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02/21/2003 Richard Wagner : Tristan et Isolde Ramon Vinay (Tristan), Martha Mödl (Isolde), Ludwig Weber (König Marke), Hans Hotter (Kurwenal), Ira Malaniuk (Brangäne), Herman Uhde (Melot) Orchestre du Festival de Bayreuth, Herbert von Karajan (direction) Urania URN 22.218 (3 CD), enregistré en 1952
1952. Karajan avant Karajan. Karajan avant sa nomination à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Berlin (1954), pas encore dans sa tour d’ivoire en train de se mirer dans son beau miroir, encore obligé de faire allégeance à la tradition, pas narcissique, pas trop. Il façonne ainsi l’un des plus beaux orchestres qu’ait connu cet opéra, superbe synthèse entre un lyrisme passionné et la rigueur de la construction. Que n’eut-il continué a diriger de cette façon ! Mais, encore plus que Karajan, c’est Martha Mödl qui nous fascine, qui nous hypnotise littéralement, avec sa voix lascive, viscérale, portant toujours en elle une ombre, une voix qui, dans l’absolu, n’est pas «propre» avec ses arrondis dans les progressions de notes, ses légers décrochements dans l’émission, ses graves qui surgissent d’un coup, mais c’est le corps qui parle ici plutôt que le cerveau et on l’aime pour cela (pour nous faire comprendre nous dirons que Dietrich Fischer-Dieskau nous ennuie parfois...). Inoubliable Kundry l’année précédente avec Knappertsbusch (enregistrement Teldec), elle incarne ici l’une des plus grandes Isolde de la discographie. Un timbre plus riche et une meilleure articulation eurent rendu Ramon Vinay irrésistible, mais déjà ses moyens et sa vaillance sont remarquables et en font un partenaire d’excellence. Le reste de la distribution se situe au plus haut niveau, avec notamment Hans Hotter en Kurwenal. Cet enregistrement mythique, à juste titre, longtemps indisponible, puis publié dans de piètres conditions techniques, trouve enfin ici, avec cette réédition réalisée à partir des bandes originales, sa place aux côtés des plus grandes versions de l’œuvre.
Philippe Herlin
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