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04/14/2025 Niccolò Jommelli : Introït
Wolfgang Amadeus Mozart : Requiem en ré mineur, K. 626
Giovanni Paisiello : Messe pour le sacre de Napoléon
Nicolas Charles Bochsa : Prélude pour harpe Sandrine Piau, Chantal Santon Jeffery (sopranos), Eléonore Pancrazi (mezzo-soprano), Mathias Vidal (ténor), Thomas Dolié (baryton), Chœur de chambre de Namur, Le Concert de la Loge, Julien Chauvin (direction)
Enregistré à l’Arsenal, Metz (février 2022) – 57’24
Alpha 919 (distribué par Outhere) – Notice (en français, anglais et allemand) d’Alexandre Dratwicki

Bien que brève, la notice d’Alexandre Dratwicki rappelle l’essentiel, à savoir qu’il a fallu attendre le mois de décembre 1804 pour que le Requiem de Mozart soit enfin entendu en France. Version assez différente de celle que nous connaissons, faute de cors de basset, due également à certains ajouts (l’Introït est ici non de Mozart mais de Jommelli) ou à certains retraits (l’Agnus Dei conclut l’œuvre juste après le Lacrymosa). Bref, une version du Requiem que l’on pourrait dire revisitée mais qui ne manque pas d’intérêt.
La direction de Julien Chauvin est vive et acérée : le Dies iræ bénéficie ainsi d’arêtes tranchantes, le Rex tremendæ est pris très rapidement (ce qui lui confère d’ailleurs une certaine brusquerie), l’Agnus Dei est enlevé en à peine 2 minutes. Cette version du Requiem n’est à l’évidence pas là pour flatter l’oreille, encore moins solenniser le moment, mais tout cela semble parfaitement convenir à l’excellent Concert de la Loge où les cordes (sans vibrato) brillent par leur technique irréprochable (quel ostinato dans le Confutatis !). Les solistes sont tous très bons et, même si Mathias Vidal semble un peu hors sujet dans le Recordare, servent l’œuvre avec ferveur.
Mais l’intérêt de ce disque est ailleurs ! Le napolitain Giovanni Paisiello (1740‑1816) fut une gloire en son temps, célébré de Vienne à Bologne en passant par Paris évidemment. Parmi la centaine d’opéras à son actif, restent quelque peu en mémoire La Serva padrona (à ne pas confondre avec l’opéra de Pergolèse), Zenobia in Palmira ou, surtout, Le Barbier de Séville (précédant de presque vingt‑cinq ans celui de Rossini). Ajoutons à cela quelques œuvres orchestrales et concertantes et, donc, quelques pièces religieuses dont cette Messe pour le sacre de Napoléon qui emprunte beaucoup au style habituel du compositeur ; comme l’écrivait très justement le grand musicologue, spécialiste de Le Sueur notamment, Jean Mongrédien (tout récemment décédé, le 15 mars 2025), « On peut penser bien sûr que les vocalises de la soprano solo seraient mieux à leur place sur une scène pour mettre en valeur la voix d’une prima donna que dans une église pour louer le Seigneur ». Pour autant, ne boudons pas notre plaisir car là est l’attrait de ce disque.
Sauf erreur, voici seulement la seconde gravure au disque de cette œuvre, la première datant de 1969 et ayant réuni à l’époque Mady Mesplé (soprano), Gérard Dunan (ténor) et Yves Bisson (basse) dans une version orchestrée par Jean Thilde et dirigée par Armand Birbaum, Pierre Cochereau assurant de son côté la partie d’orgue (disque Philips avec une notice signée Jean Mongrédien). Avouons à son écoute que cette dernière version n’a guère vieilli et qu’elle reste extrêmement séduisante ; pour autant, le présent enregistrement est stylistiquement plus rafraîchissant et bénéficie d’un plus grand élan. Dès le Kyrie, l’atmosphère se veut religieuse avant que d’être solennelle alors même que le contexte pour lequel cette messe était composée était on ne peut plus cérémoniel : aucune grandiloquence, une clarté des timbres et un sentiment de plénitude frappent ainsi d’emblée l’auditeur. Ce sont des traits continuels dans la messe où les détails orchestraux foisonnent (les volutes des flûtes dans le Laudamus te, les deux clarinettes dans le Gratias agimus tibi ou cet étrange dialogue entre la harpe et le cor solo dans le Et incarnatus est). Ajoutons à cela des cordes légères et une prise de son magnifique : le résultat est captivant. Côté voix, on a parfois plus l’impression d’entendre des airs de concert (la soprano dans le Qui sedes ad dexteram Patris) qu’une partie de messe mais chaque protagoniste est parfaitement à sa place, à l’image de Thomas Dolié, excellent dans le Domine salvum fac imperatorem conclusif.
Au-delà de l’intérêt musical évident et de l’interprétation qui ne souffre aucun reproche, regrettons seulement que la notice, qui aurait pu être plus riche sur l’histoire et la postérité de cette partition (semble‑t‑il découverte par hasard par Jean Mongrédien dans le fonds de la bibliothèque de la Chapelle des Tuileries si l’on se reporte à sa notice accompagnant le disque Philips auquel on a précédemment fait référence), ne nous explique pas ce que vient faire en plein milieu de l’œuvre ce Prélude pour harpe de Nicolas Charles Bochsa (1789‑1856) dont on ignore tout. Regrettons enfin l’insuffisante précision quant à la participation de Sandrine Piau ou de Chantal Santon Jeffery, toutes les deux étant parfois signalées sur certains airs sans que l’on sache qui des deux est finalement première, seconde ou seule soliste. L’apport de ce disque (à ranger à « P » comme « Paisiello ») est néanmoins évident.
Le site de Sandrine Piau
Le site de Chantal Santon Jeffery
Le site d’Eléonore Pancrazi
Le site de Mathias Vidal
Le site du Chœur de chambre de Namur
Le site du Concert de la Loge et de Julien Chauvin
Sébastien Gauthier
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