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10/18/2025
Frédéric Chopin : Préludes, opus 28
Ramon Lazkano : Préludes

Maroussia Gentet (piano), Ensemble Cairn, Guillaume Bourgogne (direction)
Enregistré à Villethierry et Alfortville (2022 et 2024) – 85’29
bastille musique 36 – Notice en français, allemand et anglais


Sélectionné par la rédaction






Commande de Jérôme Combier et de l’Ensemble Cairn, les dix‑neuf Préludes (2020‑2021) de Ramon Lazkano (né en 1968) ont été conçus pour s’entrelacer librement aux Vingt‑quatre Préludes opus 28 de Chopin : si l’effectif requiert un ensemble de deux à huit instruments (flûte, clarinette, accordéon, guitare, piano, violon, alto et violoncelle), le terme « prélude » cache une kyrielle de formes et de genres différents, de la marche au zortziko (danse basque à la rythmique asymétrique), de même que ceux de Chopin abritaient ici une mazurka, là une valse, ailleurs une étude.


La prise de son, rapprochée, capte les résonances les plus infimes cependant que le mixage réalise la jointure entre les deux captations : l’auditorium de Stephen Paulello (Chopin) et le studio de l’Orchestre national d’Ile‑de‑France (Lazkano) ; et Maroussia Gentet de céder son tabouret à la pianiste Caroline Cren.


Admirable dans l’invention des timbres, avec ces rythmes heurtés (plage 5) qui laissent place à la ténuité soudaine de bruissements fantomatiques (plage 23), à la cantillation des vents (piccolo en flatterzunge), aux notes répétées (plage 25 – portique au fameux Prélude « à la goutte d’eau »), à la soufflerie de quelque faune nocturne (plage 38) ou à l’agitation de quelque perpetuum mobile (plage 30), le style de Ramon Lazkano fascine par sa fantaisie exubérante et la subtilité des liens qu’il tisse avec les divers microcosmes du Polonais. Tel prélude annonce les figures de son pendant chopinien (plage 42, avant l’ultime Prélude en  mineur) ; tel autre sourd du prélude expirant (plage 23) quand une large portion de silence (avant la plage 15) n’est pas ménagée lorsque l’interpolation le cède à la juxtaposition. L’Ensemble Cairn rivalise d’effets savoureux sous la direction diligente d’un Guillaume Bourgogne alternant rétorsion du geste et cette plénitude de fruit mûr qui fait éclater son écorce.


Plébiscité par un nombre grandissant d’interprètes (parmi lesquels Lucas Debargue dans son intégrale de la musique pour piano de Gabriel Fauré chez Sony), l’Opus 102 de Stephen Paulello, dont le clavier totalise cent deux touches tandis que la palette harmonique génère une opulence capiteuse, incite à jeter une oreille neuve au cycle de Chopin tant fêté par le disque. Maroussia Gentet, lauréate du Concours international d’Orléans 2018, se distingue par ses tempos retenus. Nulle fulgurance à la Argerich ici, mais une volonté manifeste d’exprimer (comme on le dit du jus d’un citron) les virtualités latentes de chaque prélude... et de son instrument hors norme. On goûte les reptations chromatiques de la main gauche (plage 3), le soin accordé aux voix intermédiaires dans le Più lento du Treizième Prélude, le sotto voce sépulcral du Quinzième, l’ampleur symphonique du Dix‑septième ; en revanche, on s’avoue moins conquis par la sensation de statisme engendrée par les plus virtuoses et l’alanguissement désarticulé du Sixième Prélude (là où on attendait un écho à la fascinante torpeur que Lazkano tire par endroits de son instrumentarium). On en est quitte pour de nouvelles écoutes de cet attelage fascinant qui brouille les certitudes et étend l’empire de l’imaginaire.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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