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05/28/2002

Bruno Ducol : Li Po, opus 22 – Eclats de lune, opus 25 (extraits) – Nuevo amor, opus 16 bis – Elégie (ou le Manteau des Parques), opus 29

Isabel Soccoja, Virginie Pesch (sopranos), Jean Nirouët (haute-contre), Jean-Jacques Doumène (basse), Consuelo Caroli (récitante), Maîtrise de Radio France, Toni Ramon (chef de chœur), Chœur de Radio France, Guy Reibel (chef de chœur), Ensemble Erwartung Bernard Desgraupes (direction)
MFA Radio France MFA 216 036



Formé par des personnalités aussi fortes et diverses que Claude Ballif, André Boucourechliev, Olivier Messiaen et Pierre Schaeffer, Bruno Ducol (né en 1949) a été pensionnaire de la Villa Médicis (1981-1983) puis de la Casa de Velazquez (1985-1987). Le disque monographique que lui consacre l’indispensable collection « Musique française d’aujourd’hui » constitue non seulement un hommage mérité à un compositeur trop discret de la scène contemporaine, mais témoigne aussi de son intérêt constant pour la voix et de son attachement ancien aux civilisations latino-américaine et chinoise.


Plus ancienne des quatre partitions présentées, Li Po (1994) est écrite pour une formation tonique (chœur d’enfants, deux pianos et deux percussionnistes) à laquelle se joignent deux voix solistes (soprano et haute-contre). Ducol met ici en musique six calligrammes du Mexicain José Juan Tablada (1870-1945), qui relatent avec humour et tendresse le destin tragi-comique du poète chinois Li Po (699-762), qui, sous l’effet de la boisson, se noie en croyant étreindre le reflet de la lune à la surface d’un étang. L’effectif requis, la fraîcheur de l’inspiration ainsi que certaines tournures harmoniques et rythmiques évoquent parfois Messiaen. Toujours est-il que l’écriture – mobile, voire ludique – sert parfaitement le texte, sans jamais tomber dans une banale description : elle en restitue les aspects tour à tour rêveur, nocturne, liquide, irréel, fantasque, qui trouvent leur traduction dans le caractère souvent aigu et cristallin des voix et de l’instrumentation.


Eclats de lune pour ensemble vocal (1995), dont sept des neuf morceaux sont ici enregistrés, alterne les textes en espagnol de Tablada – dont deux sont communs avec ceux retenus pour Li Po – et des traductions en français de poèmes de Li Po. Les deux œuvres s’inscrivent ainsi dans un même cycle : depuis quelques années, le compositeur s’intéresse à cette notion de cycle, qu’il conçoit, selon ses propres termes, comme un « microcosme musical comprenant un ensemble de pièces variées – et d’ailleurs l’ordre peut en être permuté, comme des allées et venues plus ou moins libres dans un musée – mais regroupées bien sûr autour d’un thème précis ». En tout état de cause, on peut comprendre l’attachement de Bruno Ducol au thème de Li Po, tant il incite à une métaphore de l’artiste créateur : tenter, à ses risques et périls, de s’approprier ce qui n’est qu’un insaisissable reflet. Ceci étant, si l’inspiration littéraire est identique, Eclats de lune, qui semble traduire une plus grande ambition, se distingue nettement de Li Po.


Les deux œuvres les plus récentes paraissent marquer une évolution vers une plus grande intériorité. Mais ceci tient peut-être à leur sujet, d’autant qu’il convient d’avoir à l’esprit qu’elles trouvent toutes deux leur origine dans des œuvres que Ducol avait composées dans les années 1980. A nouveau, la notion de cycle entre ainsi en jeu. Nuevo amor pour soprano, clarinette en la (et clarinette basse) et percussion (1999) consiste en sept poèmes d’Octavio Paz (1914-1998), Salvador Novo (1904-1974) et José Emilio Pacheco (1939). Le compositeur lui a conféré le numéro d’opus 16 bis, car il y a intégré Junto a tu cuerpo...., opus 16 (1987). La clarinette, qui, dans les pièces chantées, s’enroule avec sensualité autour de la voix, se voit confier une pièce en solo : difficile, ici aussi, de ne pas se rappeler l’Abîme des oiseaux du Quatuor pour la fin du temps, au moins dans la démarche.


Elégie (ou le Manteau des Parques) (1999) est également fondée sur une œuvre antérieure, Scène 3, opus 13 (1983-1986), dont elle retient, au-delà des textes (Novo et Héraclite) et de la formation instrumentale (soprano, basse, récitante, percussion, deux clarinettes et deux violoncelles), le déplacement des interprètes au fil de la partition. Ici encore, il faut souligner à quel point ce qui semble être le projet même de cette musique – qui constitue non seulement des variantes d’une musique antérieure, mais qui présente aussi quatre lectures différentes du même poème (chacune assortie d’une mise en espace différente des voix et des instruments) – est en accord avec le propos des textes : le caractère insaisissable du message amoureux, « toujours susceptible de nouvelles interprétations », chez Novo, le caractère provisoire de toute chose, chez Héraclite, se retrouvent dans des textures sonores évanescentes, où les voix tiennent le premier rôle.


Simon Corley

 

 

 

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