About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

07/03/2025
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Schuldigkeit des ersten Gebots, KV 35
Gwendoline Blondeel (La Justice divine, L’Esprit du monde), Adèle Charvet (La Miséricorde), Artavazd Sargsyan (L’Esprit chrétien), Jordan Mouaissia (Le Chrétien), Ensemble Il Caravaggio, Camille Delaforge (direction)
Enregistré dans la salle des Croisades du Château de Versailles (19‑20 juin 2023) – 77’28
Château de Versailles Spectacles CVS 137 (distribué par Outhere) – Notice (en français, anglais et allemand) de Camille Delaforge et Hervé Audéon


Sélectionné par la rédaction





Comment ne pas éprouver un tant soit peu d’émotion en écoutant Die Schuldigkeit des ersten Gebots (Le Devoir du premier Commandement) dont le livret de 1767 porte la mention « Première partie mise en musique par M. Wolfgang Mozard [sic], âgé de 10 ans »… Bien que donnée pour la première fois le 12 mars 1767 nous apprend l’excellente notice d’Hervé Audéon (un modèle du genre !), cette œuvre a vraisemblablement été composée un an auparavant, Léopold Mozart ayant sans doute couché quelques notes sur la partition aux côtés de celles de son fils.

« Oratorio », « Singspiel spirituel » (Hervé Audéon), « Moralité » où des personnages allégoriques se disputent les faveurs du héros principal (Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Fayard, p. 1014) ? Difficile de trouver un qualificatif qui convienne parfaitement à cette œuvre qui ne ressemble ni à La Betulia liberata (1771, un oratorio pour le coup), ni à Thamos, roi d’Egypte (1774, œuvre qui s’apparente davantage à une musique de scène). L’action du Devoir du premier Commandement met en scène un Chrétien tiède sur lequel se penchent trois allégories (la Justice divine, la Miséricorde et l’Esprit chrétien), lesquelles discutent des bienfaits de la Foi jusqu’au réveil du héros. Or, à peine sorti de son sommeil, le voilà qui fait face à l’Esprit du monde, esprit perturbateur qui l’invite à céder aux tentations de ce bas monde (l’air « Hat der Schöpfer dieses Leben »). Heureusement, l’Esprit chrétien arrive pour répondre aux angoisses du Chrétien concernant l’au‑delà tandis que l’Esprit du monde s’active à lui préparer un somptueux petit déjeuner où l’attendent de joyeux compagnons des deux sexes (« von beiderlei Geschlechte erwarten dich »). L’action se conclut non sur la victoire écrasante de l’Esprit chrétien comme on aurait pu le prévoir mais sur une sorte d’entente entre l’Esprit chrétien, la Justice divine et la Miséricorde pour veiller à ce que le Chrétien tiède finisse par devenir un Croyant fervent, seul Dieu pouvant lui apporter la Félicité.


Comme d’autres compositions de la jeunesse de Mozart, Le Devoir du premier Commandement n’a guère été enregistré. On doit tout de même signaler la très belle gravure dirigée par Sir Neville Marriner dans le cadre de l’« Edition Mozart » qu’avait réalisée Philips pour le bicentenaire de la mort du compositeur avec une équipe de haute volée (Margaret Marshall, Ann Murray, Inga Nielsen...). On dispose également d’une vidéo issue du Festival de Salzbourg 2006, l’Orchestre symphonique de l’Université Mozarteum étant alors dirigé par Josef Wallnig (passons sur la mise en scène...). Bref, quand bien même ces deux versions ne démériteraient pas, celle que Camille Delaforge vient de graver l’emporte assez nettement à nos yeux.


Notamment parce qu’un de ses grands mérites réside sans aucun doute dans le fait que Camille Delaforge n’a pas oublié l’essentiel : Le Devoir du premier Commandement est la composition d’un enfant de 10 ans ! De fait, la vivacité des tempi (dès l’Ouverture, vive et fraîche comme on peut le souhaiter), est mise en exergue mais écoutez également l’accompagnement de l’air de la Miséricorde « Ein ergrimmter Löwe brullet » où cors et cordes s’en donnent à cœur joie ! Difficile également de rester insensible à l’orchestre tout en dentelle de l’air « Hat der Schöpfer dieses Leben » (les hautbois et les cors !).


Même si elle n’est pas très sollicitée, Adèle Charvet s’avère lumineuse dans le rôle de la Miséricorde, démontrant toutes ses facilités techniques dans l’air redoutable « Ein ergrimmter Löwe brullet ». A ses côtés, Gwendoline Blondeel tient avec beaucoup de justesse les deux rôles de la Justice divine et de l’Esprit du monde, nécessitant de fait un petit peu de schizophrénie pour tour à tour tenter et ramener le Chrétien à ses principes fondamentaux. Si quelques aigus sont parfois un peu durs (dans l’air si contrasté « Erwache, fauler Knecht », où volutes vocales succèdent à des moments plus apaisés), la jeune chanteuse nous convainc totalement par sa fraîcheur et son indéniable maîtrise technique. Si Artavazd Sargsyan incarne un bel Esprit chrétien, avouons qu’il n’a tout de même pas l’aisance, ni le charme de Hans Peter Blochwitz dans la version Marriner. Jordan Mouaissia complète avec bonheur une équipe cohérente qui, conduite par une Camille Delaforge toujours attentive à la bonne caractérisation des personnages et à la finesse de la partition, contribue à faire de ce disque la nouvelle référence de ce bijou mozartien de jeunesse.


A noter que Camille Delaforge a dirigé l’œuvre le 19 juin dernier au Festival de Saint‑Denis et, pour ceux qui seraient tentés, qu’elle le dirigera de nouveau cette fois‑ci à la Musikfest de Brême le 19 août prochain.


Le site de l’Ensemble Il Caravaggio et de Camille Delaforge
Le site de Gwendoline Blondeel
Le site d’Adèle Charvet


Sébastien Gauthier

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com