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11/17/2024 « Anonymous – Violin Concertos »
Anonymes : Concertos pour violon en si bémol, sol, ut et ré le Pavillon de Musique, Ann Cnop (violon et direction)
Enregistré à l’AMUZ, Anvers (octobre 2023) – 49’
Et’cetera Records KTC 1834 – Notice en anglais
On a déjà eu l’occasion de l’écrire à maintes reprises, mais que le monde de la musique baroque est riche ! Aussi, grâce notamment à divers solistes, chefs, ensembles, producteurs, musicologues..., on ne cesse de redécouvrir, au fond d’une bibliothèque, quelque manuscrit poussiéreux oublié depuis des décennies, voire des siècles, qui offre ainsi à nos oreille un nouveau concerto pour violon ou hautbois, une nouvelle sonate pour violoncelle ou clavecin ou une page vocale permettant à quelque gosier avide de s’en emparer.
Premier violon de La Petite Bande de Sigiswald Kuijken depuis 2008, Ann Cnop fait indéniablement partie de ces musiciens. Après notamment un disque consacré à des concertos pour violon du belge Henri‑Jacques de Croes (1705‑1786), la voici qui récidive avec son ensemble le Pavillon de Musique pour quatre concertos inconnus. Hormis évidemment leur tonalité respective, on n’en sait pas davantage et la notice d’accompagnement ne nous apprend rien sur leur découverte (hormis que les partitions ont été dénichées à la bibliothèque de musique et de théâtre de Stockholm, en même temps que les concertos de Croes), ni sur le moindre indice permettant de les situer dans tel ou tel courant, voire de les attribuer à une nébuleuse de compositeurs, à défaut d’en donner l’auteur avec certitude. C’est dommage qu’Ann Cnop, pourtant férue de musicologie à en croire sa biographie (pour le coup fortement détaillée dans la notice !), ne se lance pas dans quelque hypothèse qui, grâce à quelque élément musicologique ou historique bien senti, permettrait de nous guider dans l’approche de ces concertos dont l’intérêt est pourtant réel.
Le premier Allegro du Concerto en si bémol majeur adopte des sonorités qui ne sont pas sans évoquer, à notre oreille, certains concertos de la cour de Dresde (on pense à Pisendel, Veracini voire, du côté de Hambourg, à Telemann). Face à un orchestre éloquent, le violon d’Ann Cnop ne se veut pas inutilement virtuose : certes, quelques traits illustrent ses talents de soliste mais l’intérêt réside bien davantage dans un ensemble de très belle facture, qui convainc immédiatement. Idem dans le mouvement lent (une jolie sicilienne, légèrement italianisante) et dans l’Allegro conclusif, dont les couleurs rappellent le premier mouvement.
Si l’on peut émettre donc certaines hypothèses sur ce premier concerto, osons écrire que le concerto suivant (en ut) est franchement de facture italienne : l’entrée en matière de l’orchestre rappelle plusieurs concertos de L’estro armonico de Vivaldi, les sept musiciens du Pavillon de Musique adoptant ce style si typique du Prêtre roux, style que le violon d’Ann Cnop sublime dans des mélodies aux motifs répétés, mais sans que jamais le second trait ne soit qu’une simple redite du premier.
Soutenu par une basse continue bien présente (violoncelle, contrebasse et clavecin), le Concerto pour violon en sol majeur adopte également des sonorités italianisantes (le passage à partir de 2’) que le jeu de la soliste et de ses comparses rend particulièrement chaleureuses grâce à un legato parfaitement ajusté. L’Adagio staccato déploie un charme assez irrésistible avec pourtant, avouons‑le, assez peu de matière, la voix de la soliste étant assez convenue dans la forme, l’accompagnement se révélant également très banal pour l’époque (on pourrait d’ailleurs demander davantage de fantaisie au clavecin...).
Quant au dernier concerto, dans la tonalité souriante de ré majeur, il témoigne une nouvelle fois de l’influence de la Péninsule sur la musique concertante pour violon au XVIIIe siècle : les deux Allegro portent de nouveau trace de la mélodie « vivaldienne », Ann Cnop déroulant sa partition avec une musicalité qui couronne un disque de très belle facture et d’un intérêt indéniable où l’on regrettera seulement une notice d’accompagnement assez pauvre et un minutage un peu chiche.
Le site du Pavillon de Musique
Sébastien Gauthier
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