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09/30/2002

Antonin Dvorak :

Quatuor à Cordes n° 12 opus 96, dit Américain.

Quintette à Cordes opus 97
.



Le Quatuor Talich : Jan Talich, Petr Macecek, Vladimir Bukac, Petr Prause. Jiri Zigmund, second alto.

1 CD Calliope (Arpège), 2002, CAL 9331

Notice bilingue très complète, présentation rénovée. Durée totale : 59'06".




Il était une fois dans l’Ouest… En une micro-symphonie pour archets, le compositeur tchèque Antonin Dvorak a forgé, avec le Quatuor dit «Américain» une vaste polyphonie de chambre aux couleurs adamantines. Il s’agit d’une oeuvre essentielle de la grande maturité, datant de sa période américaine, lorsqu’il se voit confier la direction du conservatoire de New York, en 1892. Avec les Quatuors de Smetana (Berg, EMI) ou - dans un style radicalement antagoniste - les indispensables de Janacek (Prazak, Praga), voire Pavel Haas ; on détient avec ce nouveau CD Calliope une référence incontestable de ce monument pictural, qui immerge l’auditeur dans la quintessence de l’art slave.


Cela est servi par une lecture éblouissante des Talich, habitués et fer de lance du label de Compiègne, remettant l’ouvrage sur le métier bien des années après l’admirable triplette Dvorak-Smetana-Janacek que l’on connaît. Rarement une miniature chambriste n’aura à ce point magnifié les immenses prairies herbeuses de l’Iowa, qui se déroulent à l’infini telles des océans de verdure… De la partition semblent surgir les paysages sauvages du Nouveau Monde foulés par les millions de migrants, tels que décrits dans les romans fleuves du célèbre romancier américain James A. Michener (lire Colorado Saga) !


Le premier mouvement, Allegro ma non troppo, est un pur chant de l’âme américaine «plus vrai que nature» ; et mâtiné cependant d’une slavité flagrante. Tant mieux pour les Talich génération 90, qui confirment en cette année «Bohemia Magica» une accointance naturelle avec l'inépuisable fonds musical de la Mitteleuropa. Ce qui n'a rien d'évident, ni d'atavique - les pires ratages de Riccardo Muti par exemple se situant dans l'Opéra Italien (Bellini, Verdi), et ses plus exemplaires réussites dans le répertoire français, russe, allemand (Wagner...) !


D’emblée, Dvorak a parfaitement su restituer la profondeur des mélodies populaires, en évitant l’écueil d’un «folklorisme» factice, ou de pacotille. Allant, transparence et luminosité caractérisent ce mouvement conquérant. Les cordes cravachent ; fouettent, retournent et labourent l'harmonique terreau avec une vivacite douce - tout ceci est tempéré en particulier dans les très lyriques thèmes qu'exaltent le violon et l’alto. Changement de climat dans le bouleversant Lento, romance sans parole, une sereine prière nocturne ; silencieuse... et peut-être adressée à la lointaine Patrie. Ou encore ode champêtre se muant en complainte nostalgique («mal du pays» du musicien exilé ?). De prime abord discrète, la mélopée contrite et nostalgique du violoncelle gagne en expansion ; et traduit l'entêtement solitaire d’une chandelle dans l’obscurité, pour reprendre l’expression de l’écrivain chinois Gao Xing Jian (La Montagne de l’Ame).


La troisième séquence entend conjurer la tristesse introspective de la précédente, et constitue en réalité un Scherzo au thème allègre et virevoltant. Le Finale enjoué, empli d’alacrité, répond au mouvement initial qui s’ouvrait sur un ton jubilatoire. Dès lors, les complices d’archet s’ «éclatent» comme des fous ; les ultimes mesures participent d’un véritable rodéo musical, proprement frénétique - dépassant même, par intermittences, la lecture en public des Alban Berg. Exubérante impétuosite dans les attaques, velouté suprême d’un son unique au service d’une tendresse ineffable ; au surplus, virtuosité savamment contrôlée : autant de qualités qu’on retrouve à foison dans le Quintette en mi bemol majeur.


Moins couru que d’autres pièces de musique de chambre «dvorakienne», cet ouvrage présente la particularité d’avoir été écrit dans la foulée (trois jours après !) du Quatuor qui précède. Sans atteindre, peut-être, les cimes inégalables du Quintette avec Piano, on y trouve un Larghetto à l’anthologique et rayonnant lyrisme. Il est traversé d’un faisceau d’harmonies opalescentes, que sertissent des Benvenuto Cellini de la Musique pour Cordes ! Le Vivace n’est qu’un feu ravageur, où les Talich parviennent à maintenir une précision d’horloge, une rigueur interprétative qui laissent pantois.


Calliope – on l’a dit – tient avec ces bretteurs, depuis vingt-six ans, de ces atouts maîtres que les aléas du temps ne corrompent pas, bien au contraire. Le catalogue du Quatuor Talich au sein de la marque est impressionnant, depuis Haydn – Mica, même ! – jusqu’à Chostakovitch. On attend avec impatience les nouvelles moûtures promises de Smetana et Janacek ; et l’on piaffe déjà à l’annonce d’une intégrale Mendelssohn (un des plus beaux cycles de Quatuors de l’histoire) qui – allez savoir – pourrait coiffer sur le poteau les pépites consignées voici dix ans par le Quatuor Cherubini chez… EMI (décidément !). Pépite est bien le terme : quelque chose de la ruée vers l’or parfume de bout en bout ce Dvorak d’exception.


Son allant est irrésistible ; accru même par cette «traversée du désert», façon Manon Lescaut en Louisiane, que l’on entend ici et là. C’est un peu de l’âme de Rousalka appelant – en vain – ses sœurs au fond de l’onde froide, à l’Acte III de l’Opéra, qu’emporterait le déferlement de vie et de sève du Finale de la Symphonie du Nouveau Monde. Un nouveau titre de gloire pour l’ensemble pragois, et un énième coup de maître de la part de l’éditeur. En cet automne 2002, faites-vous chercheur d’or dans l’Ouest américain : ce sera extrêmement «tendance».




Jacques Duffourg

 

 

 

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