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12/29/2006 Wolfgang Amadeus Mozart : Le Nozze di Figaro, K. 492 Tom Krause (le Comte), Arlene Saunders (la Comtesse), Heinz Blankenburg (Figaro), Edith Mathis (Susanna), Elisabeth Steiner (Cherubino), Noël Mangin (Bartholo), Maria Von Ilosvay (Marcelline), Karl Otto (Antonio), Kurt Marschner (Basilio), Jürgen Förster (Don Curzio), Natalie Usselmann (Barberine)
Chœur et Orchestre philharmonique de l’Opéra de Hambourg, Hans Schmidt-Isserstedt (direction)
Enregistré à l’Opéra de Hambourg (1967) - 170’
1 DVD Arthaus 101263 (zone 0). (distribué par Intégral)
Ce DVD des Noces de Figaro est le reflet de représentations données à l’opéra de Hambourg en 1967. Rolf Liebermann, directeur de cette maison pendant de nombreuses années, a contribué à développer les enregistrements d’opéras avec de jeunes artistes qui sont devenus des valeurs sûres du chant international. C’est ainsi que l’on retrouve dans cette production la Susanna d’Edith Mathis, le comte de Tom Krause etc…
La mise en scène ne présente aucune surprise: le décor est tout à fait classique et la direction d’acteurs peu originale. Et c’est tant mieux parce que le spectateur peut alors se concentrer sur la musique de Mozart, souvent devenue un prétexte dans l’imagination des metteurs en scène actuels. Les costumes ont un petit côté espagnol, surtout ceux du chœur. La scène du deuxième acte dans laquelle le comte découvre sa méprise quant à Cherubino est réussie car les deux femmes se liguent ouvertement contre le maître pour lui prouver, avec un mépris assez apparent, son erreur. Le décor du dernier acte est réussi, avec ses meubles de jardin verts de même que les portiques qui délimitent la scène.
Edith Mathis est une charmante Susanna. Elle évolue avec grâce sur scène tout en préservant l’enthousiasme propre aux soubrettes. Sa voix est agile et fraîche, ce qui lui permet d’apporter le piquant nécessaire au personnage (par exemple dans les “ding-dong” précis dans le deuxième duo avec Figaro au premier acte). Elle sait également être mutine et rouée dans le duo avec le comte “Crudel”: ses notes sont franches, elle manie avec tact l’art de la séduction au point que ses soi-disant erreurs dans les “no”, “si” deviennent des erreurs délibérées. Le fameux “Deh vieni non tardar” est un pur moment de musique! Adoptant un tempo très lent elle n’abandonne les notes que une à une avec une retenue digne d’une comtesse.
Heinz Blankenburg est très bon dans le rôle de Figaro. Il possède la chaleur et la rondeur des barytons allemands (pourtant il est né aux États-Unis), même si parfois son chant est proche du parlando. Il a un certain panache pour interpréter “Non più andrai!” et l’orchestre n’hésite pas à accentuer le style militaire de ce morceau. Excellent acteur, il est très convaincant dans la scène de reconnaissance du troisième acte où, pendant un moment, il regarde ses “nouveaux” parents avec des yeux hagards. Son air, au dernier acte, est remarquablement chanté et vécu: le chanteur exprime bien sa déception des femmes avec une voix qui traduit la douleur et la colère.
Tom Krause est un Comte imposant et dur. Sa voix donne une vision assez aride du personnage, grand seigneur mais pas charmeur comme pourra l’être Dietrich Fischer-Dieskau dans le film de Jean-Pierre Ponnelle quelques années plus tard. Le personnage s’adoucit un peu au cours de la représentation même s’il est assez impressionnant de colère retenue dans le trio du deuxième acte avec la Comtesse et Susanna. Il chante “Hai gia vinta la causa” avec une certaine autorité mais son timbre reste assez inexpressif.
La Comtesse est chantée par Arlene Saunders qui distille avec délicatesse les notes. Elle n’est pas aussi froide que d’autres comtesses, passées trop vite de Rosina à la Comtessa: elle est très complice de Susanna et la frontière est bien mince entre les deux femmes. La soprano propose un chant assez vif, assez libre mais avec des aigus un peu bas. Il lui manque peut-être aussi un brin de douleur dans “Dove sono”, car elle privilégie le bonheur ressenti à l’époque de son mariage à son désespoir passé.
Le couple Bartholo-Marcelline complète agréablement la partition. Noël Mangin est impayable dans le rôle de Bartholo, car il prend le parti d’en faire un vieux monsieur aigri, qui rumine sa vengeance depuis des années: il exprime bien ses arrière-pensées dans les notes rapides de son air au premier acte. Sa voix de basse-bouffe est suffisamment riche pour décrire le docteur mais c’est surtout sa présence scénique qu’il convient de saluer. Les deux personnages s’entendent très bien pour mener leur projet à bien. Maria Von Ilosvay n’a pas une très belle voix, mais son timbre assez aigre convient bien à la figure âgée de Marcelline. Elle est suffisamment insupportable dans le duo avec Susanna au premier acte pour se montrer bien maternelle au troisième.
Elisabeth Steiner incarne un Cherubino attachant, tourmenté à l’extrême, au point d’être presque euphorique dans “Non so più”. La chanteuse possède une belle voix bien pleine surtout dans le medium qui est corsé.
Kurt Marschner est un Basilio dans la plus pure tradition, à la voix un peu pointue et rauque et à la vis comica développée, se réjouissant par exemple de la découverte de Cherubino caché au premier acte en présence du Comte. Antonio, autrement dit Karl Otto, est fidèle à l’idée de jardinier avec son air un peu perdu et dépassé par les événements. Barberine est correctement chantée par Natalie Usselmann.
Hans Schmidt-Isserstedt apporte de l'énergie, et ce dès les premières notes de l’ouverture: il n’y aura aucun temps mort pendant toute la représentation. Ses tempi sont même parfois trop rapides comme dans l’échange de pardons entre le Comte et son épouse.
Cet enregistrement vidéo ajoute une pierre non négligeable à la discographie déjà fort riche des Noces de Figaro: bon nombre d’interprétations n’arrivent pas à une telle homogénéité. Un seul bémol, l’ouvrage est chanté en langue allemande, comme cela se faisait beaucoup à l’époque. Ces deux parutions de Hambourg, La Flûte enchantée (voir ici) et Les Noces, sont un beau pendant à l’intégrale des opéras de Mozart enregistrée à Salzbourg l’été dernier et éditée récemment par Universal.
Manon Ardouin
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