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12/13/2004 Gustav Mahler : Symphonie n° 9 Orchestre des Jeunes Gustav Mahler, Claudio Abbado (direction)
EuroArts 2054009
euroarts.com
Enregistrée en concert le 14 avril 2004 à Rome dans la salle de l'académie Sainte Cécile, cette captation de la Neuvième symphonie de Gustav Mahler fera date : alliant une approche très analytique avec une charge émotionnelle constante, cette lecture fascine comme rarement. Un concert réussi résulte de la conjonction de plusieurs éléments, ici tous semblent réunis avec un chef au sommet de sa maturité et que Mahler a toujours accompagné, un orchestre en état de grâce, une superbe salle de concerts, un public attentif et qui ne tousse pas...
L’élément peut être le moins «attendu» est cet orchestre de jeunes, mais il ne faut pas s’y tromper, sa performance est exceptionnelle. Si les cordes font preuve d’une cohérence et d’un galbe remarquables, elles ne possèdent certes pas le «poids» de celles des orchestres philharmoniques de Berlin, Vienne ou New York, mais cela, finalement, constitue un avantage : jamais elles ne couvrent les vents, notamment les bois, l’équilibre entre les pupitres est ainsi en permanence respecté et la conception «éclatée» de l’orchestre malhérien ressort avec évidence. Rarement l’option «musique de chambre» aura été poussée aussi loin chez ce compositeur. Cette lecture évoque d’ailleurs celle de Bernard Haitink dans la Sixième avec l’Orchestre National de France, aux cordes «légères» également (lire ici). Mais pour soutenir cette conception encore faut-il disposer de musiciens irréprochables, c’est le cas ici avec les instrumentistes les plus doués sortis des plus prestigieux conservatoires européens et ayant passé les tests pour jouer dans le meilleur orchestre de jeunes au monde. Fondé en 1986 par Claudio Abbado, l’Orchestre des Jeunes Gustav Mahler s’affirme en effet comme l’une des meilleures formations symphoniques occidentales, et s’élève même parfois au-dessus des plus prestigieuses tant il ne connaît aucunement la routine ou une tradition mal comprise qui peuvent parfois les atteindre. On découvre ainsi des intonations, des inflexions, des interventions «secondaires», des notes autrefois noyées ou masquées par des décibels hors de propos mais si facilement amenés dans Mahler.
Après une période quelque peu en demi-teinte lorsqu’il dirigeait l’Orchestre Philharmonique de Berlin (de 1989 à 2002), Claudio Abbado n’a jamais autant fait l’unanimité depuis qu’il se consacre à des projets choisis et ponctuels, essentiellement, en plus de cette formation, le Festival de Lucerne (dont on peut écouter une superbe Deuxième symphonie de Mahler chez EuroArts). Ainsi, peu de chefs d’orchestre savent atteindre une telle clarté dans la construction et une si évidente nécessité dans la progression du discours (dans Mahler on citera également Haitink, Rattle, Ozawa et Boulez).
Par rapport à son enregistrement avec le Philharmonique de Berlin de 1999 (chez Deutsche Grammophon), et considéré à juste titre comme l’une des grandes versions de l’œuvre, le chef italien accentue les contrastes (au niveau du tempo comme de la dynamique), accuse les ruptures de rythme, clarifie et donne plus d’impact aux attaques, dessine plus nettement les interventions solistes : il va plus loin, l’orchestre est aussi «technique» mais plus malléable, le résultat est saisissant. Les dernières mesures de l’ultime mouvement sont données dans une quasi obscurité, le public attend une bonne minute avant d’applaudir... instants magiques... On détient sans doute ici la meilleure version de la Neuvième de Mahler. Tout simplement.
Le site de l'Orchestre des Jeunes Gustav Mahler
Philippe Herlin
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