toujours comment la maîtrise des secrets de l’orchestre concourt à renforcer la dimension dramatique de ses opéras.


Julie est effectivement un sujet à la Berg. Une fille de famille, en rupture de fiançailles, se donne au valet de son père, pourtant fiancé à la cuisinière, et veut s’enfuir avec lui, alors que son père revient. Mais l’amant d’une nuit est à la fois ambitieux et lâche : pas d’autre issue pour elle que le suicide, devant l’indifférence du bellâtre. Pour ce cruel huis clos se déroulant dans une cuisine – lieu symbolique de la déchéance sociale consentie de l’héroïne – Philippe Boesmans a conçu une musique brève – une heure et quart environ – qui met à nu le cœur des trois personnages, caractérisés par des voix très différentes : mezzo pour Julie – le soprano rappellerait trop les innocentes malheureuses de l’opéra –, colorature lumineux pour la cuisinière, baryton aigu pour le valet – il ne faut pas trop s’éloigner du ténor séducteur. Philippe Boesmans, s’il a le sens de l’orchestre, a aussi celui des voix, hérité là encore de la tradition : il écrit pour elles, pas contre elles. Les parties vocales ont parfois, malgré une utilisation exploitant les différents registres et les différentes formes d’émission, une souplesse presque italienne. Julie, au plus fort de ses émotions, s’exprime parfois dans un quasi Sprechgesang, Kristin s’inscrit dans la tradition des grands rôles de colorature – ce que Berg avait d’ailleurs fait, à d’autres fins, avec Lulu.


A Aix-en-Provence, la création française de Julie en juillet 2005, quelques mois après la Monnaie, a été une des plus heureuses initiatives de l’ère Lissner. A la tête de l’Orchestre de chambre de la Monnaie, Kazushi Ono témoigne à la fois d’une grande précision dans le détail et d’un évident sens du théâtre, concentrant à l’extrême la durée du drame. Les voix sont jeunes, belles et bien conduites, dans des rôles difficiles aux tessitures étendues. Mais la production, bien captée par la caméra implacable de Vincent Bataillon, tire aussi sa force de la mise en scène de Luc Bondy, très tendue, très forte, menant le drame vers son inéluctable dénouement, avec des moments de grande intensité, comme au moment où Jean tue au hachoir l’oiseau que Julie pensait emmener avec eux. Un spectacle total.


Didier van Moere

 

 

 

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