About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

05/03/2025
« Orchestra Works - Vol. 5 »
Peter Ruzicka : Depart [1] – Eingedunkelt [2] – Aulodie [3] – Still [4]

Albrecht Mayer (hautbois), Kris Garfitt (trombone), Carolin Widmann (violon), Nils Mönkemeyer (alto), SWR Vokalensemble Stuttgart, NDR Elbphilharmonie Orchester [1], SWR Symphonieorchster [2], Schleswig-Holstein Festival Orchestra [3], Die Deutsche Kammerphilharmonie Bremen [4], Matthias Pintscher [1], Bas Wiegers [2], Peter Ruzicka [3], Massimiliano Matesic [4] (direction)
Enregistré en 2011 [3], 2022 [1, 2] et 2023 [4] – 61’57
NEOS 12417 – Notice en anglais, allemand et français


Sélectionné par la rédaction





Sous-titré « Abîme et lumière des mondes », ce cinquième volume des œuvres orchestrales de Peter Ruzicka (né en 1948) publié par l’éditeur NEOS est entièrement dévolu au genre concertant. Des partitions (très) récentes, marquées par l’exil intérieur du confinement, et inspirées pour deux d’entre elles par Paul Celan.


Depart (2020) se veut un hommage au poète cinquante ans après son suicide dans la Seine – Celan s’est jeté du haut du pont Mirabeau (le pont des poètes, depuis Apollinaire), comme le fera Ghérasim Luca vingt‑quatre ans plus tard. Mais l’œuvre est dédiée à Wolfgang Rihm (à qui l’on doit, soit dit en passant, une pièce intitulée Départ, mais d’après Rimbaud), dont le style n’est pas sans point commun avec celui de Ruzicka. Sombre, tendue, avec des pédales gluantes enfouies dans les graves, l’œuvre se déploie sans discontinuer autour de la partie soliste (omniprésente), douloureuse et déclamatoire. Nils Mönkemeyer exploite la face obscure de l’alto, auquel Matthias Pintscher offre un prolongement ad hoc à la tête de la Philharmonie de l’Elbe.


Eingedunkelt (2021), pour violon, chœur de chambre et orchestre, n’est guère lumineux en dépit de la tessiture plus aiguë de l’instrument. Carolin Widmann écope d’une partie âpre, notamment au cours de la cadence, frénétique et combative, qui n’a rien de la rhapsodie démonstrative traditionnellement privilégiée. Dénué de texte, en vocalise, le chœur quitte à mi‑parcours son rôle atmosphérique pour chanter le poème de Celan Nach dem Lichtverzicht. Carolin Widmann s’apparente à Charon guidant l’auditeur à travers des eaux saumâtres et dangereuses. En témoigne les inquiétantes volées de cloches et un fracassant tutti dont la résorption, loin d’apporter le moindre apaisement, ouvre sur un espace inconnu. Bas Wiegers et ses forces de Stuttgart fusionnent les teintes dans cette pièce probablement la plus originale et mémorable du disque.


On connaît Albrecht Meyer en qualité d’hautboïste des Berliner. Lui incombe le concerto le plus virtuose du programme en ce qu’il exploite « tout ce que l’instrument peut offrir en termes de brillance, de cantabile, d’acuité, de virtuosité, de finesse et d’humour », nous dit la notice signée d’Habakuk Traber. De fait, l’Orchestre du Festival du Schleswig-Holstein (en formation chambriste) dirigé par le compositeur privilégie les textures aérées afin de ne jamais couvrir le soliste, lequel troque le hautbois pour le hautbois d’amour quand il chante « l’amour ». Il s’en faut de beaucoup, cependant, que cet aspect « arcadien » revendiqué par Ruzicka n’évoque les dernières œuvres pour instruments à anche de Bruno Maderna, où les monodies flottent dans l’espace avec la grâce d’une toile de Miro. Aulodie (2011) est d’un autre métal, plus bilieux, et son Arcadie évoque moins les paysages bucoliques célébrés par Virgile que les Tristes d’Ovide pleurant l’ingratitude d’Auguste. Si « humour » il y a, celui‑ci est désespéré.


Ne dépassant pas une dizaine de minutes, le concertino pour trombone Still (2016) offre un climat moins conflictuel ; il referme le disque tel un envoi. De la Question sans réponse de Charles Ives explicitement prise pour modèle, Still reprend le questionnement métaphysique du soliste, le tapis imperturbable des cordes et les réponses sardoniques des bois (mêlés aux percussions), parfaitement réalisés par les musiciens de la Philharmonie de chambre allemande de Brême. La performance de Kris Garfitt apporte un démenti cinglant à ceux qui douteraient des vertus chantantes du trombone.


Jérémie Bigorie

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com