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07/28/2003

Franz Schubert : Symphonies n° 1, D. 82, n° 2, D. 125, n° 3, D. 200, n° 4, D. 417 «Tragique», n° 5, D. 485, n° 6, D. 589, n° 7, D. 729 (orchestration Newbould), n° 8, D. 759 «Inachevée» (complétée par Newbould), n° 9, D. 944, et n° 10, D. 936 (réalisation et orchestration Newbould) – Fragments symphoniques, D. 615 (orchestration Newbould) – Fragments symphoniques, D. 708a (réalisation et orchestration Newbould)

Academy of St Martin in the Fields, Neville Marriner (direction)
Coffret de six disques Philips 470 886-2


Enregistré entre juin 1981 et janvier 1984, et réédité en un coffret économique, ce vaste panorama de l’œuvre symphonique de Schubert présente d’emblée le mérite d’être exhaustif, si l’on excepte les ouvertures (autonomes ou destinées à la scène) et l’orchestration, par Joseph Joachim, du Grand duo pour piano à quatre mains. Car ce ne sont pas huit symphonies, ni même neuf, qui sont ici interprétées, mais dix, auxquelles viennent s’ajouter divers fragments symphoniques, témoins de symphonies précocement abandonnées par le compositeur, tous réalisés, orchestrés ou achevés par le musicologue britannique Brian Newbould, auteur par ailleurs d’une notice (en anglais, allemand et français) concise et on ne peut plus documentée.


Du coup, les grandes périodes de la création symphonique de Schubert n’en ressortent que plus clairement: les trois premières symphonies (1813-1815), qu’on n’ose qualifier de jeunesse et qui restent relativement dans l’ombre; les trois symphonies suivantes (1816-1818), que l’on entend souvent au concert ou au disque; une période d’expérimentation dont il ne reste que des œuvres inachevées, à un titre ou à un autre (1818-1821); les trois dernières symphonies, de la célèbre Inachevée (1822) à l’audacieuse Dixième (1828), en passant par l’imposante Neuvième (1825-1826).


Compte tenu de l’époque où elle a été gravée, cette intégrale se situe, tant chronologiquement que stylistiquement, dans une position intermédiaire entre l’approche monumentale de Karajan et les recherches de Harnoncourt ou Immerseel. Tout au long de ces six disques, quelques constantes apparaissent: respect systématique des reprises (de ce fait, la Neuvième dure soixante-deux minutes); contraste entre les mouvements rapides, faits de vigueur et de clarté, parfois même secs ou hachés, et les mouvements lents, soignés mais moins caractérisés et moins «dirigés»; menuets pris dans un tempo très vif; orchestre aux couleurs franches, voire acides, avec un remarquable pupitre de clarinettes. Ces partis pris se traduisant avec un bonheur inégal selon les périodes.


Eveillé par des réalisations convaincantes (trois premières symphonies, à peu de choses près, le menuet de la Quatrième, les mouvements extrêmes de la Cinquième et de la Sixième), l’intérêt tend en effet à s’émousser au fil des symphonies. Dans les Huitième et Neuvième, particulièrement, certes animées d’un double souci d’objectivité et de clarté des textures, anguleuses à force de marquer les accents et les rythmes pointés, péchant par manque d’implication, peut-être à force de trop d’application, le manque de tension dramatique, de poésie, d’expression ou de dimension épique paraît rédhibitoire, tant il fait l’impasse sur les failles et les abîmes de cette musique.


L’intérêt principal de ce coffret réside en revanche dans l’œil que Brian Newbould nous permet de jeter dans l’atelier de Schubert, sur ses tentatives, ses hésitations et ses échecs. C’est d’abord une Symphonie en ré (D. 615, 1818), dont subsistent deux courts fragments d’une durée totale de sept minutes, soit une introduction lente particulièrement aventureuse suivie du début d’un Allegro moderato et le début d’un finale: trois mois seulement après la Sixième, Schubert se situe déjà dans un autre univers.


C’est ensuite une nouvelle Symphonie en ré (D. 708A, 1821), dont trois des morceaux s’interrompent après trois minutes seulement: des mouvements extrêmes encore tributaires de Haydn et Rossini, et un Andante con moto qui tient davantage de la Cinquième. On comprend donc que Schubert soit en revanche parvenu, à quelques mesures près, à achever ce qui innovait le plus, à savoir l’irrésistible scherzo, qui annonce celui de la Neuvième.


On oublie trop souvent que la Septième symphonie en mi majeur (1821) est complète, même si le compositeur en a interrompu l’orchestration au milieu du premier mouvement. Après John Francis Barnett (1883) et Felix Weingartner (1934), Newbould, à son tour, en a proposé en 1978 une orchestration, moins massive que celle de Weingartner, même si le compositeur avait prévu un effectif exceptionnellement fourni (quatre cors, comme dans la Quatrième, mais aussi, pour la première fois, trois trombones). D’une durée de près de quarante minutes, elle traduit encore ici ou là l’influence rossinienne, mais on y entend déjà un sens du développement et des modulations qui n’appartient qu’à Schubert. A nouveau, le Scherzo préfigure celui de la Neuvième.


La Huitième symphonie, celle que l’on connaît sous le nom d’Inachevée, quant à elle, est ici… achevée: Newbould disposait en effet d’un Scherzo presque complet et a recouru, en guise de finale, au premier Entracte de la musique de scène pour Rosamunde, de telle sorte que l’on dispose ainsi d’une autre symphonie de près de quarante minutes.


Autre serpent de mer de la musicologie schubertienne, la Dixième, à nouveau en majeur, comme les deux précédentes séries de fragments, connaît ici une réalisation et une orchestration autrement plus prudentes que celles qu’en fit Pierre Bartholomée à partir du travail de Newbould et qu’il enregistra lui-même en juillet 1983 pour le label Ricercar. Force est en effet de constater que tant l’orchestrateur que le chef d’orchestre rendaient mieux justice à cette symphonie ambitieuse, qui date des dernières semaines de la vie de Schubert. Car dans ces trois morceaux presque complets (faute de Scherzo, Bartholomée avait opté, quant à lui, pour celui contenu dans les fragments de 1821), Marriner adopte des tempi excessivement vifs, notamment dans le formidable Andante, qui révèle maints aspects prémahlériens, même si l’Allegro moderato final est nettement mieux venu.


Simon Corley

 

 

 

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