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07/10/2007 Beverly Sills : Made in America « America’s Queen of Opera ».
Extraits d’œuvres de Massenet, Kern/Hammerstein II, Haendel, Arditi, Verdi, Romberg/Fields, Thomas, Mozart, Moore, Donizetti, Herbert/Smith, R. Strauss, Rossini, Vincent/Howard, Waller/Razaf, Lehar.
Beverly Sills (soprano). Orchestres divers.
Enregistrements de 1936 à 1980 – 112’.
DG 00440 073 4299. Format : 4:3. Region code : 0 (worldwide).
« Made in America » : on ne saurait mieux dire pour ce DVD consacré à Beverly Sills, d’autant plus émouvant qu’elle vient de nous quitter. On connaissait sa Manon, sa Traviata, son Elisabeth de Roberto Devereux. Mais savait-on qu’elle se produisit à la télévision, à dix ans, dans l’air de Gilda – avec toutes les notes et toutes les vocalises ? Qu’elle était aussi une familière des shows télévisés, qu’on pouvait la voir dans une partie de claquettes avec Dean Martin, la retrouver dans le Muppet show ? On dira qu’il est monnaie courante aujourd’hui de voir des stars du chant sur le petit écran et que le cross over est devenu très branché. A ceci près que Broadway, pour Beverly Sills, était une seconde nature et non pas une singerie comme chez certain(e)s dont on se gardera bien de citer les noms.
Sa carrière, on la connaît, à commencer par cette Cléopâtre de Jules César en 1966 au New York City Opera, le rôle par lequel, comme elle le dit, sa vie fut changée. Le triomphe à la Scala trois ans plus tard dans Il Assedio di Corinto avec Marilyn Horne. Le Met enfin, dans les années 70, alors que la voix vibre de plus en plus, couronnement de l’«America’s queen of opera » qui avait, toute jeune, approché Stravinski – quel Rossignol, voire quelle Anne Trulove elle eût pu faire -, mais qui s’était aussi produite dans des clubs, la nuit, pour ramasser des pourboires. La France ne l’entendit qu’en concert, à Pleyel en 1971, dans le cadre de la série bien connue « Prestige de la musique » - « Ruhe sanft » de Zaïde, scène de la folie de Lucia di Lammermoor. Rolf Liebermann, disaient ceux qui prétendaient tout savoir, lui aurait offert la Leonora du Trouvère : elle eut la sagesse de refuser. Pour l’Hexagone, Beverly Sills était donc surtout une voix du disque, à travers des enregistrements où elle révélait notamment, comme dans Manon ou dans Thaïs, une pénétration assez rare des arcanes du style français. Des enregistrements parfois réalisés un peu tard : d’où ces remarques peu amènes sur la voix de soubrette acidulée et trémulante, sans parler du goût douteux - typiquement américain, susurraient certains - pour la vocalise délirante. Osons le dire : on donnerait aujourd’hui toutes les Netrebko du monde - que cette dernière se rassure, on pourrait en nommer d’autres - pour une Sills, quels que soient les défauts de la voix elle-même, pour son sens instinctif de la caractérisation, son art des couleurs, son intelligence des mots, qui la rendaient si précieuse même dans des emplois un peu trop lourds, comme les trois reines de Donizetti. Regardez-la, justement, dans la scène finale de Roberto Devereux, sanglée dans cette robe plus lourde à porter - c’est elle qui le dit - que le rôle. Un des mérites de ce DVD est de nous la montrer aussi dans les années soixante, en pleine santé vocale : le film de La Traviata, avec Ettore Bastianini, vaut déjà le détour, alors qu’elle n’a, en 1955, que vingt-six ans. Non moins émouvant, pour d’autres raisons, le récital d’adieu en 1980 au New York City Opera, qu’elle dirigea de 1979 à 1989.
Et puis il y a les confidences, à propos de la carrière, évidemment, mais aussi de la vie, des deux enfants handicapés, pour lesquels elle préféra se limiter aux salles américaines. Confidences pleines d’humour ou de pudeur, qui nous montrent que la star était aussi une dame, une grande dame, sur la scène et dans la vie. Les non anglophones, malheureusement, se contenteront des extraits musicaux : aucun sous-titre n’accompagne les entretiens, ce qui est proprement scandaleux.
Ce « Made in America » constitue donc un bel hommage posthume. Il faudrait maintenant rendre de nouveau accessibles quelques live fameux : par exemple, l’éblouissant Assedio de 1969, les étonnants Huguenots de la même année, mais aussi le désopilant Coq d’or – en anglais - de 1970. Entre autres.
Didier van Moere
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