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04/23/2007
Wolfgang Amadeus Mozart : La clemenza di Tito, K. 621
Diana Montague (Sextus), Ashley Putnam (Vitellia), Martine Mahé (Annius), Philip Langridge (Titus), Elzbieta Szmytka (Servilia), Peter Rose (Publius), Chœur du festival de Glyndebourne, Orchestre Philharmonique de Londres, Andrew Davis (direction), Nicholas Hytner (mise en scène), David Fielding (décor)
Enregistré à Glyndebourne (1991) – 143’
Arthaus Musik 100 407. Format : 4:3. Region Code : 0 (worldwide) (distribué par Intégral)



On a beaucoup dit que La Clémence de Titus marquait une sorte de régression, comme si Mozart, empêtré dans les plis des toges du seria, n’arrivait pas à faire autre chose que juxtaposer de beaux airs, rendant bien difficile le travail du metteur en scène. Le nombre des productions récentes dément cette idée reçue et, si l’on y regarde de plus près, ce drame de l’amitié trahie, de l’amour impossible, où la passion envenime la politique et l’exercice du pouvoir, a de quoi séduire. Bref, il se passe des choses dans La Clémence de Titus, comme vient nous le rappeler cette production filmée en 1991 à Glyndebourne.


Vingt-cinq ans après, elle tient remarquablement la route. Nicholas Hytner, pourtant, n’a pas cherché à tout décaler ou à tout actualiser. Le décor de David Fielding reste antiquisant, les personnages portent souvent toge et cuirasse, Titus le magnanime a bien, à la fin, sa couronne de feuillage. Mais, mis à part les fresques ici ou là, on chercherait en vain un souci de reconstitution : tout est stylisé, géométriquement conçu. Les lignes, pourtant, sont souvent brisées, les plans inclinés, comme si quelque chose se fissurait, se délitait. Les bustes de Titus qui jonchent le sol, au second acte, semblent presque incongrus. Le pouvoir, l’amour, l’amitié, tout est fragile.


La direction d’acteurs, qui ne vise rien d’autre que de mettre à nu ce que nous disent un texte et une musique beaucoup moins lisses qu’il n’y paraît, est remarquable de justesse, les chanteurs se prêtant au jeu avec un talent de comédiens parfois assez exceptionnel. Le travail sur l’expression des visages, sur les gestes, est poussé très loin, notamment chez ceux qui écoutent, pas seulement chez ceux qui chantent : certains airs, du coup, sont rendus au théâtre, notamment les plus longs. Lorsque Sextus chante « Parto, parto » ou « Deh per questo istante solo », il faut aussi regarder Vitellia ou Titus.


Vitellia, c’est Ashley Putnam, machiavélique, sarcastique, perverse, ivre de dépit, entretenant avec Sextus un rapport de dépendance quasi sado-masochiste. Si la voix accuse ses limites, tant dans l’aigu que dans le grave, elle est admirablement conduite, le perpétuel état de tension du personnage ne conduisant jamais à une ligne sacrifiée ou à des registres distendus. Titus, c’est Philip Langridge, vocalement fatigué, un peu sec de timbre, mais styliste accompli, remarquable de tenue, de phrasé, souple et sûr dans la vocalise. Saisissant aussi par ce qu’il fait du personnage : solitaire, las, étranger à ce qui se trame, en rien fade comme le sont parfois les Titus trop uniformément bons, capable de colère, tenté par la cruauté. Victime à la fois consentante et déchirée, Diana Montague n’a guère à leur envier, impeccable de bout en bout même si le timbre n’a pas, là non plus, cette lumière glorieuse de consœurs plus illustres, réussissant en tout cas, ce qui est rare, à chanter parfaitement juste toute la vocalise finale de « Parto, parto ». Servilia est délicieuse : Elzbieta Szmytka avait alors dans la voix une fraîcheur fruitée qui la destinait à Mozart. Et n’oublions pas Martiné Mahé, si souvent entendue dans les petits rôles à Bastille du temps d’Hugues Gall, qu’on aurait aimé voir faire une carrière moins discrète : ce mezzo généreux, au timbre chaud, qui n’a besoin de forcer ni ses graves ni ses aigus, c’est exactement ce qu’exige un Annius jeune et noble. Passons sur le Publius de Peter Rose, visiblement peu à l’aise, malgré sa belle voix, dans ce rôle ingrat. La direction d’Andrew Davis sonne très juste, elle aussi, rien moins que baroqueuse, jamais lourde en tout cas, vive et claire, parfaitement accordée à la mise en scène.


On pourra trouver des voix plus insolentes, des performances individuelles plus impérissables ou plus spectaculaires, notamment du côté du disque, ou, du côté de la scène, des productions plus novatrices ou plus iconoclastes, il n’y en a pas moins ici un véritable ensemble, parfait d’homogénéité : de quoi nous confirmer que La Clémence de Titus est bel et bien un opéra et que, depuis Fritz Busch, Glyndebourne a toujours entretenu toujours avec Mozart une relation privilégiée.


Didier van Moere

 

 

 

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